13/ Arts et sciences au 19e siècle

Introduction

Si la vie intellectuelle, ou tout au moins ses vertus inventives, s’est étiolée au 18e siècle, ses qualités vont reprendre vigueur au 19e siècle, dans cette Belgique nouvellement devenue indépendante. Les artistes belges vont participer activement aux grands courants artistiques qui vont dominer cette époque, en Europe.

Un siècle de luttes sociales et politiques

Le 19e siècle, en Belgique, va être marqué par une période d’intense activité intellectuelle et artistique et ce, dans un contexte de développement économique impressionnant (jusqu’en 1873, du moins), accompagné d’une extrême pauvreté du monde ouvrier et rural ainsi que de luttes sociales. Cette époque va être également marquée, par ailleurs, par l’émergence du Mouvement flamand.

Les deux dernières décennies du siècle vont particulièrement illustrer cette dynamique.

En effet, d’un point de vue politique, ces années vont correspondre à une organisation de plus en plus grande du mouvement ouvrier qui va aboutir à la création du Parti Ouvrier Belge (POB) en 1885. Elles vont, par ailleurs, être le théâtre d’une véritable explosion sociale, en 1886, année qui va correspondre au point culminant de la dépression économique qui a débuté en 1873. Les travailleurs réclament, outre le suffrage universel, une prise en considération plus grande de la vie de l’ouvrier et l’amélioration des caisses de pension. La répression de ce mouvement sera très dure et fera de nombreuses victimes.

L’avènement d’un art “social”

Les tensions politiques (revendication du droit de vote) et sociales (lutte pour des meilleures conditions de vie) qui vont être au centre de ce 19e siècle, vont marquer également la dynamique artistique de leur temps. Les conditions de vie ouvrière et paysanne vont, en effet, être des sujets très présents dans les œuvres d’art de cette époque, qu’elles soient littéraires, picturales ou sculpturales.

Nombre d’artistes, en effet, vont être marqués profondément par les événements de la vie sociale et politique qui se déroulent sous leurs yeux. Certains seront des “artistes engagés” qui vont considérer l’art comme un instrument possible de rénovation de la société. D’autres seront avant tout des “artistes témoins” désireux de rendre compte de l’état de la société, de dénoncer les iniquités flagrantes dont sont victimes les classes laborieuses.

Ainsi, tous ne vont pas choisir de s’impliquer de la même manière. D’aucuns vont opter pour un engagement politique clair, d’autres vont préférer manifester leur attachement à une pensée sociale par le biais de leur art essentiellement.

De même, cet attachement ne va pas se manifester de manière identique chez chacun d’entre eux. Certains vont choisir, en effet, de centrer la plus grande partie de leur production sur le prolétariat, d’autres ne vont l’évoquer que sporadiquement, au détour par exemple d’un événement particulier.

Quant à la représentation même de la classe laborieuse, elle va être, elle aussi, envisagée de manière différente selon les artistes, certains ayant tendance à mettre l’accent sur la noblesse du travailleur, d’autres à représenter celui-ci plutôt dans une attitude de soumission douloureuse, d’opprimé et d’autres, encore, le montrant en révolte contre l’ordre social.

Enfin, pour ce qui est de la concrétisation même de l’intérêt porté au prolétariat, elle va trouver à s’exprimer principalement selon deux modes distincts. Le premier va opter pour une représentation du travailleur dans son quotidien (mettant l’accent sur l’un ou l’autre élément tels que l’insalubrité du logement, les difficiles conditions de travail, le problème de l’alcoolisme) ou lors d’événements particuliers comme les grèves et leurs répressions. Le second, quant à lui, va préférer à la description d’un état de fait, l’illustration (par le biais d’allégories, de symboles ou de métaphores) de “La” société qui va naître du renversement de l’édifice social, une société idéale, harmonieuse et juste.

La Section d’Art de la Maison du Peuple {Ce qui suit est pour l’essentiel extrait de: Aron (P), Les écrivains belges et le socialisme (1880-1913), éd. Labor, 1985,  p.52-93}

Outre le fait que la question sociale s’invite dans le domaine de l’art, l’art va, quant à lui, s’inviter dans le domaine politique comme en témoigne la création, au sein du Parti Ouvrier Belge (POB), de la “Section d’Art de la Maison du Peuple” en 1891.

Jusqu’en 1890, le POB semble concentrer l’essentiel de ses forces dans le combat social et politique tout en ne restant pas insensible aux tendances artistiques contemporaines, en particulier lorsque celles-ci visent des objectifs comparables aux siens. Avant 1890, le secteur culturel apparaît donc comme secondaire aux yeux du parti et même “l’art social” ne bénéficie pas d’un soutien particulier dans la presse socialiste.

Les choses vont commencer à changer à partir du moment où un certain nombre de jeunes bourgeois universitaires appartenant au Cercle des étudiants et anciens étudiants socialistes vont obtenir de plus en plus de responsabilités au sein du POB. Ils vont se distinguer nettement des cadres traditionnels du parti, notamment par les positions qu’ils vont adopter en matière culturelle. Ils importent dans le POB une sensibilité, des goûts, des habitudes artistiques qui les maintiennent étroitement liés au monde de la bourgeoisie libérale alors que les militants ouvriers se montrent plutôt hostiles aux modes culturelles dont ils ne partagent pas les présupposés. Cependant, tous deux se rejoignent dans la volonté de transformer l’ensemble des comportements sociaux.

Les dirigeants du parti vont insister dès lors sur le fait que le POB témoigne tant de préoccupations intellectuelles, esthétiques, morales, que de réformes économiques et politiques, en vue de la réalisation d’une société socialiste. Le développement culturel devient donc tout aussi important que l’émancipation économico-politique du prolétariat. Mais, il ne s’agit pas par-là de promouvoir l’art social mais bien de diffuser toute la culture.

Le but de la Section d’Art va donc être de constituer un lieu de rencontre entre le Peuple et “un grand nombre (…) d’artistes, désireux de contribuer à l’éducation esthétique (…) du prolétariat. (…) Seulement, pour assurer leur pleine et entière indépendance, il fut décidé que leur adhésion n’entraînerait pas affiliation au parti.” {Vandervelde (E), Introduction in Annuaire de la Section d’Art et d’Enseignement de la Maison du Peuple, Bruxelles, imp. Blondiau, 1893, p.2}.

La Section d’Art va donc organiser des conférences, des expositions, des concerts pour un prix réduit. La plupart des artistes et esthètes qui vont former l’avant-garde dans les différents secteurs de l’activité créatrice vont prendre la parole à la Maison du Peuple: Victor Horta, Fernand Khnopff, Henri van de Velde… Elle deviendra ainsi un événement notable de la vie culturelle bruxelloise qui va connaître un important succès.

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Toutefois, le public qui va s’y presser ne va pas être celui escompté. En effet, les activités vont être plus souvent fréquentées par des instituteurs, des employés ou petits bourgeois que par le public ouvrier, celui-ci se trouvant confronté à des problèmes d’horaire (les conférences prenant souvent beaucoup de temps) et de “décalage” entre le niveau de ses connaissances et celui des activités proposées {Le programme de l’année 1892-93 prévoyait entre autre une conférence de J. Destrée sur la musique russe, une autre sur la vie de Jésus et les contes d’Yperdamme par E. Picard, une soirée musicale consacrée à Brahms, un exposé sur le dramaturge norvégien Henrik Ibsen par l’écrivain G. Eeckoud et une analyse des œuvres de Charles Decoster et de C. Lemonnier par Louis Delmer.}.

Outre des créations récentes, la Section d’Art va présenter des œuvres traduisant une certaine tradition bourgeoise (sonates de Beethoven, quatuors de Brahms…), son souhait étant de populariser l’ensemble du domaine culturel et non pas une fraction bien déterminée de celui-ci. En effet, jamais elle ne va remettre en cause l’héritage culturel de la bourgeoisie mais, au contraire, va désirer permettre sa diffusion au sein de toutes les classes de la société, la culture devant être transmise à tous et non pas “accaparée” par quelques-uns.

Au tournant du siècle, on va cependant voir émerger au sein du parti, un courant prônant un art destiné à refléter l’action du POB et les espoirs dont il est porteur. Ce discours est donc une critique explicite de tout l’esprit de la Section d’Art.

Le Président du POB, Émile Vandervelde, tentera de résoudre le désaccord en proposant une vision harmonieuse de la politique artistique du socialisme. Aux artistes soucieux de liberté, il s’attachera à démontrer que l’adhésion socialiste ne s’oppose aucunement à la démarche créatrice et aux militants désireux d’efficacité, il montrera que la création artistique est toujours une production sociale.

Importance de l’axe Paris-Bruxelles

Les échanges artistiques avec la France seront particulièrement nombreux pendant cette période, peintres, sculpteurs, écrivains et musiciens semblant vivre dans une véritable communion d’idées et de sentiments.

Dynamisme des Cercles littéraires et artistiques

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Nombreux seront les cercles littéraires et artistiques à fleurir au cours de la 2e moitié du 19e siècle. Il en ira de même pour les magazines littéraires et artistiques.

Parmi les cercles artistiques, on peut citer, notamment le “Groupe des XX” qui va réunir {Autour de la figure de l’avocat bruxellois Octave Maus.} 20 artistes, dont James Ensor, Fernand Khnopff et Théo Van Rysselberghe, désireux de former une association afin, entre autres, de réunir lors de salons, des artistes “indépendants” belges et étrangers ayant chacun leur mode d’expression, leur style.

Très vite ce groupe va devenir le symbole de l’avant-garde en Belgique et va attirer bon nombre d’artistes étrangers {Comme, par exemple, les peintres Seurat, Gauguin, Toulouse-Lautrec, le sculpteur Rodin, les compositeurs Fauré, Debussy, les écrivains, Mallarmé, Verlaine…}, sa réputation dépassant largement les frontières de la Belgique.

Maints artistes parmi ses membres vont collaborer à la Section d’Art et vont faire de la classe ouvrière une donnée centrale de leur œuvre.

Par ailleurs, suivant l’exemple anglais des “Arts and Crafts {Mouvement artistique réformateur né en Angleterre dans les années 1860.}, ils vont défendre l’idée que l’art doit servir le Peuple et faire partie intégrante de la vie quotidienne. C’est ainsi que plusieurs d’entre eux, dont Henri van de Velde (voir infra), vont être actifs dans le domaine des arts appliqués (illustration de livres, affiches…) et des arts décoratifs {Notons, cependant, que ces mêmes-avant-gardistes désireux de créer un art destiné à être consommé par la classe ouvrière vont fournir rapidement des objets décoratifs aux classes aisées de la société et connaître ainsi les mêmes avatars que le mouvement « Arts and Crafts » qui n’allait jamais changer le niveau de vie de la classe laborieuse pour, au contraire, n’être à la portée que des collectionneurs bourgeois.}.

De par leur rapport avec certains hommes politiques socialistes tel qu’Émile Vandervelde (le Président du POB), par leur coopération avec des journaux socialistes et anarchistes, par leur relation avec l’aile culturelle du POB bruxellois et par leurs réalisations artistiques, les avant-gardistes belges vont prendre une part active au débat politique.

Architecture

Survivance de l’architecture néo-classique

Le néo-classicisme va être encore longtemps à la mode au cours du 19e siècle, comme l’illustrent notamment différents bâtiments de Bruxelles tels que le Palais des Académies (1823-1826), la Bourse (1871-1873), le Musée d’Art ancien (1875) ou encore la Colonne du Congrès (1850).

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L’architecture historique et l’architecture éclectique

Sans pour autant se tarir tout de suite, l’architecture classique ne va pas rester la seule source d’inspiration. Un certain nombre d’architectes vont se tourner vers d’autres époques du passé, à commencer par le Moyen-Age. C’est ainsi que l’on va commencer à voir fleurir des édifices en style néo-gothique qui vont par la suite être suivis de constructions en style néo-renaissance, néo-baroque…

On va donc voir, pendant une grande partie du e siècle, prédominer clairement une architecture passéiste, copiant les styles historiques, tout en les mettant au goût du jour.

Mais, simultanément, va apparaître également une architecture de type éclectique qui va, elle, mêler des éléments empruntés à différents styles. On se retrouvera donc face à des monuments hybrides mélangeant les styles.

En Belgique, c’est Joseph Poelaert (1817-1879) qui va être le représentant le plus connu de cette tendance avec la construction du Palais de Justice de Bruxelles (1866-1883).

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L’usage du fer et du verre {Ce qui suit est pour l’essentiel extrait de Heyblom (J), Histoire de l’Art II, éd. Les Amis de l’IPIAT.}

Tandis que les architectes officiels pastichent tous les styles de l’histoire, les ingénieurs et les industriels vont chercher à répondre, avec des matériaux nouveaux et des techniques nouvelles, aux exigences de la société industrielle en lui fournissant des bâtiments adéquats: gares, usines, magasins, entrepôts, halls d’exposition.

Des procédés nouveaux de construction utilisant un nouveau matériau, le fer, vont fournir les solutions recherchées.

L’usage du fer, dans la construction de bâtiments industriels et de ponts, existait déjà depuis la fin du 18e siècle en Angleterre et il était entré dans l’architecture d’habitation en 1818-21 {Dans le pavillon de Brighton, réalisé par J. Nash en 1818-21, les colonnes de fer fines et élancées servent d’éléments de soutien, donnant aux pièces de nouvelles proportions jusque-là inconnues.} Toutefois, la véritable construction révolutionnaire de l’époque va être la construction du Crystal Palace édifié pour la 1re exposition universelle de Londres en 1851. Il s’agit d’un bâtiment {Bâtiment malheureusement détruit dans un incendie en 1937.} composé uniquement de fer (pour les colonnes) et de verre. C’est à partir de ce moment-là que l’architecture de fer va commencer à prendre son essor. Les constructions métalliques vont se développer et se perfectionner.

En Belgique, les serres royales de Laeken, entièrement édifiées en métal et en verre en 1873 par l’architecte Alphonse Balat (1818-1895), sont un magnifique exemple de cette nouvelle architecture. Elles seront une des sources d’inspiration les plus marquantes de Victor Horta (voir infra).

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L’Art Nouveau

Vers 1890, un nouveau courant utilisant les nouveaux matériaux va réagir contre le style éclectique. Il réclame une nouvelle source d’inspiration, la nature et ses symboles.

Ainsi, les formes végétales, aux lignes sinueuses vont désormais faire partie du vocabulaire décoratif et être à l’origine d’un nouveau style: L’Art Nouveau, courant qui va progressivement se répandre dans différents pays européens pour devenir le Jugenstil en Allemagne, le Secessionstil en Autriche ou le Stile Liberty en Italie, avec à chaque fois leurs caractéristiques propres. Toutefois, quelles que soient les traductions nationales, le fondement de ce style sera le même partout: la recherche de l’unité formelle de l’œuvre, l’unité de conception. Il faut une cohérence entre la structure, la décoration et le mobilier. De façon générale, cette époque va être une époque de renouveau des arts décoratifs {Le Mouvement “Arts and Crafts” (dont un des acteurs clés sera William Morris), qui va se développer en Grande-Bretagne à partir des années 1880, va jouer un rôle essentiel dans ce cadre. Des écoles vont être fondées pour former les artisans à la tapisserie, à la broderie, à l’émaillage, à la dinanderie, à la poterie, aux teintures naturelles, aux textiles tissés avec les métiers à tisser traditionnels, à la marqueterie et à l’ébénisterie. Une de ses grandes idées est que l’art doit intervenir partout, en premier lieu dans la maison, dans les objets usuels: vaisselle, argenterie, reliure, tapis, luminaires… En réaction aux atmosphères surchargées des intérieurs bourgeois de l’époque, il met en avant la simplicité, voire le dépouillement, estimant qu’un beau mobilier se suffit à lui-même. Dans les œuvres on retrouve des motifs végétaux et des animaux, références claires à la nature, mais ils sont plus ou moins stylisés.}. La beauté doit aussi être dans la vie quotidienne…

Le style Art nouveau va commencer à décliner, en Belgique, à partir de 1905.

Victor Horta (1861-1947)

On considère souvent l’Hôtel Tassel, construit par Victor Horta à Bruxelles en 1893, comme étant le premier édifice art nouveau.

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Parmi les caractéristiques du style d’Horta, on peut pointer l’usage de la pierre blanche en façade qu’il va travailler avec une sensibilité de sculpteur. Il cherche à appliquer la courbe tant dans le profil général de la façade que dans le détail des moulures à fleur de pierre.

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C’est la ligne en coup de fouet qui prédomine. A partir d’un noyau central se développent d’amples courbes asymétriques dont le mouvement est soudainement arrêté par une brusque contre-courbe. On retrouve cette ligne aussi bien dans le fer forgé que le bois et la pierre.

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A cela s’ajoute l’usage des structures métalliques apparentes. Il s’agit de ne rien cacher de la structure de la maison. Tous les matériaux utilisés doivent être apparents. Il sera le premier architecte à introduire dans l’architecture bourgeoise les techniques et matériaux de construction industrielle en les affirmant franchement.

Par ailleurs, il va innover en terme d’organisation intérieure de l’espace. Alors que la plupart des constructions de l’époque présentaient un plan de 3 pièces en enfilade (afin de répondre aux contraintes induites par des parcelles de terrain souvent longues et étroites), avec pour conséquence que la pièce du milieu était toujours dans la pénombre, Victor Horta va, lui, faire entrer la lumière au cœur de la maison grâce à l’usage systématique d’un puits de lumière qu’il va recouvrir d’une verrière. A cela vont s’ajouter d’amples baies vitrées. Son architecture va ainsi permettre une large pénétration de la lumière latérale et zénithale {Terme qualifiant un éclairage naturel par le haut.}.

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Outre le fait d’être architecte, V. Horta sera également créateur de meubles de style art nouveau. En dehors des chaises, fauteuils, bureaux et tables, la plupart de ses meubles (buffets, armoires…) seront liés à l’architecture de la maison à laquelle ils sont destinés et seront donc conçus pour des emplacements bien précis.

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Il travaille les éléments décoratifs jusqu’au moindre détail. Une simple poignée de porte, un radiateur… doivent être beaux et fonctionnels. La maison devient une œuvre d’art total. Il n’y a plus de différence entre arts mineurs et majeurs. C’est l’idée de “l’art dans tout”.

Horta va réaliser une série d’hôtels particuliers. Ses clients seront des professeurs à l’Université Libre de Bruxelles (Tassel {icon map-maker Rue Paul-Émile Janson,6 – 1000 Bruxelles}, Autrique {icon map-maker Chaussée de Haecht, 266 – 1030 Schaerbeek (Bruxelles)} ), des industriels et ingénieurs (Solvay {icon map-maker Av. Louise,224 – 1000 Bruxelles} , Wisinger {icon map-maker Rue Hôtel des Monnaies,66 – Bruxelles} ), dignitaire (Van Eetvelde {icon map-maker Av. Palmerston,4 – 1000 Bruxelles} , secrétaire général pour l’État indépendant du Congo) ou échevin et militant socialiste (Hallet {icon map-maker Avenue Louise,346 – 1000 Bruxelles} ).

Mais il va également construire des grands magasins ainsi que la Maison du Peuple (malheureusement détruite en 1965).

Cette Maison du Peuple, commandée à Victor Horta par les dirigeants du POB, participe de l’ “esprit Section d’Art” auquel il a été fait référence plus haut. Inaugurée en 1899, elle va concrétiser l’onéreuse mais symbolique ambition d’élever pour le Peuple un palais comparable aux chefs-d’œuvre de l’Art Nouveau que l’architecte bâtissait à la même époque pour la fraction la plus audacieuse de la bourgeoisie {Aron (P), Les écrivains belges et le socialisme (1880-1913), éd. Labor, 1985, p. 76}.

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Se différenciant du style éclectique défendu par la bourgeoisie catholique et les libéraux conservateurs, la Maison du Peuple, considérée par certains comme l’expression la plus significative de la relation entre l’art et la politique, va refléter par le biais de son architecture, l’opposition existant entre les partis qui défendent le statut quo et le “parti du changement“.

Aux dires d’Horta lui-même, “Il s’agissait de construire un palais qui ne serait pas un palais mais une maison où l’air et la lumière seraient le luxe si longtemps exclu des taudis ouvriers“.

La maison personnelle de Victor Horta {icon map-maker Rue Américaine, 23/25 – 1060 St-Gilles (Bruxelles) – icon website hortamuseum.be} est devenue le Musée Horta. Il est également possible de visiter la Maison Autrique {icon map-maker Chaussée de Haecht, 266 – 1030 Schaerbeek (Bruxelles) – icon website autrique.be} (construite juste avant l’Hôtel Tassel et qui n’est pas encore totalement de style art nouveau). Enfin, les magasins Waucquez {icon map-maker Rue des Sables, 20 – 1000 Bruxelles} abritent le Centre belge de la bande dessinée.

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Paul Hankar (1859-1901)

Parmi les autres architectes belges Art Nouveau, on peut citer également Paul Hankar, architecte et décorateur (conception de mobilier). Il sera notamment l’auteur d’un ensemble de boutiques (dont celle de la Maison Niguet {icon map-maker Rue Royale, 13 – 1000 Bruxelles – (à quelques pas du parc de Bruxelles)}, de maisons particulières en ville mais aussi à la campagne (style “cottages”). Malheureusement, un grand nombre de ses œuvres ont disparu au fil du temps.

Contrairement à V. Horta qui fond les éléments architecturaux et décoratifs entre eux, P. Hankar va les séparer systématiquement et va assigner à la décoration une place précise et délimitée. Par ailleurs, de façon générale, son architecture est plus austère. Il va progressivement s’affranchir du rapport aux formes végétales et géométriser davantage les éléments. Il peut, ainsi, être vu comme une sorte de “pivot” vers la modernité du début du 20e siècle.

Une de ses œuvres majeures est l’Hôtel Ciamberlani (1897), situé à côté d’une autre de ses réalisations, l’Hôtel Janssens {icon map-maker Rue Defacqz, 48/50 – 1050 Ixelles}, et pas tellement loin de sa maison personnelle {icon map-maker Rue Defacqz, 71 – 1050 Ixelles} (1893).

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Henry Van de Velde (1863-1957)

Henry Van de Velde est un autre célèbre architecte-décorateur. Peintre de formation, il va se reconvertir en architecte, architecte d’intérieur, designer, pédagogue et conseiller artistique. Il va réaliser des meubles, de l’argenterie, de la porcelaine, des bijoux ou encore des reliures. Sa ligne va se faire de plus en plus géométrique. Parmi les constructions de cette époque, on peut citer sa première, la villa “Bloemenwerf” à Uccle {icon map-maker Av. Vanderaey,102 – 1180 Uccle} (Bruxelles), résidence personnelle dont l’architecture extérieure est dépourvue d’ornement et rappelle celle du cottage anglais.

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Son ameublement sera fonctionnel et discret et traduira un souci de design total. Notons que si l’appartenance du Bloemenwerf à l’art nouveau est incontestable, elle est cependant fort éloignée de ce qui caractérise l’école belge (l’ornementation est très peu présente dans l’architecture de Van de Velde qui n’est pas sans annoncer une partie de ce qui va caractériser l’art nouveau autrichien (le style Sécession {Un des chefs-d’œuvre de la Sécession viennoise se trouve à Bruxelles (279-281, av. De Tervueren). Il s’agit du palais construit par Joseph Hoffmann pour le financier belge Adolphe Stoclet. Le palais Stoclet est représentatif du concept d’œuvre d’art totale (Gesamtkunstwerk) qui associe étroitement décoration extérieure et intérieure, mobilier et objets usuels et jardins. La salle à manger est entièrement couverte de mosaïques conçues d’après des esquisses du peintre autrichien Gustav Klimt. Le Palais ne se visite pas.}). On peut également évoquer la Maison Sèthe {icon map-maker Av. Vanderaey,118 – 1180 Uccle – nota bene NB; cette construction a été plusieurs fois transformée par Henry Van de Velde mais également par d’autres intervenants, au fil du temps.}. Pour le reste, il existe peu de renseignement sur les activités architecturales de Van de Velde avant son départ en Allemagne, en 1900 (où il va construire plusieurs maisons Art Nouveau et édifices publics, ainsi que réaliser des travaux d’aménagements d’intérieur). La plupart des œuvres de cette époque ont été détruites ou défigurées (au point d’être méconnaissables). De façon générale, les aménagements intérieurs (conception de mobilier…) vont constituer une part très importante de son activité. Ils vont, plus que ses constructions, faire sa réputation dès 1895.

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Travaillant parallèlement au mouvement “Arts and Crafts” qui prônait la conception d’objets quotidiens de qualité (“L’Art dans tout“), il va défendre avec ardeur les arts appliqués et va créer, en 1897, un atelier où il va faire fabriquer ses propres meubles en série. Mais bien qu’il ait considéré sa production dans une optique sociale (à la manière de William Morris: “L’Art pour tous”), en imaginant sa diffusion dans les milieux modestes, il ne va vendre pratiquement qu’aux plus aisés {Leclercq (J), L’art en Belgique depuis 1830. De la tradition à l’éclatement, article destiné à paraître en allemand dans un volume de Ringvorlesungen, Köln, dme-Verlag, 1987 (Kölner Schriften zur Romanischen Kultur).}.

A partir de 1901, ses œuvres vont prendre un caractère de plus en plus sévère. Son architecture va devenir de plus en plus austère. La fonction décorative de la ligne courbe va diminuer progressivement pour ne plus laisser à celle-ci que le rôle de raccordement entre les lignes droites.

Gustave Serrurier-Bovy (1856-1910)

Jeune architecte, Gustave Serrurier-Bovy va, lui aussi, se passionner pour la rénovation du cadre de vie qui s’accomplit en Grande-Bretagne depuis les recherches de William Morris et de ses disciples et va décider de se consacrer à la fabrication et à la diffusion d’articles d’intérieur (meubles…). Il milite pour la simplicité dans le décor et se fait le défenseur de la beauté à la portée de tous. Pour cela, dès 1902, il se détourne de la production artisanale, trop chère, pour se tourner vers l’esthétique industrielle. En 1905, il va créer le mobilier “Silex” comprenant des meubles démontables (l’acheteur assemble lui-même les meubles avec un système de vis apparentes), des modèles de rideaux aisés à réaliser et des techniques simples de décoration. Au fil de sa carrière, il va progressivement abandonner les courbes au profit de formes plus géométriques.

Gustave Strauven (1878-1919)

L’architecte Gustave Strauven va être pendant deux ans le collaborateur de V. Horta avant de s’installer comme indépendant. Ses clients seront nettement moins aisés que ceux de V. Horta. Strauven va donc utiliser, autant que possible, la brique (matériau nettement moins coûteux) plutôt que la pierre et faire appel à des ferronneries préfabriquées. Par ailleurs, là où chez Horta on trouve un équilibre entre l’architecture et la décoration, on voit clairement la décoration prendre le pas sur l’architecture, chez Strauven.

Strauven sera l’auteur d’une trentaine de maisons particulières parmi lesquelles la Maison Saint-Cyr {icon map-maker Square Ambiorix,11 – 1000 Bruxelles} (1903) ainsi que de deux immeubles à appartements à Bruxelles {Au coin de la rue Josaphat et de l’av. Louis Bertrand à Bruxelles}.

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Paul Jaspar (1859-1945)

Paul Jaspar va être influencé en particulier par l’architecture de Paul Hankar. Il va être l’auteur d’édifices publics tant culturels qu’industriels et de nombreuses demeures privées à Liège.

Paul Cauchie (1875-1952)

Le style de l’architecte-peintre-décorateur Paul Cauchie est, quant à lui, dominé par des lignes linéaires et très géométriques mais il est pourvu d’une décoration picturale très riche. Paul Cauchie va être un maître pionnier de la renaissance de la technique du sgraffite {Fresque murale décorative façonnée par grattage dans une fine couche de mortier de couleur, dont la pratique remonte à l’Antiquité} au 19e siècle.

Son œuvre la plus connue est la Maison Cauchie {icon map-maker Rue des Francs,5 – 1040 Bruxelles – icon website cauchie.be} (devenue musée) construite en 1905 à Bruxelles pour lui servir d’habitation et d’atelier ainsi qu’à sa femme, elle-même peintre. La maison est marquée des créations multiples du couple: peintures murales, décorations, broderies, meubles, lustreries et sgraffite. Les compositions décoratives et le mobilier d’époque montrent l’influence évidente de l’architecte-décorateur écossais Charles Rennie Mackintosh (art nouveau géométrique).

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Intérêt des peintres pour les arts décoratifs

Différents artistes peintres vont, à partir de 1891, manifester un intérêt nouveau pour les arts décoratifs venus d’Angleterre et vont prendre conscience de la nécessité d’une interdisciplinarité entre les différentes expressions artistiques.

Théo van Rysselberghe va dessiner des meubles, bijoux, vitraux et affiches, tout en excellant également dans les illustrations de livres (dont ceux de son ami Verhaeren).

Georges Lemmen va s’intéresser tout particulièrement à l’ornementation de livres, tissus, affiches ou tapis.

Henry van de Velde va abandonner la peinture en 1892 pour se concentrer sur les arts appliqués (l’orfèvrerie, la confection de porcelaine et la création de design de tapis et d’étoffes).

Quant à Alfred William Finch, il va se lancer dans la création de céramiques (vases, coupes, plats, cendriers et autres objets usuels) et travailler comme peintre-décorateur aux faïenceries Royal Boch à la Louvière. Remarqué pour ces réalisations, il va être invité à s’établir en Finlande afin de diriger une firme de céramique et enseigner à l’Ecole des Arts décoratifs d’Helsinki, devenant ainsi un des principaux ferments du développement de l’école finlandaise de design {In catalogue de l’exposition consacrée à A.W. Finch aux MRBA, du 17/1 au 29/3/1992, éd. Crédit Communal}.

Peinture

Au cours du 19e siècle, la Belgique, comme les autres pays européens, va être marquée par différents courants artistiques.

Le Romantisme

La création est avant tout une recherche plastique, libre, visant à parler à la sensibilité du spectateur par l’intermédiaire des procédés picturaux les plus variés. L’art romantique cherche de façon caractéristique à exprimer par la suggestion des sentiments intenses, mystiques ou fugitifs.

S’il ne peut être identifié à un style, une technique ou une attitude unique, le romantisme, notamment en peinture, affirme cependant son unicité à travers les thèmes dont il s’inspire: communion avec la nature dans ce qu’elle a de sauvage et de mystérieux, intérêt porté à l’époque médiévale, intérêt pour le drame, le combat et la folie.

Le romantisme national est une forme de romantisme favorisant les thèmes et les idées basées sur la culture “nationale” . L’héritage de la nation y devient l’objet de recherches, de valorisation et d’admiration. Ce courant découle d’un nationalisme romantique qui a politiquement marqué toutes les nations européennes au 19e siècle, puis ailleurs dans le monde au 20e siècle. Le romantisme national va d’abord être une question de littérature avec la redécouverte de vieux contes et de vieilles épopées plus ou moins reconstituées, censés révéler l’essence-même d’une nation, puis va toucher les autres Arts, comme la musique, la peinture, la sculpture et l’architecture, ayant toujours à l’esprit la recherche de la spécificité d’une culture particulière. Les formes artistiques du passé (vues comme nationales), notamment celles du Moyen-Age, vont être imitées.

Différents artistes vont illustrer ce courant en Belgique {Sauf mention contraire, ce qui suit est pour l’essentiel extrait de Heyblom (J), Notes d’Histoire de Belgique, éd. Les Amis de l’IPIAT et de Heyblom (J), Histoire de l’Art I et II, éd. Les Amis de l’IPIAT}.

Louis Gallais (1810-1887)

Louis Gallais va être un des chefs de file de l’école romantique en Belgique. On lui doit de très nombreux portraits et des compositions à caractère historique. Parmi celles-ci, on peut citer: “l’abdication de Charles Quint” (1841), “les têtes coupées des Comtes d’Egmont et de Hornes” (1851) ou encore “la peste de Tournai” (1882), toile immense pleine de tumulte et d’épouvante.

Ces toiles sont visibles au Musée des Beaux Arts de Tournai {icon map-maker Enclos Saint-Martin – 7500 Tournai –icon website tournai.be – Musée des Beaux-Arts} où une salle lui a été consacrée.

Antoine Wiertz (1806-1865)

Antoine Wiertz va avoir, quant à lui, l’ambition d’égaler Rubens, Raphaël et Michel-Ange. Il se propose de réintroduire la peinture de type monumental. Nombre de ses toiles traduisent des intentions philosophiques, sociales et morales marquées mais aussi satiriques.

Parmi ces tableaux, on peut citer “l’inhumation précipitée“, tableau faisant référence à une époque où le choléra faisait des ravages et où on avait tendance à mettre les personnes dans des cercueils sans même être certain qu’elles étaient réellement mortes. Dans “faim, folie, crime”, il montre une illustration terrible de ce à quoi la misère peut conduire: une femme finit par tuer son enfant pour se nourrir. Son tableau “De la chair à canon” est un plaidoyer pour la paix, au même titre qu’ “Une scène de l’enfer” montrant Napoléon (qui incarne à ses yeux le symbole du tyran et du belligérant) griller en enfer et les parents des soldats morts le huant. “Pensée et vision d’une tête coupée” est, quant à lui, un plaidoyer contre la peine de mort.

D’autres de ses tableaux auront pour thème des scènes de l’Antiquité et de la mythologie. Ce sera, par exemple le cas de: “Les Grecs et les Troyens se disputant le corps de Patrocles” ou encore “Un grand de la terre” qui représente la lutte du cyclope avec Ulysse.

Il peindra également des peintures à caractère religieux comme “Le triomphe du Christ” ou encore le triptyque de “La mise au tombeau”.

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On peut voir toutes ces œuvres au Musée Wiertz {icon map-maker Rue Vautier,62 – 1050 Ixelles (Bruxelles) –icon website Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique} à Bruxelles, musée qui a été ouvert dans l’ancien atelier du peintre.

Le Réalisme

La peinture réaliste vise à reproduire le réel avec une entière objectivité. Plus question donc de représenter des thèmes d’invention si chers aux mouvements artistiques précédents. C’est à la vie quotidienne et à l’actualité qu’il faut désormais emprunter ses sujets. Il s’agit de faire de “l’art vivant”. Les héros des tableaux ne sont plus des noms historiques mais bien des contemporains, et plus particulièrement des gens du peuple, montrés le plus souvent dans leur dure réalité quotidienne. Les tableaux réalistes veulent être des “miroirs de vérité“. Les peintres réalistes vont s’opposer à la théorie de “l’art pour l’art“.

Joseph Stevens (1816-1892)

Joseph Stevens peut être vu comme un peintre réaliste avant la lettre même si, en son temps, il va être étiqueté “peintre animalier” (ce qui va le préserver des violentes critiques que le public va réserver quelques années plus tard au peintre français Gustave Courbet {En 1851, G. Courbet va exposer à Bruxelles son tableau “Les casseurs de pierre” ( NdlR: d’après son propre récit, Courbet aurait repéré, au hasard d’une route, ces deux hommes au travail occupés à casser des pierres et a voulu les représenter grandeur nature avec leurs vêtements déchirés.) qui va être à l’origine de réactions violentes. Les adversaires de l’œuvre vont y voir un “drapeau insurrectionnel” et vont accuser Courbet d’entreprendre “la glorification du sabot et de la chaussette trouée”. A Bruxelles, comme à Paris, Courbet indigne. Ce qui est visé par la critique, ce n’est pas la qualité plastique de l’œuvre mais bien le sujet qu’il a choisi de représenter. “On ne veut pas admettre qu’un casseur de pierre vaut un prince”} et à ses disciples). En effet, les protagonistes de ses tableaux appartiennent souvent à la race canine. Ils n’en sont pas moins vrais ni émouvants. C’est donc au 2e degré que la dénonciation des inégalité s’y affirme. Ainsi, dans son tableau “Les mendiants de Bruxelles le matin” (1848), il ne fait que substituer les chiens aux hommes {Leclercq (J), L’Art en Belgique depuis 1830, de la tradition à l’éclatement, Ringvorlesungen, Köln, dme-Verlag, 1987}.

Charles Degroux (1825-1870)

Charles Degroux est considéré comme le fondateur du réalisme en Belgique. Il va se faire connaître, dès 1849 par son tableau “L’ivrogne” qui montre une pauvre mansarde où les enfants viennent de ramener leur père ivre alors que leur mère épuisée meurt sur le grabat. Degroux se veut l’évocateur des détresses humaines et des injustices sociales. Dans son tableau “Scène d’hiver ou le Moulin à café” (1857), il aborde le thème des sans-logis, thème qu’Alfred Stevens (1823-1906), autre peintre réaliste, avait également abordé dans son tableau “Ce qu’on appelle le vagabondage” (vers 1855).

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Constantin Meunier (1831-1905)

Constantin Meunier va puiser son inspiration dans la vie des ouvriers des mines et des hauts fourneaux. Il est considéré comme un des principaux interprètes de la vie de la classe laborieuse, en cette période de grande industrialisation. Au-travers de ses œuvres transparaissent l’amour et le respect qu’il portait à ces “collaborateurs de la prospérité” condamnés à vivre dans un monde ingrat et qu’il représente toujours dignement, les considérant comme “les derniers héros d’un âge sans héroïsme” {Lemonnier (C), Constantin Meunier sculpteur et peintre, éd. Floury, Paris, 1904, p. 104}.

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On peut voir une partie de ses œuvres au Musée Constantin Meunier {icon map-maker Rue de l’Abbaye,59 – 1050 Ixelles –icon website Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique} à Bruxelles.

Félicien Rops (1833-1898)

Lorsque le peintre Félicien Rops décrit son travail, il dit : “Je tâche tout bêtement et tout simplement de rendre ce que je sens avec mes nerfs et ce que je vois avec mes yeux”. Son œuvre va être marquée avant tout par les thèmes de la vie et de la mort. Il méprise les conventions. Les représentations qu’il fait de la société de son temps sont ironiques et satiriques.Tout y est profané, jusqu’à l’amour” {Lemonnier (C), L’Ecole belge de peinture 1830-1905, Bruxelles, 1906}.

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Toutefois, si ce qui précède correspond à nombre de ses réalisations, d’autres œuvres présentent un caractère tout autre. C’est le cas de son eau-forte, intitulée “La grève“, réalisée en 1876 après une visite d’un charbonnage. Cette œuvre est originale à plus d’un titre. Tout d’abord par son sujet. En effet, alors que le thème de la grève va devenir de plus en plus courant chez les artistes à la fin du 19e siècle, c’était loin d’être le cas au moment où Rops a réalisé son eau-forte. Ensuite, par la façon de le traiter. Alors que la plupart des artistes vont représenter des ouvriers grévistes, Rops, lui, va choisir une figure féminine pour illustrer son propos. Le sujet est traité sobrement. Pas de mouvements de foule, de visages revendicateurs, d’étendards… Ici, tout n’est que sous-entendus: cheminées inactives d’usines, affiches placardées appelant à l’action et, enfin, une jeune-fille vêtue de ses vêtements de travail, sur le visage de laquelle on peut lire à la fois colère et fatalisme.

F. Rops va également se montrer un paysagiste moderne.

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On peut découvrir ses œuvres, notamment, au Musée Félicien Rops {icon map-maker Rue Fumal,12 – 5000 Namur –icon website museerops.be} à Namur.

Henri de Braeckeleer (1840-1888)

Henri de Braeckeleer va commencer sa carrière par des toiles sombres traduisant une scrupuleuse observation de la réalité pour ensuite (1870-1880) s’orienter vers une œuvre marquée par l’influence des maîtres anciens comme Holbein, Metsys et Vermeer. Ces toiles ont une atmosphère calme, intime et les tons sont chauds. Son œuvre est un art d’intériorité, de repli sur soi-même.

Louis Dubois (1830-1880) et Hippolyte Boulenger (1837-1874)

Le genre paysagiste va également être représenté dans le courant réaliste. Ce sera «l’École réaliste de Tervueren“, fondée en 1860 par Louis Dubois {Celui-ci ne sera pas que peintre paysagiste. Nombre de ses tableaux vont, en effet, traiter de la société qui l’entoure, comme le montre notamment le tableau “la roulette” illustrant l’ambiance d’une salle de jeux} et par Hippolyte Boulenger. Ces peintres pratiquent une peinture libre et réaliste inspirée de l’observation de la nature présente à foison au bord de la forêt de Soignes.

L’impressionnisme

Les peintures impressionnistes sont réalisées, la plupart du temps, en plein air, pour mieux observer les moindres changement du temps, de la lumière et aussi pour mieux observer les “palpitations” du paysage et conserver sur la toile la spontanéité des premières impressions. Il s’agit de capter les reflets de la lumière jouant sur les choses.

Pour mieux rendre sur la toile, le “papillotement” des reflets de la lumière, les impressionnistes en viennent à peindre par petites touches de couleurs, d’où ces coups de pinceaux apparents et cette grande fraîcheur dans le rendu. Ce sont des peintres de la lumière qui, pour la traduire, utilisent des couleurs claires et souvent pures.

Ce courant, né en France, va également avoir des représentants en Belgique.

Guillaume Vogels (1836-1896)

Guillaume Vogels est généralement vu comme le plus impressionniste des artistes de sa génération, travaillant ses ciels neigeux avec une matière épaisse, appliquée au couteau. Il est le peintre des brouillards, des lourdes averses, des tristesses de la pluie dans les rues pauvres de Bruxelles. Les tons sont gris avec, parfois, une note plus vive. Il inaugure ainsi (avec Ensor) un impressionnisme de type autochtone, moins lumineux que celui que l’on trouve en France.

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Emile Claus (1849-1924)

Emile Claus, à qui l’on reprocha d’être inféodé aux impressionnistes français, va en fait renouveler avec brio une certaine approche du paysage belge. On lui doit notamment des paysages de Flandre amplis de soleil. Les défilés de communiantes, de vachers et d’agriculteurs, les portraits en plein air vont s’animer d’effets lumineux opulents d’une grande maîtrise formelle. Dans les années 1890, il va de plus en plus opter pour une touche néo-impressionniste. Son trait va se diviser de plus en plus.

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Henri Evenepoel (1872-1899)

Henri Evenepoel, peintre belge qui va vivre à Paris pendant presque toute sa courte de vie, va rejoindre assez vite les impressionnistes. Toutefois, de ceux-ci il va retenir l’esprit, la dimension vivante et spontanée plus que la construction des jeux lumineux. Il se sépare des impressionnistes orthodoxes dont il rejette l’aspect analytique. Par ailleurs, contrairement à eux, il ne va pas diviser la touche. Il va se spécialiser dans le portrait et la représentation de scènes de la vie moderne avec personnages. Ses tableaux vont illustrer des scènes de promenades publiques, de marchés, de foires, de bals populaires ou de cafés parisiens. Ses compositions ont des aspects d’instantanés photographiques pleins de vie et de naturel. Evenepoel rend compte des attitudes et des gestes des passants, du grouillement coloré de la foule. Il utilise de grands aplats de couleur aux tons généralement clairs. Le dessin est direct et simplifié.

peinture-impressionnisme-Evenepoel - Promenade du dimanche au Bois de Boulogne

Anna Boch (1848-1936)

Anna Boch {Elle est la fille de Victor Boch, un des fondateurs de la faïencerie Royal Boch à La Louvière (voir la fiche “Le règne d’Albert II“)} va, tout comme E. Claus, se consacrer à l’étude de la lumière après avoir, un temps, pratiqué la division systématique des couleurs.

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Le néo-impressionnisme

Le néo-impressionnisme est un mouvement qui va se développer dans les années 1880 comme prolongement de la technique impressionniste. Fondé sur les théories modernes de l’optique et de perception, il fait apparaître les formes et les couleurs comme une juxtaposition de points. La minutieuse technique du peintre français Seurat, chef de file de ce mouvement, va également être appelée “pointillisme” ou encore “divisionnisme“. Seurat va susciter des vocations en Belgique.

Alfred William Finch (1854-1930)

Alfred William Finch, peintre d’origine anglaise, va être fasciné par la démarche et la technique de Seurat et va très rapidement s’engager dans le courant néo-impressionniste. Il semble d’ailleurs, qu’il ait été le premier artiste belge à le faire.

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Théo van Rysselberghe (1862-1926)

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Théo van Rysselberghe va être le principal représentant de la peinture néo-impressionniste, en Belgique, dont il va commencer à pratiquer la technique en 1888, dans les portraits qu’il réalise. Il va toutefois toujours se montrer fidèle à une vision réaliste des choses, tout attaché qu’il est au motif d’après nature et ce, quelle que soit le style choisi et la source d’inspiration. Il va prendre ses distances par rapport à la stylisation figée proposée par Seurat. Il va varier la grandeur des points, pointillant largement pour les surfaces du fond mais usant de points plus petits pour les mains, le visage et les détails anatomiques qui portent l’expression.

Nombre de ses sujets sont des écrivains et artistes qui lui sont proches ou des membres de sa famille, c’est à dire un milieu essentiellement bourgeois.

Il sera, avec le peintre français Signac, un des peintres qui demeurera le plus longtemps fidèle à la division de la touche, n’abandonnant cette technique que vers 1905, époque à laquelle il va opter pour une peinture plus souple et plus libre, tout en gardant une facture néo-impressionniste “par le jeu des contrastes de couleur, par la clarté des tons et par l’emploi de touches élargies” {Stumper (T), Théo van Rysselberghe, exposition au Musée d’Histoire et d’Art, Luxembourg, 1962}.

George Lemmen (1865-1916)

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George Lemmen va lui aussi être séduit par la technique néo-impressionniste, à partir de 1890, au point de modifier radicalement sa conception picturale. Ses paysages néo-impressionnistes sont habités d’une atmosphère austère mais ce sont surtout ses portraits qui constituent l’apport le plus fécond de Lemmen au néo-impressionnisme, technique qu’il abandonnera, toutefois, à partir de 1894. Il utilise cette technique pour rendre l’intimité, l’intériorité des choses et des êtres.

Henry van de Velde (1863-1957)

Henry van de Velde, qui a d’abord été peintre avant d’être architecte, sera l’auteur de quelques toiles néo-impressionnistes.

Le symbolisme

Vêtir l’idée d’une forme sensible“, voilà la formule-clef du symbolisme, théorie qui vient de France. On pourrait dire que celui-ci s’étend à toute œuvre à contenu émotif qui ne se réduit pas à la stricte reproduction du monde extérieur. L’œuvre symboliste est l’expression de sentiments, de fantasmes ou même du réel choisi comme image d’une surréalité. Le but essentiel du symbolisme est “d’objectiver le subjectif au lieu de subjectiver l’objectif». Pour les symbolistes, “la nature ne doit servir que d’auxiliaire pour rendre les rêves du cerveau.” {Roberts-Jones (Ph), Du réalisme au surréalisme, La peinture en Belgique de Joseph Stevens à Paul Delvaux, éd. ULB, coll. Cahiers du Gram, 1994, p.83-85}.

Le symbole s’épure (…) toujours, à travers une évocation, une idée: il est un sublimé de perceptions et de sensations ; il n’est point démonstratif mais suggestif (…)” {Emile Verhaeren cité in Fernand Khnopff, catalogue d’exposition, MRBA, Bruxelles, 1987, p.28}.

Fernand Khnopff (1858-1921)

Fernand Khnopff est la figure marquante du symbolisme en Belgique dont il est particulièrement représentatif de par sa perfection formelle et le climat mystérieux qui en émane. Cet artiste introverti va être séduit par l’hermétisme des symboles qui représentent autant d’écrans. Il se réjouit de ce qui résiste à toute interprétation. Khnopff donne libre cours à son imagination, les statues deviennent des hommes et inversement. De sa peinture il dira: “Comment j’en arrive aux images, où en est le point de départ, je l’ignore souvent moi-même. Je crée mon monde personnel et je me promène dedans.” {cité in Fernand Khnopff, catalogue d’exposition, MRBA, Bruxelles, 1987, p.83}.

Souvent, ses personnages féminins sont présents et en même temps intouchables et semblent témoigner d’une solitude inviolable et volontaire. Ses compositions, emplies de mystère, où règnent des femmes inaccessibles, entourées d’objets chargés de symboles ou plongées dans une profonde rêverie, vont s’imposer d’emblée comme l’incarnation du nouveau courant pictural. Le thème de l’androgyne {Être humain à la fois mâle et femelle. Dans le “Banquet “, le philosophe grec Platon écrit “au début des temps était un être humain complet, à la fois mâle et femelle, satisfait et heureux: mais depuis qu’un Dieu en colère l’a coupé en deux moitiés, ces deux tronçons jetés au hasard dans le monde, errent et se cherchent, malheureux et incomplets jusqu’à ce qu’ils soient trouvés. C’est leur destin, leur fatalité: s’ils y échappent, ils ne pourront jamais se réaliser.” Ce mythe de l’androgyne, qui s’est perpétué depuis l’Antiquité, exprime la nostalgie du retour à l’unité.
Fernand Khnopff, catalogue d’exposition, MRBA, Bruxelles, 1987, p.103}
est également très présent.

De même, Fernand Khnopff sera le peintre de Bruges, ville où il a passé une partie de son enfance. Ses tableaux de cette cité endormie abordent les thématiques de l’eau et de ses reflets, du crépuscule et de la solitude.

Les couleurs sont une des caractéristiques primordiales de son œuvre: les gammes de tons délavés accentuent l’aspect nostalgique et froid de ses tableaux. Les pastels évoquent le monde du rêve. Khnopff privilégie l’aquarelle et le dessin au crayon par rapport à la peinture à l’huile.

Il n’est pas rare qu’il utilise la photographie. Dans certaines de ses œuvres, en effet, il part d’une base photographique qu’il retravaille au pastel, au crayon de couleur, au crayon de cire ou au fusain. Il le fait avec un tel soin qu’il est parfois très difficile de déterminer avec certitude ce qui est dessin pur ou photographie rehaussée.

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Des “inclassables”…

Jakob Smits (1855-1928)

Jakob Smits, peintre d’origine néerlandaise, est l’auteur d’œuvres difficilement classables. Impressionnisme, réalisme social, symbolisme… se côtoient. Leur commun dénominateur est d’être dominées par la simplicité et une lumière toute particulière, qui n’appartient qu’à lui. Elle éclaire la “lourdesse” de cette terre de Campine sauvage où il vit et qu’il peint avec affection, à l’aide de traits bruts et sobres, de couches pâteuses et grumeleuses. Ce milieu rural et simple va le passionner et l’inspirer jusqu’à la fin de sa vie.

Ses sujets ? Des intérieurs faits de rudesse chargée de poésie (des meubles robustes, un chaudron, un panier, un berceau…), des femmes aux mains fatiguées qui brodent, allaitent et partagent leurs journées entre les enfants (la maternité est un thème récurrent) et le travail parfois harassant, ou encore des paysages où l’on découvre des charrues, des toits de chaume, un moulin… Il peint l’osmose qui existe entre ces paysans taiseux, laborieux et leur terre, leur puissant attachement à la nature et leur foi profonde. Même ses scènes bibliques s’inscrivent dans ce cadre simple et pauvre. Le Christ est représenté au milieu des paysans, les fermes campinoises servent de décor…

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James Ensor (1860-1949)

James Ensor est un des artistes les plus originaux de Belgique. Il est inclassable. Son style (qui variera selon l’humeur du peintre et l’époque) et ses sujets seront particulièrement diversifiés (natures-mortes {L’expression “nature morte” désigne un sujet constitué d’objets inanimés (fruits, fleurs, vases, etc.) ou d’animaux morts}, portraits, scènes de genre {On appelle peinture de genre ou scène de genre un type d’œuvre picturale qui figure des scènes contemporaines et prises sur le vif}, paysages, marines {Tableaux ayant pour sujet la mer}, sujets bibliques, historiques, fantastiques, tableaux pamphlétaires, satiriques). Il va grandement influencer les peintres du 20e siècle.

Après une période sombre et intimiste, commence, en 1882, sa période impressionniste. Elle se terminera définitivement en 1888. Parmi les tableaux de cette époque, on peut citer “La mangeuse d’huîtres” (1882) ainsi qu’une série d’intérieurs bourgeois (1881-1884) qui témoignent de la volonté de soumettre les formes à la turbulence de la lumière. Toutefois, à partir de 1883 déjà, son art s’écarte de plus en plus du climat et des sujets propres à l’impressionnisme. Il devient de plus en plus irréaliste.

Le thème des masques, qui a tant fait pour sa célébrité, apparaît à la fin des années 1880. La fascination du peintre pour les masques remonte à l’époque où, enfant, à Ostende, il fréquentait la boutique de sa mère qui y vendait des masques de carnaval et de théâtre de l’Extrême Orient, très en vogue à l’époque. En se couvrant d’un masque, l’homme ne révèle rien du mal qui l’habite, il suit plutôt la voie prescrite par la société {Mc Gough (S.C), L’Entrée du Christ à Bruxelles en 1889, in James Ensor, catalogue de l’exposition au Musée du Petit Palais, Paris, 1990, p.41}. Le masque social dissimule donc le visage de chair et abrite l’être intime {Legrand (F.C), Le symbolisme en Belgique, éd. Laconti, Bruxelles, 1971, p.117}. C’est de cette époque que date également l’apparition du thème des “squelettes, reflet, semble-t-il, de l’obsession de la mort qu’éprouvait le peintre, sentiment commun à de nombreux écrivains et artistes de la fin du 19e siècle.

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Jamais Ensor n’a consenti à dévoiler pour quiconque les mécanismes de création de ses œuvres ou le sens d’une figure. Le sourire aux lèvres, il se bornait à inviter le spectateur à les regarder.

Parmi les sujets représentés dans ses tableaux, on retrouvera fréquemment des pêcheurs et gens du Peuple rencontrés durant ses promenades à Ostende. Ainsi, “Le lampiste” (1880) semble représenter un jeune mousse. Avec “Pouilleux indisposé se chauffant” (1882), c’est à nouveau un homme du Peuple qui est représenté mais, ici, l’aspect misérable de la vie des milieux populaires est davantage mis en exergue et s’accompagne d’une tonalité quelque peu caustique. En parlant de ce tableau, l’écrivain E. Verhaeren dira: «Le pouilleux est pris dans la réalité quotidienne. Il a traîné son corps et sa guenille sur les quais. Il se peut que jadis il fût pêcheur (…). Le voici dans son morne logis, assis près d’un poêle (…) Il regarde et ses traits profèrent on ne sait quelle vague goguenardisee {moquerie}. Sept ans plus tard, il va réaliser le tableau “Squelettes voulant se chauffer”, face auquel on ne sait s’il faut s’émouvoir, s’attrister ou sourire {Fierens (P), James Ensor, éd. Hypérion, Paris, 1945 , p.20}. C’est également une impression de malaise que l’on ressent face au tableau “Les pochards” (1883) qui représente deux alcooliques assis à une table sur laquelle sont posés une bouteille d’alcool presque vide et un verre. L’homme de droite, ivre mort est tombé en avant, renversant le deuxième verre tombé à terre. Son compagnon le regarde avec une relative indifférence, l’air hébété. Le thème de l’alcoolisme est un thème relativement fréquent dans la peinture du 19e siècle même si son traitement diffère beaucoup d’un peintre à l’autre. Ensor tend à une transcription “objective” de la réalité, sans occulter ses aspects les plus triviaux {Todts (H), James Ensor, catalogue de l’exposition au Petit Palais, Paris, 1990, p.134}.

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Dans son imposant dessin “L’Entrée du Christ à Jérusalem” (1885), prélude à sa fameuse peinture “L’Entrée du Christ à Bruxelles”, on voit un “Jésus triste à la figure jeune et pure, (…) monté sur un âne au milieu d’une foule en délire, où tout est confusion, cohue, et mouvements endiablés (…)”. Sur des étendards qui jaillissent de la foule, on voit des inscriptions des plus variées. Parmi celles-ci on retrouve, à côté de “Jésus Roi des Juifs”, de «Charcutiers de Jérusalem” et de “Fanfares de Bethléem“, des textes comme “Liberté, Égalité, Fraternité” {Devise née au cours de la Révolution française de 1789}, “ça ira” {Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, refrain qui symbolise la Révolution}, “A bas la calotte” {Slogan anti-clérical (expression d’une protestation radicale contre le pouvoir de l’Église)}, “Vive Jésus et Anseele {homme politique socialiste}, “Mouvement Flamand{Référence au développement du Mouvement flamand (voir les fiches consacrées aux règnes de Léopold Ier et Léopold II)}, “Vive la Sociale“, “Vooruit” {coopérative ouvrière fondée par Edouard Anseele en 1891 à Gand}, ainsi que “Les XX{Référence au “Groupe des XX ” (voir introduction), dont J. Ensor faisait partie, et qui avait refusé d’exposer certaines de ses œuvres}. Combat du prolétariat pour son émancipation politique, lutte du mouvement flamand, réaction en faveur de la laïcisation de la société… De façon générale, ce sont les grandes questions sociales, politiques et artistiques marquant la Belgique de cette époque qui sont ici évoquées. Par ailleurs, la figure du Christ, thème qui sera fréquent chez Ensor à partir de 1885, illustre le sentiment du peintre d’être, comme le Christ, victime de persécutions. L’humour et l’ironie font partie intégrante de son œuvre.

Parlant de sa peinture “L’Entrée du Christ à Bruxelles”, Ensor dira “Mon siècle est ainsi. Je l’ai peint tel que je l’ai trouvé.” {Cuypers (F), Aspects et propos de James Ensor, éd. Stainforth, Bruges, 1946, p.65}. Ce sentiment, on le retrouve également dans son dessin “La grève ou le massacre des pêcheurs ostendais” (1888), qui illustre un événement tragique. En août 1887, les pêcheurs ostendais (mécontents de la concurrence des Anglais et des Français qui vendaient en franchise et auxquels les grossistes donnaient la préférence) vont s’en prendre à des bateaux anglais et vont tenter d’empêcher le déchargement de leur pêche puis vont se retourner contre un grossiste. Affolés, les 2 gendarmes et 6 policiers qui se trouvent sur place vont tirer dans la foule, tuant 2 hommes. Le lendemain, les forces de l’ordre vont arriver en force et réprimer durement le mouvement des pêcheurs. Ostende, célèbre station balnéaire était à l’époque en pleine saison des bains et la tranquillité devait être préservée à tout prix. Au total, la répression va faire 5 morts et 9 blessés. Par ailleurs, les tribunaux vont prononcer des sentences très sévères contre les pêcheurs. En choisissant de dessiner cet événement, Ensor veut dénoncer un drame qui a suscité chez lui une vive émotion. Mais il serait exagéré d’y voir de l’admiration à l’égard du Peuple ou de la compassion pour son exploitation.

A partir de la fin des années 1880, Ensor va réaliser de plus en plus de caricatures engagées et radicales et des tableaux violemment satiriques dans lesquels il exprime de violentes critiques à l’encontre des représentants de l’ordre établi que sont les médecins, les juges, les gendarmes et les bourgeois, mais aussi le roi et les dirigeants en général. Ainsi, son eau-forte {Procédé de gravure en creux ou taille-douce sur une plaque métallique à l’aide d’un mordant chimique (un acide)}La Belgique au 19e siècle” (1889), qui constitue une allusion évidente aux principaux problèmes sociaux et politiques de l’époque et aux revendications portées par le POB (suffrage universel, instruction obligatoire…), met en scène un roi Léopold II indifférent au tumulte et aux exécutions qui se passent sous ses yeux. Par cette eau-forte, Ensor critique implicitement le roi , mais aussi les dirigeants belges en général, dédaigneux à l’égard de la gravité de la situation et responsables de la politique de répression. L’œuvre sera refusée au Groupe des XX par peur d’une descente du Parquet et de la fermeture de l’exposition. La même année, Ensor va réaliser une autre eau-forte, “Alimentation doctrinaire“, œuvre qui va choquer terriblement le public. Elle représente les plus hauts personnages de l’Église, de l’Armée et de l’État nourrissant de leurs excréments la masse qui les reçoit avec avidité. Ils tiennent dans leurs mains les revendications des socialistes et des libéraux progressistes “Instruction obligatoire“, “Suffrage universel” et “Service personnel”, déjà mentionnés dans la Belgique du 19e siècle. Par-là, Ensor dénonce ces détenteurs du pouvoir qui connaissent ces revendications mais qui ne concèdent que leurs excréments à une foule qui avale ce que ses chefs lui servent. Il s’agit là de l’attaque la plus directe de l’artiste à l’égard de l’Autorité. Son désir de choquer la bourgeoisie y est très clair. Notons qu’Ensor, une fois nommé baron, va retirer de la circulation tous les exemplaires de cet eau-forte sur lesquels il a pu mettre la main, après avoir rayé copieusement la plaque. Dans son tableau “Les bons juges” (1891), c’est l’équité de la justice qui est remise en cause par la présence, dans un médaillon, d’une balance fortement déséquilibrée. Mais, le monde de l’Art ne va pas non plus être épargné par son esprit satirique. Ainsi, dans son tableau “Les cuisiniers dangereux” (1896), il va s’attaquer à différents critiques d’art de l’époque.

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De façon générale au-travers de nombre de ses œuvres, c’est la pitoyable condition humaine qui est décrite, condition dominée par un rapport hiérarchique séculaire qui reçoit le soutien de la religion, du droit et de la morale. L’ordre social est clairement mis en cause. Mais le ton employé à l’égard du Peuple n’en n’est pas pour autant chargé de mansuétude, celui-ci n’échappant pas à la critique et à l’esprit satirique du maître ostendais.

Vers 1900, son art va perdre de sa virulence. A la frénésie inventive de l’époque où il était un “peintre maudit” succède, la célébrité venue, des toiles qui semblent vidées de leur substance. L’inspiration créatrice faiblit et la technique accuse un relâchement {James Ensor in Les Muses, éd. Erasme, Bruxelles, 1973, p.2093}. L’essentiel de son œuvre se situe donc entre 1880 et 1900.

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Eugène Laermans (1864-1940)

Le peintre Eugène Laermans est un autre exemple de la peinture originale de cette époque. Dès le départ, ce peintre va choisir pour modèles les ouvriers et paysans qu’il a l’habitude de rencontrer en sortant de chez lui {Il habite à Molenbeek qui est, à l’époque, un faubourg ouvrier de Bruxelles}. Une de ses caractéristiques est la déformation de ses personnages, l’accentuation du trait qui, au fil de ses œuvres, ira vers toujours plus de simplification. Parmi ses tableaux, on peut citer “Soir de grève” (1893) qui rappelle les grandes grèves menées à la fin du 19e siècle en vue de l’instauration du suffrage universel (S.U.) et, en particulier, celle d’avril 1893 qui va être suivie par l’adoption du S.U. La composition du tableau est organisée autour de 3 éléments: la foule, le drapeau et l’usine. La foule de grévistes occupe tout le premier plan et semble entraînée par un irrésistible rythme. Bien que calme et silencieuse, on sent tout le poids de sa force. Le drapeau rouge incarne le symbole de la révolte.

Dans son tableau “Les émigrants” (1896), Laermans illustre un autre problème d’actualité en cette fin du 19e siècle, celui de la crise du secteur agricole. Ayant commencé à la fin des années 1870, elle va atteindre son apogée entre 1885 et 1895 et provoquer un important phénomène de migration (notamment vers les Etats-Unis), la situation sociale de ces petits paysans et ouvriers agricoles, essentiellement flamands, étant devenue plus que misérable {Pour plus de détails, voir Witte (E), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, 1987, p.127-130}. Laermans les représente vêtus de vêtements disparates, chaussés de sabots ou de souliers déchirés, le dos courbé. Certains jettent un long regard en arrière vers le lieu qu’ils abandonnent. La composition s’inspire d’un chapitre du roman de George Eekhoud, “La Nouvelle Carthage“.

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L’ivrogne” (1898), quant à lui, illustre à nouveau ce thème de l’alcoolisme rencontré chez d’autres peintres de la même époque (De Groux, Ensor…). La scène se passe en hiver. La famille, plus grande que nature, occupe le premier plan. L’ivrogne, inconscient marche mécaniquement, soutenu par sa femme, longue et efflanquée, les paupières lasses et la résignation dans le regard tandis que leur petite fille, le visage vieilli, regarde ce terrible spectacle. Derrière elle, sur l’autre rive, on aperçoit les cheminées d’usine en activité. Le drame est dépeint sobrement, avec des tons froids.

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Le thème des sans-logis, lui aussi fréquent à cette époque (Ch. De Groux, A. Stevens, Th van Rysselberghe), va également être abordé par Laermans dans son tableau “Les intrus“. Il y représente une famille pauvre, condamnée à l’errance et soumise à la hargne des paysans. La fille aînée, soutenant son père aveugle, marche aux côtés de sa mère dont le regard est plein de désespérance. Ici, aussi, le sentiment familial est très présent, comme dans nombre des œuvres du peintre.

Par ailleurs, même si Laermans va traiter de thèmes divers (scènes de départ, promenades, scènes rustiques, scène de travail, de famille, de mort, baignades, paysages, foules en marche…), la classe sociale qu’il va représenter dans ses tableaux sera, par contre, toujours la même à savoir la classe laborieuse, avec ses souffrances et ses malheurs.

Dans une des monographies qui lui était consacrée, Laermans va choisir de retranscrire sur la page de garde, une pensée de l’écrivain français Emile Zola: “Je n’ai guère souci de beauté ni de perfection, je me moque des grands siècles, je n’ai souci que de vie, de lutte, de fièvre, je suis à l’aise parmi ma génération.” {Cité in Villette (Y), Laermans in Biographie nationale, tome 29, Bruxelles, 1957, p.745}.

On peut voir un certain nombre d’œuvres de ces artistes au “Musée fin de siècle” à Bruxelles {icon map-maker Rue de la Régence, 3 – 1000 Bruxelles –icon website Musée Fin-de-Siècle Museum}.

Sculpture

Le romantisme

Ce courant va être particulièrement incarné par Joseph Lambeaux (1852-1908), auteur, notamment, de la “Fontaine du Brabo” sur la Grand-Place d’Anvers.

Il est également l’auteur d’un bas-relief monumental de marbre “Les Passions humaines” (1886-1898), qui a été intégré dans le pavillon de Victor Horta du Parc du Cinquantenaire à Bruxelles. Il évoque les plaisirs et malheurs de l’humanité. Lors de son ouverture (1899), l’œuvre osée pour l’époque qui représente des corps d’hommes et de femmes enlacés provoque un véritable scandale moral. Son accès va être interdit au public. A partir de ce moment-là, le pavillon ne va plus être que très rarement accessible au public. Il est prévu de le restaurer pour 2014.

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Dans le domaine de Mariemont {icon map-maker Chaussée de Mariemont, 100 à 7140 Morlanwelz –icon website musee-mariemont.be}, légué à l’État par son propriétaire Raoul Warocqué, on peut trouver différentes œuvres de Lambeaux: Le Triomphe de la Femme, L’Abondance et La Source.

Le Réalisme

Constantin Meunier (1831-1905), outre ses activités de peintre, a été également un grand sculpteur. C’est à partir de 1883 qu’il va commencer à délaisser la peinture au profit de la sculpture, seule capable, d’après lui, de traduire son impression. Les décors d’usine, les fours… qui entouraient habituellement la figure de l’ouvrier dans les tableaux vont disparaître au profit de l’Homme qui n’est dorénavant plus un élément de la composition mais qui devient “La” composition. Dans celle-ci, l’ouvrier qu’il représente n’est plus un ouvrier aliéné mais bien un être fort et souverain, tout exploité qu’il soit. Il ne s’agit plus de prendre la classe ouvrière en pitié mais bien d’exprimer la force qui est en elle et dont elle commence à prendre connaissance.

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On peut voir une partie de ses œuvres au Musée Constantin Meunier {icon map-maker Rue de l’Abbaye 59 – 1050 Ixelles –icon websiteMusées Royaux des Beaux-Arts de Belgique} à Bruxelles.

Le symbolisme

Georges Minne (1860-1941) “aime les lignes anguleuses. Ses anatomies présentent quelque chose de sec (…) mais quelle étonnante notion de muscles!” {E. De Taye cité in Paris-Bruxelles, Bruxelles-Paris, éd. Fonds Mercator, Anvers, 1997, p.358}. “Minne raidit en des poses inédites et nerveuses ses maigres mais très vivantes figurines. Son art est âpre, personnel, ému{Propos d’Emile Verhaeren cités in Paris-Bruxelles, Bruxelles-Paris, éd. Fonds Mercator, Anvers, 1997, p.358}.

Minne va régulièrement traiter le thème de la figure de l’adolescent agenouillé. Ce sera notamment le cas avec “Le porteur de reliques” (1897), montrant un enfant semblant glisser en lui-même. On le retrouvera aussi dans “La fontaine des agenouillés” (1898). Celle-ci représente 5 adolescents agenouillés, tous identiques, isolés dans l’étreinte solitaire de leurs bras qui se penchent doucement vers le puits en une interrogation muette. Il s’agit de l’œuvre de Minne qui marquera le plus son époque. Elle peut être vue comme l’illustration de la méditation, de l’introspection, du recueillement, du repli.

En étirant en longueur les personnages représentés, Minne les rend immatériels, les détache des contingences de la réalité.

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Littérature

La littérature belge en langue française

Charles Decoster (1827-1879)

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Le premier écrivain à s’imposer dans cette Belgique devenue indépendante sera Charles Decoster. Après deux séries de récits historiques ou légendaires (“Les légendes flamandes” (1858) et les “Contes brabançons” (1861)) qui déjà le montrent épris de traditions populaires et de vieux langage, il publie, en 1867, “La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs” qui va être son chef-d’œuvre. Il aura mis 10 ans à l’écrire.

Résumé: Né le même jour que Philippe II, empereur d’Espagne et des Pays-Bas, Thyl Ulenspiegel est aussi joyeux et drôle que l’autre est sinistre et mortifère. Le joug espagnol asservit la Flandre et la Zélande. Ulenspiegel le subit dans sa chair lorsque son père, Claes, est brûlé comme hérétique et quand sa mère, Soetkin, meurt des suites de la torture pour avoir voulu garder une fortune à son fils. Il va alors incarner l’esprit frondeur et libre face à l’oppression exercée par Philippe II et le duc d’Albe. Dans toutes les villes de Flandre et de Zélande, Ulenspiegel sème la révolte: “Debout! disent ceux de Bruxelles; Debout! disent ceux de Gand”

Ulenspiegel (c’est de son nom que vient le mot “espiègle“) est en fait un héros emprunté à la littérature allemande. C’est un farceur dont la tradition populaire (qui remonte au 14e siècle et qui s’est fixée dans un livret en allemand, au 16e) a multiplié les plaisanteries et les mauvais tours. Mais Decoster ne va pas se contenter de raconter à son tour des anecdotes drôles. Il va les placer en Flandre et à une époque particulièrement troublée de l’histoire des anciens Pays-Bas, celle où la population s’insurge contre la domination espagnole. Il va se documenter par de longues recherches dans les archives et par la lecture de nombreuses chroniques. Il va y mêler le souvenir du Roman de Renard flamand et l’esprit de toutes sortes de récits légendaires. Le traditionnel bouffon devient chez Decoster un héros national. Il symbolise la Flandre (où il serait né, à Damme), son peuple et sa révolte contre le despotisme. Le livre est un hymne à l’insurrection et à la liberté religieuse. Notons que la façon dont l’auteur traite de cette dernière question n’est pas sans lien avec l’importance que le clivage clérical (parti catholique)/anticlérical (parti libéral) occupe, à son époque, dans la vie politique belge {Voir les fiches “L’indépendance de la Belgique et le règne de Léopold Ier (1830-1865)” et “Le règne de Léopold II (1865-1909)“}.

La forme du roman est singulière. L’auteur avait le dessein d’écrire une sorte d’épopée. Mais il a morcelé son récit de très nombreux chapitres de longueur inégale, certains se réduisant même à quelques lignes. Sa langue est artificielle et archaïsante ce qui donne au récit une saveur particulière. Quant aux descriptions, elles font songer tour à tour à la peinture ancienne et aux compositions historiques des peintres du 19e siècle. Decoster compose Ulenspiegel comme une série de tableaux par lesquels il fait successivement passer ses héros.

Il s’agit là d’une tendance que l’on va retrouver chez les premiers écrivains d’après 1880 qui vont essayer de transposer en littérature les procédés de la peinture (Lemonnier, Verhaeren, Demolder…).

Ce roman va connaître le succès à l’étranger et être traduit dans de nombreuses langues.

Charles Decoster va avoir une influence non négligeable sur les écrivains belges qui vont suivre. Emile Verhaeren, par exemple, va être profondément marqué par son goût de la couleur. Quant à C. Lemonnier, il va qualifier Ulenspiegel de “notre Bible nationale“.

C’est essentiellement à partir de 1880 que va commencer à se manifester une activité littéraire de plus en plus intense. De nombreuses revues littéraires vont commencer à voir le jour. Toutefois, la seule qui va réellement perdurer sera “La Jeune Belgique” (1881-1897). Sa devise est: “Soyons-nous“. L’objectif est de créer, en Belgique, une littérature propre. Certes, ces écrivains vont nouer des rapports de plus en plus étroits avec la France littéraire mais ils ne vont pas vouloir être confondus avec celle-ci. Ils veulent qu’il y ait désormais une littérature belge de langue française qui présente une physionomie particulière.

Les plus originaux des écrivains belges vont faire leur début dans cette revue. Par ailleurs, nombre de ces écrivains ont fréquenté le Collège jésuite Ste-Barbe de Gand (Verhaeren, Rodenbach, Maeterlinck, Van Lerberghe, Le Roy).

Camille Lemonnier (1844-1913)

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Camille Lemonnier {Camille Lemonnier} va être l’auteur de nombreux ouvrages de genres divers: voyages, critique d’art, théâtre, souvenirs et surtout romans. Comme romancier, il a la passion de la vie et de la nature. Il dépeint l’une et l’autre sous tous leurs aspects, avec une prédilection certaine pour ce qui est physique, instinctif, sensuel et matériel. A la fin de sa carrière, il définira son esthétique comme étant “naturiste“, c’est à dire portée par une “philosophie” qui place le salut de l’Homme dans un retour vers la Nature dans tout ce qu’elle possède de simplicité et d’authenticité. Par ailleurs, son réalisme n’est jamais absolu et comporte toujours une part d’idéalisation lyrique accentuée par un travail d’écriture recherchant toujours le mot rare ou neuf et des tournures précieuses.

Son premier grand roman, “Un mâle” (1881), est son œuvre la plus représentative. Il y exalte de façon lyrique l’osmose entre l’homme et la nature. Ce récit raconte l’histoire de Cachaprès, le braconnier qui court tel une bête sauvage à travers les bois depuis l’enfance et qui un jour aperçoit Germaine, la belle fermière. Pour la première fois, Cachaprès éprouve de l’amour, un amour fruste, sauvage mais sincère et Germaine se laisse toucher par l’emportement passionné de ce mâle terrible. Elle cède. Puis la lassitude arrive; elle cherche à rompre; mais le braconnier veille sur son amour avec une fureur jalouse, jusqu’à mourir. Ce livre va faire scandale en Belgique alors qu’il est accueilli en France comme un succès. Un autre de ses romans, “Happe-Chair” (1886), a pour toile de fond la vie des ouvriers de la sidérurgie. Lemonnier y raconte parallèlement la dépravation progressive de Clarinette Huriaux et l’irrépressible montée de la violence sociale. Avec “Madame Lupar”, c’est l’impasse de la petite bourgeoisie prise dans le jeu du paraître et de l’argent qui se trouve évoquée tandis que “La fin des bourgeois” s’attaque plus directement aux véritables détenteurs du pouvoir. Dans “Sedan ou les charniers“, Camille Lemonnier livre son témoignage de la bataille de Sedan de 1870, récit de la guerre absurde, la mort pour rien, et un formidable appel à un monde pacifiste.

Lemonnier a le souci du style et de la langue riches. Il se dégage de certaines de ses œuvres une grande puissance expressive. Ses œuvres (de qualité inégale) sont autant de tableaux de la société de l’époque. Son influence sur les jeunes écrivains va être grande.

Georges Rodenbach (1855-1898)

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Georges Rodenbach date sa véritable entrée en littérature à l’année 1886, avec la parution de son recueil poétique “La jeunesse blanche“. Il y fait référence aux images de son enfance, de son pays. Il mêle à son inspiration toute la Flandre. Dans ses descriptions surgit à chaque fois le paysage flamand: ciel bas et nuageux, pluie et brouillard s’élevant des eaux des vieux quais, maisons à pignons, béguinages… Dès ce recueil, les thèmes de l’eau, du miroir, de la ville déchue sont présents et ne feront que s’amplifier par la suite. Quelques années plus tard, il va publier “Bruges la Morte” (1892), l’œuvre qui va le consacrer. Dans son préambule, il écrit: “Dans cette étude passionnelle, nous avons voulu aussi et principalement évoquer une Ville, la Ville comme un personnage essentiel, associé aux états d’âme, qui conseille, dissuade, détermine à agir. Ainsi, dans la réalité, cette Bruges, qu’il nous a plu d’élire, apparaît presque humaine. (…)”. Ce roman raconte l’histoire d’un veuf, riche et oisif, venu s’installer à Bruges après la mort de sa femme, y ayant trouvé une ville en harmonie avec son deuil et propice au culte de la morte dont il vénère les souvenirs comme des reliques. Son roman “Le carillonneur” va, quant à lui, narrer la longue histoire de Joris Borluut, architecte devenu carillonneur par hasard. En fait, l’histoire est triple. D’une part il y a les amours de Borluut pour deux sœurs. D’autre part ses enthousiasmes de carillonneur. Et enfin, son rêve d’architecte: la restauration de Bruges dans sa beauté. Toute la poésie de la Bruges rêvée par Rodenbach se retrouve dans ce roman et lui imprime son sceau original.

Emile Verhaeren (1855-1916)

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Peu d’écrivains, à l’époque, vont jouir d’une renommée comparable à celle d’Emile Verhaeren, poète qui va être traduit dans bien des langues. Les souvenirs d’enfance de son village de St-Amand, au bord de l’Escaut, vont nourrir son œuvre: paysages, auberges et habitants, artisans et cultivateurs dont il va évoquer la vie rude.

Ce monde âpre des campagnes ainsi que le développement industriel de la fin du 19e siècle vont marquer profondément Verhaeren. Il va développer une réflexion poétique sur la modernité urbaine et industrielle. Il est frappé par le constant et douloureux exode des gens de la campagne vers les villes, dont le feu vif des usines, des chantiers et des ports détruit les forces de ceux qui s’en approchent. Certains de ses poèmes vont se révéler être de véritables tableaux de la vie moderne (“Les Campagnes hallucinées” (1893), “Les villages illusoires” (1895) “Les visages de la vie” (1899)).

Instinctif, spontané et lyrique, il va magnifier l’Homme, la vie, le travail, l’amour, la beauté de la terre et de son pays. Il sera aussi l’auteur de poèmes d’une grande tendresse comme “Les Heures claires” (1896).

George Eekhoud (1854-1927)

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Dans ses romans, George Eekhoud prend ouvertement le parti des révoltés, des malchanceux, des déshérités pour lesquels il éprouve une tendresse très humaine.

Dans “La nouvelle Carthage{Georges Eekhoud} (1888), il fustige la bourgeoisie égoïste et hautaine d’Anvers, à la fin du 19e siècle. Son héros, le jeune Laurent Paridael, ayant grandi au sein d’une bourgeoisie qui n’obéit ni à ses goûts ni à son sens de la justice, va se tourner vers le peuple et se rapprocher des ouvriers, des marginaux, des parias.

Dès cette époque, ses héros seront essentiellement des réfractaires en lutte contre la société. Dans “Kermesse“, dans “Mes communions” ou dans “Les fusillés de Malines“, il dépeint des paysans têtus qui vivent et qui aiment. Dans “Escal-Vigor” (1899), il aborde ouvertement le thème de l’homosexualité.

Son style est rude. Eekhoud est un révolté et son art est une manière de protester contre l’esprit de son temps où prédominent conventions sociales et contraintes morales. Il est un romancier engagé et scandaleux (pour son époque) qui manifeste une prédilection pour la description virulente de la bourgeoisie d’affaires et des notables, la mise en scène de personnages marginaux et la peinture de milieux “louches“.

Charles Van Lerberghe (1861-1907)

Toute autre est l’ambiance que l’on retrouve chez le poète Charles Van Lerberghe. Son œuvre est claire et douce, faite de joie et de tendresse. Il aime la vie qu’il entrevoit calme et grave, comme un beau paysage baigné de soleil et de silence. Il ignore la matérialité des choses.

Fortement impressionné à ses débuts par les “vieux maîtres flamands” et par les préraphaélites {Leurs tableaux sont colorés, porteurs de multiples symboles et références littéraires, sensibles à la nature et aux questions sociales} anglais, il va créer autour de sa pensée un royaume merveilleux, un beau pays légendaire, aux paysages bleutés et vaporeux, peuplés de figures mystérieuses et à peine entrevues. Ce sont de blanches images de pures jeunes filles, aux mains fleuries de grands lys, aux yeux perdus dans l’infini d’un rêve que l’on retrouve dans “Les Entrevisions“. Dans la “Chanson d’Eve“, c’est la divine enfance de la première femme mais aussi la légende éternelle de la jeune fille qui s’éveille de l’innocence à l’amour, à l’ivresse de comprendre et à la tristesse de savoir.

Sa poésie est très visuelle. Elle associe, impressionnisme, néo-impressionnisme et symbolisme.

Maurice Maeterlinck (1862-1949)

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En 1889, Maurice Maeterlinck voit paraître simultanément un recueil de ses poèmes, “Les serres chaudes“, et la sortie de son premier drame “La Princesse Maleine{Le préraphaélisme} qui va le rendre célèbre du jour au lendemain. Il y narre l’histoire, dans une Hollande imaginaire, de la princesse Maleine qui, séparée du prince Hjalmar et enfermée dans une tour, va s’échapper au grand dam de la reine Anne.

Sept pièces vont se succéder ensuite parmi lesquelles “Pelléas et Mélisande{Pelléas et Mélisande} (1893), chef-d’œuvre du théâtre symboliste.

Résumé: Le Prince Golaud recueille à l’orée d’un bois une jeune fille dont il va faire son épouse. Mais c’est du frère de Golaud, Pelléas, que Mélisande tombe amoureuse, et le destin fatal qui pèse sur les personnages de cette pièce de théâtre les mènera inévitablement à la désolation.

Dans les “Les serres chaudes“, il exprime la solitude morale, l’étouffante tristesse où il se sent emprisonné. Ses vers sont fiévreux. Les images symbolistes y reviennent toutes pénétrées de mystère.

Son œuvre théâtrale est, quant à elle, le royaume du silence et de la fatalité. Une brume épaisse enveloppe le paysage et donne au son des paroles un timbre sourd qui fait frissonner. Pour d’aucuns, Maeterlinck est le poète de l’inconscient. De la vie quotidienne qui s’anime par le terre-à-terre des gestes et préoccupations, il a tenté de faire surgir ce qui s’y mêle de mystérieux, et de tragiquement inconscient. Ses personnages ignorent les possibilités finales de la volonté. Ils sont en proie à la fatalité. Le fatalisme les étreint.

Pour Maeterlinck, “ce qui nous distingue les uns des autres, ce sont les rapports que nous avons avec l’infini“. Et, ce sont ces rapports qu’il veut rendre visibles. Ce tragique quotidien “est bien plus réel, bien plus profond et bien plus conforme à notre être véritable que le tragique des grandes aventures“. Il s’agit de faire descendre dans la vie ces images du mystère et de l’inconscient qui dormaient dans le royaume du silence. Pour lui, le devoir du poète dramatique est de montrer “de quelle façon, sous quelle forme, dans quelles conditions, d’après quelles lois, à quelles fins agissent sur nos destinées les puissances supérieures, les influences inintelligibles, les principes infinis dont, en tant que poète, il est persuadé que l’univers est plein.”. Et le résultat de cette investigation que Maeterlinck poursuit dans tout son théâtre est l’affirmation du néant et de l’impossibilité d’une certitude. Ces forces qui agissent sur l’Homme obéissent à des lois qui nous échappent totalement: le mystère est la loi du monde. C’est sous la forme de la mort que surgit souvent cette fatalité. Il va notamment écrire “Petite trilogie de la mort” {Petite trilogie de la mort}.

Résumé: Dans la salle d’un vieux château, un vieillard aveugle, entouré de sa famille, devine à des signes imperceptibles l’approche de la mort qui va frapper sa fille. Isolé par sa cécité, l’aïeul a gardé intacte son intuition. Il est le seul à pouvoir interpréter le bruissement des arbres, le silence des oiseaux et des cygnes, l’entrée du froid dans la salle. Plongé dans les ténèbres, il communique avec l’inconnu.

Parmi ses pièces de théâtre, on peut également citer “L’oiseau bleu“.

Résumé: Tyltyl et Mytyl s’éveillent au seuil d’un grand voyage… Bérylune, petite fée bossue, les envoie quérir l’Oiseau bleu, le seul être capable d’enrayer le mal qui ronge sa fille. Ils s’en vont arpenter d’autres mondes, apparemment magiques, qui s’avéreront étrangement familiers.

A côté de ses œuvres théâtrales, il va également réaliser des œuvres de pensée et de réflexion “scientifique“. Ce sera “La vie des abeilles” (1901) où il déduit de ses observations, des conclusions sociales, ce sera aussi “L’intelligence des fleurs” (1907) …

En 1911, Maurice Maeterlinck va recevoir le Prix Nobel de Littérature. Il va être traduit et joué dans le monde entier.

Grégoire le Roy (1862-1941)

Un désespoir persistant, fait du regret du passé et de l’inquiétude du présent, flotte sur l’œuvre de Grégoire le Roy. “La Chanson du Pauvre” et surtout “Mon cœur pleure d’autrefois” sont révélateurs de cette tristesse qui imprègne toute l’œuvre. Dans “Le passé qui file“, c’est tout le regret de la vie qui fuit qui est évoqué.

Max Elskamp (1862-1931)

La poésie va permettre à Max Elskamp de retrouver les précieux souvenirs de son enfance, d’échapper au désespoir et de se rapprocher de la vie des “humbles. Il va s’intéresser à l’étude des traditions populaires. Sa poésie retrouve l’accent des anciennes chansons populaires. Et sa langue est très personnelle. Elskamp concentre l’émotion, il peint par quelques touches caractéristiques suggérant les autres et laissant au lecteur beaucoup à imaginer. Sa syntaxe réduit tout à l’essentiel et bannit tous les mots qui ne sont pas indispensables. Parmi ses poèmes, on peut citer “Six chansons de pauvre hommepour célébrer la semaine de Flandre» (1895), “En symbole vers l’apostat” (1895)…

Eugène Demolder (1862-1919)

L’œuvre d’Eugène Demolder, romancier, conteur et critique d’art, est emplie de lumière et de couleur. La vie déborde, la sève circule, la joie règne. Lui aussi, est un écrivain qui a un œil de peintre. Ses livres sont une série d’aventures animées, voluptueuses, colorées se déroulant dans des suites de décors nombreux et pittoresques. Des époques qu’il reconstituera (la Hollande des peintres du 17e dans “La route d’Emeraude” et le 18e siècle français dans “Le jardiner de la Pompadour”), Demolder va faire une peinture de mœurs. Les personnages lui sont presque toujours suggérés par le décor.

Fernand Severin (1867-1931)

La sensibilité et la poésie de Fernand Severin sont empruntes de beaucoup de tendresse. Cet écrivain lyrique se complaît dans les douceurs nuancées des saisons qui font tressaillir la nature. Il s’y enferme. Son désir de solitude se transforme en un grand amour pour les eaux et les bois, la forêt et les fleurs. Les jardins sont immenses et leur silence ne vibre au bruit d’aucun écho. On y jouit de l’unique douceur de vivre un songe intérieur.

La littérature belge en langue néerlandaise

Au début de la naissance de la Belgique, la langue qui prédominait était clairement le français. C’était la langue utilisée dans les écoles, l’administration, les tribunaux… Le néerlandais ne survivait qu’au-travers des dialectes. En réaction à cette situation, un mouvement culturel flamand va se constituer. Il a pour but de donner une langue au Peuple. Le mouvement va commencer timidement. Jan Frans Willems (1793-1846), P. Van Duyse, K. Ledeganck, P. Blommaert vont essayer d’éveiller l’intérêt et la considération des Flamands à l’égard de leur propre langue et de leur passé. Ils souhaitent atteindre cet objectif essentiellement par le biais de la publication de textes du Moyen-Age.

Hendrick Conscience (1812-1883)

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Pratiquement au même moment, vont paraître les œuvres de romanciers flamands parmi lesquels le plus connu sera Hendrick Conscience. En 1838, il va publier “De leeuw van Vlaanderen” (Le Lion des Flandres), un roman historique qui retrace la bataille des Éperons d’or {Bataille qui opposa, en 1302, les troupes du roi de France à celles du Comte de Flandre et qui se solda par la victoire de ce dernier} (roman qui jouera un rôle important dans la formation de la conscience flamande). A partir de ce moment-là, il va écrire au moins un ouvrage par an: romans historiques (“Jacob van Artevelde“, “Kerels van Vlaanderen“) mais aussi des ouvrages dans lesquels il décrit la situation de son époque. H. Conscience a un grand talent de narrateur.

L’ “Académie royale de Langue et Littérature néerlandaises”

En 1886 va être créée l‘ “Académie royale de Langue et Littérature néerlandaises” qui a son siège à Gand. Son objectif va être de stimuler la vie littéraire et culturelle en Flandre. Elle est la première institution officielle de Belgique où l’on va étudier de façon scientifique le néerlandais. L’Académie va jouer un rôle important dans l’émancipation flamande et va en grande partie mener le Mouvement flamand sur le terrain culturel et intellectuel. Toutefois, politiquement, elle va toujours rester neutre. L’Académie comprend 30 membres ordinaires, 18 membres d’honneur belges, 5 membres extraordinaires et 25 membres d’honneur étrangers {kantl.be}.

Guido Gezelle (1830-1899)

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Parmi les membres fondateurs de l‘ “Académie royale de Langue et Littérature néerlandaises“, on trouve Guido Gezelle, un des plus grands poètes du 19ième siècle (il faudra cependant attendre longtemps {C’est grâce au Mouvement “Van Nu en Straks” qui va reconnaître en lui le grand artiste que son œuvre va être reconnue, même au-delà des frontières} avant que ce prêtre ne soit reconnu comme tel). Dans ses poèmes, il décrit avec amour les “petites choses” de la nature (comme le bruissement d’un roseau dans le vent, dans son poème “O! ‘t ruisen van het ranke riet”), qui sont autant de témoignages, pour lui, de la bonté et de la force de Dieu.

A. Bergmann (1835-1874)

A. Bergmann va, quant à lui, être un représentant du courant réaliste en Flandre. Son œuvre la plus connue est “Ernest Staas, advocaat” dans laquelle il raconte avec humour ses souvenirs d’enfant et d’étudiant et ses premières expériences en tant qu’avocat.

Le Mouvement “Van Nu en Straks” (1893)

Par contre, rien (ou pratiquement rien) ne va être dit, dans la littérature flamande, quant à la terrible situation sociale de l’époque. Pour cela, il faudra attendre la naissance du Mouvement “Van Nu en Staks”.

La parution de la revue “Van Nu en Straks” {Que l’on pourrait traduire en français par “De maintenant et de tout à l’heure”.}, en 1893, va signifier le début d’une période florissante pour la littérature belge de langue néerlandaise. Ses rédacteurs vont être C. Buysse, P. Van Langendonck {La poésie de Prosper Van Langendonck (1862-1920) est très délicate mais aussi très classique dans sa forme}, A. Vermeylen et E. De Bom. Ils sont réunis par la volonté de développer une littérature propre, à l’image de ce qui se fait ailleurs. Ils ont été fort marqués par l’exemple des revues “La Jeune Belgique” et de la revue néerlandaise “De nieuwe Gids“.

Pour les membres de ce groupe, la personnalité de l’artiste doit être au-dessus de tout. Toutefois, l’artiste se doit de ne pas être aveugle aux problèmes sociaux, économiques et politiques du Peuple flamand.

Cyriel Buysse (1859-1932)

Cyriel Buysse ne va collaborer qu’un court moment avec “Van Nu en Staks“. Son roman “De recht van de sterkste” (le droit du plus fort) va être le premier d’une longue série dans laquelle il va décrire la pauvreté économique et intellectuelle de la Flandre de l’époque. Sa description au départ très “naturaliste{Le naturalisme est un mouvement littéraire international apparu dans les dernières décennies du 19ième siècle. Les naturalistes introduisirent dans leurs romans des descriptions scientifiques et objectives des réalités humaines: ces auteurs montraient la société telle qu’elle était, aucun sujet n’était tabou} et brutale va progressivement laisser la place à une description ironique et amère de la vie à la campagne en Flandre. Ses dernières œuvres seront, quant à elles, marquées par un humour bienveillant et une humanité plus chaleureuse. Quelques-uns de ses récits ont été réédités sous le titre “Les Mauviettes” aux éditions Finitude. Ces nouvelles ont d’ailleurs d’abord été composées en français: à la charnière des 19e et 20e siècles, il a en effet écrit une grande partie de ses textes dans cette langue avant de les transposer lui-même en néerlandais (Buysse aspirait à l’époque à s’imposer en tant qu’écrivain d’expression française).

August Vermeylen (1872-1945)

August Vermeylen, homme politique (POB), historien de l’art et écrivain, sera la figure la plus marquante du Mouvement “Van Nu en Straks“. Il sera le grand théoricien et essayiste du groupe. Il veut libérer les Flamands de ce qu’il considère être leur provincialisme. Par ses écrits (dont l’Histoire de la peinture européenne du Moyen-Age et de la Renaissance), il veut les rapprocher de la vie artistique belge et étrangère. En tant qu’écrivain, Vermeylen est surtout connu pour son récit sobre et symboliste “De wandelende Jood” (le Juif errant) rédigé dans une prose très soignée.

Emmanuel De Bom (1868-1953)

Emmanuel De Bom va être l’auteur d’un certain nombre de romans, essais, critiques et biographies. Il sera surtout connu pour son roman réalistico-psychologique “Wrakken” (Epaves), paru en 1898, qui puise son inspiration dans la propre vie de son auteur.

Stijn Streuvels (1871-1969)

Stijn Streuvels (pseudonyme pour Frank Lateur) va, lui aussi, rejoindre le Mouvement “Van Nu en Staks“. Dans ses premiers écrits, il peint de manière réaliste la vie des paysans de la Flandre Occidentale, soumis aux exigences de la terre qu’ils travaillent, tout en y associant les thèmes métaphysiques du destin, du cycle cosmique de la nature, et de la dépendance de l’homme. “De Vlaschaard” (Le champ de lin) constitue une de ses œuvres maîtresses. Elle raconte l’épopée d’un paysan flamand dans la région de la Lys. Dans “Werkmensen” (Les travailleurs), il dépeint la misère de l’ouvrier flamand.

Karel Van de Woestijne (1878-1929)

Karel Van de Woestijne sera le poète le plus important du Mouvement “Van Nu en Straks“. L’ensemble de son œuvre est le chant symbolique d’une nature qu’il voit comme contradictoire. D’un côté, une sensualité très lourde et d’un autre l’aspiration douloureuse à la pureté et au repos. Parmi ses thèmes, on trouve l’amour, la solitude, les désirs de mort, l’éternité de la nuit, l’infini de la mer, le désir de Dieu (thèmes que l’on retrouve chez d’autres poètes de la même époque en Belgique et en Europe). Sa langue est baroque et son rythme est lourd et lent.

Herman Teirlinck (1879-1967)

Herman Teirlinck présente une œuvre étonnante et plurielle. Il va commencer par des récits villageois (à l’image de Stijn Streuvels) pour évoluer ensuite, avec “Zon” (Soleil), vers un art plus pur et impressionniste mais aussi, dans son ouvrage “Mijnheer Serjanszoon” vers un épicurisme légèrement ironique. Le roman “Het ivoren aapje” décrit les sentiments les plus secrets des citadins raffinés. Il sera également l’auteur de pièces de théâtre. Ses roman “Maria Spermalie” et “Het gevecht met de engel” témoignent d’une forte vision épique, d’une psychologie pénétrante et une langue très riche.

Musique

Adolphe Sax (1814-1894)

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Soliste, acousticien, compositeur, chef d’orchestre, pédagogue et éditeur, il est avant tout devenu célèbre en tant que facteur d’instrument de musique. Il est, en effet, l’inventeur de plusieurs instruments dont le plus célèbre est le saxophone. Cet instrument qui apportait un timbre nouveau va séduire de nombreux compositeurs de l’époque {Adolphe Sax, citoyen dinantais, créateur de génie}.

Charles-Auguste de Bériot (1802-1870)

Il a composé une dizaine de concerti (dont le premier, dit “Militaire” (1829), dédié à Léopold 1er de Belgique), 11 airs, cinq recueils d’études, 15 variations pour piano et violon et une cinquantaine de duos et d’études. Toutefois, la postérité a retenu ses talents d’interprète plus que ses œuvres {musiqueclassique.forumpro.fr – Charles de Bériot}.

Henry Vieuxtemps (1820-1881)

Célèbre violoniste et compositeur, il va connaître une renommée européenne. Il sera notamment l’auteur de concertos pour violon, violoncelle, de sonates, de quatuors à cordes…

César Franck (1822-1890)

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Il va être une des grandes figures de la vie musicale française {César Franck a vécu à partir de 1835 en france et en a acquis la nationalité} de la seconde partie du 19e siècle. Il sera l’auteur d’opéras, de musique symphonique, de messes, de musique chorale, de musique de chambre, d’œuvres pour piano, pour orgue… L’influence de Franck va être déterminante, notamment, pour la musique de chambre dont il a été le rénovateur. Il a introduit le principe de la forme cyclique qui, par la résurgence des thèmes d’un mouvement à l’autre et leur superposition dans le volet final, assure une grande cohérence à la composition.

Arthur de Greef (1862-1940)

Il commence à composer à l’âge de trente ans. Son œuvre majeure consiste en deux concertos de piano.

Paul Gilson (1865-1942)

Il est considéré comme le père de la musique belge pour instruments à vents {un instrument de musique dont le son est produit grâce aux vibrations d’une colonne d’air provoquées par le souffle d’un instrumentiste (flûte, trompette… ), d’une soufflerie mécanique (orgue, …) ou d’une poche d’air} et l’un des meilleurs symphonistes de Belgique. Son œuvre, très éclectique (symphoniques, opéras, cantates, oratorios, mélodrames, lieder, musique de chambre, pièces pour harmonie et fanfare), comprend quelque 500 compositions. Compositeur aux multiples activités, il a été aussi un critique musical renommé et un éminent pédagogue {brassbandbuizingen.be}.

Sciences

Adolphe Quetelet (1796-1874)

Adolphe Quetelet, mathématicien, astronome, naturaliste et statisticien belge va être le précurseur de l’étude démographique et le fondateur de l’Observatoire royal de Belgique. Il sera notamment l’inventeur de la méthode de calcul du poids idéal d’une personne en fonction de sa taille (IMC). Les graphiques comparatifs et le calcul des probabilités qu’il introduit jettent les bases de la statistique moderne. Rapidement, il devient une autorité en matière de recensements de population et un pionnier dans le domaine de la statistique sociale.

Joseph Plateau (1801-1883)

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Joseph Plateau est un physicien et mathématicien belge. Célèbre pour ses recherches sur la persistance rétinienne, il invente le phénakistiscope (principe d’animation cyclique) en 1832 et en tire des règles qui serviront de base à l’invention du cinéma. Le phénakistiscope donne l’illusion du mouvement fondé sur la persistance rétinienne. Il comporte un disque en carton, percé de dix à douze fentes, sur lequel un mouvement est décomposé en une séquence d’images fixes, et un manche permettant son maintien pendant sa rotation.

Zénobe Gramme (1826-1901)

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Zénobe Gramme est l’inventeur du premier générateur électrique appelé “dynamo Gramme“. C’est en 1869 qu’il va construire la première dynamo à courant continu, point de départ de l’industrie électrique moderne.

Ernest Solvay (1838-1922)

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Le chimiste Ernest Solvay est à l’origine de la découverte du procédé de fabrication de la soude (mélange de chlorure de sodium, de calcaire et d’ammoniac), en 1861. Il sera à l’origine d’un véritable empire industriel de la chimie. Grand capitaine d’industrie, il prend également des initiatives sociales peu communes pour l’époque en introduisant dans ses usines une pension pour les travailleurs dès 1899, la limitation du temps de travail avec la journée de 8 heures en 1908, l’instauration des congés payés en 1913, le recyclage professionnel…

Il va être le mécène principal de l’Université libre de Bruxelles (ULB) où il fonde l’Institut de Physiologie (1895), l’Institut de Sociologie (1894) et l’École de Commerce Solvay (1903). Grand promoteur des sciences, sa passion s’exprime encore au travers de la création de l‘Institut International pour la Physique et la Chimie à Bruxelles. Il crée avec le soutien de différentes personnalités de l’époque, scientifiques et banquiers, une cité scientifique destinée à abriter ces différents instituts (disséminés dans l’actuel Parc Léopold à Bruxelles) {wallonie-en-ligne.net – Ernest Solvay}.

Aujourd’hui, le groupe Solvay occupe à peu près 30.000 personnes et compte plus de 400 établissements dans 50 pays.

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