Introduction
La Belgique a une grande tradition de production de bandes dessinées et reconnaît la BD comme l’un des fleurons de sa culture. Un des témoignages fondateurs de cet attachement est la création du “Centre Belge de la Bande Dessinée” {Rue des Sables, 20 – B-1000 Bruxelles 32 (0)2/219 19 80 Centre Belge de la Bande Dessinée}, un des musées-phares de la capitale depuis 1989, qui accueille environ 200 000 visiteurs par an. Dans le pays, les expositions et festivals sont légion, les librairies spécialisées sont nombreuses et les murs même de Bruxelles sont ornés de fresques mettant à l’honneur certains héros du neuvième art {Paques (F), “La bande dessinée en Belgique francophone au XIXe siècle”, Comicalités}.
Aux origines de la BD belge: Tintin {Ce qui suit est pour l’essentiel extrait de: Farr (M), Tintin. Le rêve et la réalité, éd. Moulinssart, 2001}
La naissance de Tintin
Au début du 20e siècle, la production de bandes dessinées est destinée clairement à la jeunesse. Dans ce domaine, le marché belge est saturé par les productions françaises. Toutefois, cette situation va se modifier à partir des années 1920, époque à partir de laquelle, côté belge francophone, des journaux catholiques (“Petits Belges”, “Le petit Vingtième”) vont prendre le relais, profitant du formidable réseau des écoles catholiques {Paques (F), “La bande dessinée en Belgique francophone au XIXe siècle”, Comicalités}.
C’est dans “Le petit Vingtième” (le supplément hebdomadaire pour les enfants publié par le journal “Le XXe Siècle”), que va apparaître pour la première fois l’emblème de la bande dessinée belge: le reporter Tintin, créé par le dessinateur Hergé (1907-1983).
“Le XXe siècle” est un quotidien résolument catholique et conservateur dont le titre même reflète l’actualité du siècle nouveau. Parmi ses héros figurent les grands reporters de l’époque, ces correspondants à l’étranger qui allient finesse et esprit d’initiative, talent littéraire et sens de l’analyse . Ils se retrouvent souvent au cœur de l’information, tout comme ce sera le cas de Tintin par la suite…
Ses premières aventures
C’est le 10 janvier 1929 que commence la carrière de Tintin (comme reporter du “Petit Vingtième“). Pour sa première mission il est envoyé comme correspondant en Union soviétique. Le choix de cette destination n’est pas d’Hergé (qui était plutôt fasciné par les Etats-Unis) mais bien celui du rédacteur en chef du journal “Le XXe siècle“, l’abbé Wallez, qui y voit l’occasion de faire une critique acerbe du communisme. Ce sera les aventures de “Tintin au pays des Soviets”. Élaborant son récit semaine après semaine (chaque numéro du “Petit Vingtième” comportant un épisode), Hergé essaie de nouvelles idées, expérimente de nouvelles formules. Il est influencé par les “comic strips” américains de l’époque dont il apprécie l’extrême clarté. Dans l’histoire de la BD, “Tintin au pays des Soviets” occupe une place particulière: les mots sortent directement de la bouche des personnages. Les phylactères (les bulles) intègrent la parole et la pensée au dessin.
En 1930, c’est au Congo (et toujours pas en Amérique comme Hergé l’aurait souhaité) que va se rendre le reporter, toujours à la demande de l’abbé Wallez, désireux de promouvoir la colonie belge et de susciter l’intérêt des jeunes lecteurs à l’égard de celle-ci. On retrouve dans les aventures de “Tintin au Congo“, une série de clichés colonialistes. Tintin incarne la mentalité coloniale qui prévaut à l’époque, une mentalité dominée par le sentiment de supériorité et le paternalisme. L’album (publié après la parution du dernier épisode dans le “Petit Vingtième“, pratique qui continuera par la suite) met clairement en évidence les préjugés que les Européens nourrissaient à l’égard des Africains décrits comme des grands enfants ignorants, paresseux et superstitieux. Par ailleurs, cet album témoigne également du peu de respect que l’on avait à l’époque à l’égard de la faune: Tintin fauche des antilopes, tue un singe pour sa peau, blesse un éléphant, fait exploser un rhinocéros, assomme un buffle… A l’inverse des albums ultérieurs, cet album va connaître, de par le sujet même qu’il traite, une carrière en dents de scie. Entré en disgrâce au moment de la décolonisation, il va réapparaître dans une revue zaïroise quelques années après, ce qui va entraîner son retour en librairie, en 1970, en Europe et dans le monde.
Le troisième album des aventures de Tintin, publié en noir et blanc en 1932, se passe (enfin) en Amérique. “Tintin en Amérique” porte un triste regard sur la condition à laquelle la “civilisation” de l’homme blanc a réduit les Indiens, décrits comme crédules face à des Blancs sans scrupules. La vision qu’Hergé en a est celle d’hommes fiers mais exploités (et ce, à une époque où les Indiens sont encore très fréquemment décrits dans les westerns comme des êtres cruels et violents, des ennemis que l’on doit soumettre). Cet album est également l’occasion pour Hergé de critiquer les dérives de la société américaine: le développement capitaliste à outrance, les villes paralysées par le trafic automobile, la société de consommation, etc (sans parler du crime organisé).
Des albums marqués par l’actualité de l’époque
Son cinquième album, “Le lotus bleu” (1936), est quant à lui généralement considéré comme un de ses meilleurs, voire comme le meilleur. Il est né de la rencontre faite par Hergé avec un jeune Chinois (âgé de 27 ans comme Hergé), étudiant la sculpture à l’Académie des Beaux-Arts à Bruxelles. Jusqu’alors, les pays où Tintin s’était rendu et leurs populations répondaient à l’image souvent proche de la caricature qu’on s’en faisait dans les années 1920-1930. Avec la rencontre de Tchang, ce sera tout différent. Leurs longues discussions vont donner à Hergé une idée bien différente de la Chine que ce qu’en disaient les journaux. Parlant de cette époque, il dira: “C’est à partir de ce moment-là que je me suis mis à (…) m’intéresser vraiment aux gens et aux pays vers lesquels j’envoyais Tintin (…)”. C’est Tchang qui ouvre les yeux d’Hergé sur la situation politique en Extrême-Orient et sur les ambitions impérialistes du Japon à l’époque. Pour la première fois dans ses albums, l’actualité et la politique jouent un rôle important dans l’intrigue. Hergé prend politiquement position et critique sans ménagement le Japon et sa politique expansionniste (pareille satire politique était inattendue dans le supplément hebdomadaire pour la jeunesse d’un journal catholique). Mais il n’est pas tendre non plus avec la “concession internationale” {Les concessions étrangères en Chine sont des territoires chinois sous contrôle étranger aux 19e et 20e siècles}, pourrie, corrompue, uniquement préoccupée de la défense de ses intérêts commerciaux.
Par la suite, dans ses autres albums, l’actualité continuera à jouer un rôle important dans l’intrigue (comme dans “L’oreille cassée” (1937), premier des albums qui se passent en Amérique du Sud, et qui est l’occasion de dénoncer les dictatures militaires, le pouvoir de manipulation des superpuissances, de la haute finance internationale et du commerce des armes qui y règnent), mais Hergé aura tendance généralement à camoufler les pays en cause en leur donnant un nom imaginaire. Dans “Le Sceptre d’Ottokar” (1939), Hergé décrit l’expansionnisme fasciste qui s’exerce aux dépends de la Syldavie. La comparaison avec l’actualité de l’époque est aisée (annexion de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie par les Nazis).
Tintin durant la 2e guerre mondiale
Durant la guerre, les épisodes des aventures de Tintin vont être publiés dans le journal Le Soir qui est à l’époque sous la coupe de l’occupant nazi. Le choix d’Hergé de continuer à publier dans un tel contexte lui sera durement reproché au lendemain de la guerre.
C’est de cette époque que date notamment “Le crabe aux pinces d’or” (1941), dernier album à être publié dans sa version originale en noir et blanc et où l’on voit l’arrivée d’un nouveau personnage, le capitaine Haddock (dont le caractère se situe à l’opposé de celui de Tintin).
Contraint, du fait de l’occupation allemande, de ne pas pouvoir trop coller à l’actualité, Hergé va porter davantage son attention sur ses personnages qui vont prendre, à partir de cette époque-là, le pas sur les pays et régions où va se rendre Tintin. Dans “L’étoile mystérieuse” (1942), Hergé ne cherche cependant pas à esquiver l’ambiance qui règne à l’époque. Les premières pages imposent un climat sinistre: les rats pris de panique sortent des égouts, les pneus des voitures explosent, des prophètes errent dans les rues annonçant le malheur… Bref, c’est une ambiance de “fin du monde“. C’est la plus inquiétante de toutes les aventures de Tintin.
Dans les deux albums qui vont suivre, l’ambiance va être toute autre. “Le Secret de la Licorne” (1943) (livre qu’Hergé considérera pendant longtemps comme sa plus belle réalisation) et sa suite, “Le Trésor de Rackham le Rouge” (1944) (album dans lequel apparaît pour la première fois le personnage du Professeur Tournesol, inspiré du brillant physicien et inventeur suisse Auguste Picard) plongent le lecteur dans une ambiance de chasse au trésor. Mais, dans l’album qu’il commence en décembre 1943, “Les 7 Boules de cristal”, c’est à nouveau un voile de malheur (qui correspond bien au contexte de l’époque) qui enveloppe cette histoire policière.
Tintin et l’exploration de l’espace
Après la guerre, Hergé va s’intéresser notamment à l’exploration de l’espace, sujet que l’on retrouve dans “Objectif lune” (1953) et sa suite, “On a marché sur la lune” (1954). L’exactitude quasi prophétique de cette histoire est due d’une part à l’important travail préparatoire de recherche et de documentation et d’autre part au refus d’Hergé de tout ce qui aurait pu relever de l’imaginaire ou du fantastique.
Bien d’autres albums suivront et ce, jusqu’à sa mort en 1983. Le succès des aventures de Tintin sera planétaire.
D’autres personnages créés par Hergé
Mais, si Tintin est indéniablement la plus connue des créatures d’Hergé, il en compte d’autres. Il va notamment créer, en effet, les personnages de “Quick et Flupke” (1930) et “Jo, Zette et Jocko” (1935).
Présentations
- “Quick et Flupke“: Les deux héros sont des enfants des rues de Bruxelles, et sont nommés Quick et Flupke (diminutifs pour, respectivement, Patrick et Philippe en dialecte bruxellois). Les deux garçons causent de sérieux problèmes par accident, ce qui leur amène des ennuis avec leurs parents et la police, en particulier l’Agent 15. Ils aiment fabriquer toutes sortes d’engins aussi inutiles que dangereux comme des avions à roulettes ou des planeurs.
- “Jo, Zette et Jocko“: Il s’agit d’un frère et d’une sœur, Jo et Zette, âgés de onze ans, et de leur singe Jocko vivant des aventures peu ordinaires.
Dans le sillage d’Hergé {Ce qui suit est notamment extrait de: Denis (B), Klinkenberg (J-M), La littérature belge, éd. Labor, 2005, p. 192}
A partir de la création de Tintin va se développer tout un appareil de production de la bande dessinée (BD) en Belgique.
En 1938 naissent les personnages de “Spirou” (créé par le Français Rob-Vel) et de “Tif et Tondu” (créé par Fernand Dineur (1904-1956)) qui vont revivre sous la plume d’autres dessinateurs après la guerre
La BD belge est un courant puissant au point que jusque dans les années 1960, elle va dominer la BD francophone. En effet, après la seconde guerre mondiale, les lois françaises sur les publications pour la jeunesse, qui limitent fortement la liberté d’expression des créateurs, vont favoriser les auteurs belges, ceux-ci ayant souvent été formés dans des journaux d’obédience catholique et connaissant donc les recettes du “moralement correct“.
Mais cette percée sur le marché français va avoir pour effet (pour des raisons commerciales) un abandon progressif des référents belges au profit d’une “francisation”. C’est ainsi que, dès les années cinquante, les maisons d’édition wallonnes et bruxelloises vont stimuler les auteurs belges à faire référence aux standards français (les uniformes, les panneaux de signalisation etc vont adopter les critères français).
Cela ne va cependant pas empêcher certains auteurs de continuer à faire allusion à leur pays d’origine que ce soit par le biais des paysages représentés (comme les décors de la série “Johan et Pirlouit” de Peyo) ou des langues parlées (comme les langues parlées chez certaines tribus exotiques de la série “Natacha” de François Walthéry (souvent du wallon ou du picard) ou dans les albums de “Tintin” où l’on retrouve des expressions typiques du dialecte bruxellois).
D’autres héros de BD vont ainsi progressivement voir le jour en Belgique: Bob et Bobette (1945), Blake et Mortimer (1946), Lucky Luke (1947), Félix (1949), Bob Morane (1953), Modeste et Pompon (1955), Gaston Lagaffe (1957), Les Schtroumpfs (1958), Boule et Bill (1959), Achille Talon (1963), Ric Hochet (1964), Cubitus (1968), Les Tuniques bleues (1968), Natacha (1970), “Yoko Tsuno” (1970) …
Présentation
- “Bob Morane“: Ce personnage a été créé sous la plume de l’écrivain et scénariste belge Henri Vernes (1918). Conçu au départ comme une sorte d’aventurier mi-justicier et “mi-barbouze”, le personnage évolue au cours de son demi-siècle d’existence pour se trouver impliqué dans des aventures de plus en plus complexes. Aux voyages exotiques, dans lesquels se mêlent espionnage et aventures classiques, viennent se greffer très tôt des thèmes de science-fiction.
Les deux grands courants de la BD belge
La production belge est alors tellement importante qu’elle se laisse structurer autour de 2 grands courants: La ligne claire et L’École de Marcinelle.
La ligne claire
La ligne claire est incarnée par Hergé et diffusée dans le journal Tintin {Hebdomadaire centré sur le héros d’Hergé qui fournit chaque semaine une double page du récit en cours, mais qui propose parallèlement d’autres personnages, d’autres rubriques, d’autres sujets.} qui voit le jour en 1946 (et les éditions Casterman).
Hergé va s’entourer d’une impressionnante équipe parmi laquelle on trouve notamment Edgard Pierre Jacobs (1904-1987) qui va créer, par la suite, les personnages de “Blake et Mortimer” et le dessinateur Bob De Moor (1925-1992) qui va être le créateur, notamment des séries “Barelli” et “Cori le moussaillon“.
Willy Vandersteen (1913-1990), le créateur de “Bob et Bobette” mais également d’autres séries dont “Robert et Bertrand”, va également collaborer au journal Tintin, tout comme Raymond Macherot (1924-2008), créateur notamment de la série “Chlorophylle”.
La ligne claire est marquée notamment par la clarté du dessin qui se caractérise par une grande stylisation des seuls éléments signifiants, par l’utilisation d’aplats de couleurs pures et des contours de personnages bien détourés.
Présentations
- “Blake et Mortimer“: La série met en scène deux héros principaux, Sir Francis Blake, un militaire de carrière ayant débuté dans la Royal Air Force, et mis à la disposition des services secrets britanniques de contre-espionnage militaire, le MI5, et son ami le professeur Philip Mortimer, spécialiste en physique nucléaire qui se retrouvent souvent confrontés à leur grand ennemi, le colonel Olrik.
- “Barelli“: Cette série policière raconte les dangereuses aventures de Georges Barelli, comédien de profession.
- “Bob et Bobette“: Les enfants Bob et Bobette, accompagnés de Tante Sidonie, du voisin Lambique et de Jérôme (un homme à la force herculéenne) parcourent le monde et le temps, grâce au Télétemps, une machine à voyager dans le temps créée par le professeur Barabas.
- “Robert et Bertrand”: Sympathiques vagabonds du 19e siècle qui incarnent la sincérité et la fidélité en amitié. Leurs aventures sont notamment l’occasion d’évoquer la misère et la noirceur de l’époque.
- “Chlorophylle“: L’œil cerné de noir et la queue en pinceau, le héros est un animal de la famille des rongeurs. Il est courageux, intelligent et généreux.
L’École de Marcinelle
L’École de Marcinelle est diffusée dans le journal Spirou (et les éditions Dupuis)
L’histoire de Spirou
En 1938, l’éditeur Jean Dupuis crée Le Journal de Spirou. Il engage le dessinateur français Robert Velter, dit “Rob-Vel”, pour animer le personnage titre du journal. Rob-Vel reprend un protagoniste qu’il a déjà utilisé épisodiquement pour des affiches de publicité, un jeune groom aux cheveux roux, et le met en scène dans ce rôle au “Moustic Hôtel”. Le nom Spirou, dont ce personnage se retrouve de fait affublé, signifie à la fois “écureuil” et “facétieux” en wallon et cela le caractérise bien au début, lorsqu’il joue des tours au personnel de l’hôtel.
Cette “École” est incarnée par André Franquin (1924-1997). Il sera l’auteur, notamment, de “Spirou et Fantasio“, série dans laquelle va apparaître (en 1952) le “Marsupilami” (animal imaginaire mesurant environ un mètre, jaune avec des taches noires et doté d’une force herculéenne et d’une queue démesurée). Franquin est aussi le créateur des personnages de “Gaston Lagaffe” et de “Modeste et Pompon” et est à l’origine de la série “Les idées noires“.
Le journal Spirou avait été créé en 1938 mais ce n’est qu’à partir des années d’après-guerre qu’il va acquérir ses lettres de noblesse, avec une impressionnante pléthore d’individualités parmi lesquelles Jijé (1914-1980) qui dessinera notamment la série “Jean Valhardi” (scénario de Jean Doisy (1899 -1955)); Will (1927-2000) qui collaborera, comme dessinateur, à de nombreuses séries; Morris (1923-2001), le père de “Lucky Luke“; Maurice Tillieux (1921-1978), créateur notamment des séries “Félix“, “Gil Jourdan” et “César”; Jean Roba (1930-2006) à qui l’on doit “Boule et Bill“; Peyo (1928-1992), le père des célèbres “Schtroumpfs” mais aussi (notamment) de “Johan et Pirlouit” et de “Benoît Brisefer“; Dupa (1945-2000), le créateur de “Cubitus”; François Walthéry (1946), le père de “Natacha” .
L’histoire du nom “Schtroumpfs”
L’origine du nom de ces petits hommes bleus aurait été expliquée par Peyo de la façon suivante: “En 1958, j’étais un jour en vacances à la mer avec Franquin et, à table, je lui ai demandé de me passer quelque chose, sans en trouver le nom: “Passe-moi… le schtroumpf!”. J’avais forgé ce terme sur le modèle de “un truc, un machin, un bidule”… Il m’a répondu: “Tiens, voilà le schtroumpf, et quand tu auras fini de le schtroumpfer, tu me le reschtroumpferas !” On s’est ainsi amusés à schtroumpfer pendant les quelques jours que nous avons passé ensemble, c’était devenu un gag pour nous“.
Au fil des années, le dessin de l’Ecole de Marcinelle deviendra progressivement plus dynamique et son ton légèrement plus ironique allant parfois jusqu’à la dérision.
Par ailleurs, si cette opposition stylistique va alimenter la BD belge de 1939 à 1975, la confrontation implicite des deux écoles aura cependant tendance, ensuite, à s’amenuiser.
Présentations
- “Gaston Lagaffe“: Gaston Lagaffe est employé de bureau au Journal de Spirou. Il est au début simplement indolent, paresseux et à l’occasion gaffeur. Il passe alors la plus grande partie de son temps à essayer d’éviter de travailler (en se cachant dans une armoire, ou bien plus simplement en dormant sur son bureau…). Au fil des années, d’indolent qu’il était, Gaston devient astucieux et invente divers objets et procédés destinés notamment à lui faciliter le travail.
- “Modeste et Pompon“: Modeste, c’est un vantard sympa, une bonne poire. Il est inventif, serviable, maladroit, colérique, non dénué d’humour. Pompon est une chic fille, un peu naïve, un peu fleur bleue, mais qui ne manque pas de caractère. Habitant dans des décors typiques des années 1950, le «couple» vivra paisiblement jusqu’à l’irruption de Félix, cousin gaffeur et vendeur casse-pieds de produits ringards. Il sera aussi confronté aux irascibles voisins Dubruit et Ducrin, à des neveux turbulents et à Jules, le coq du truculent oncle Symphorien.
- “Les idées noires”: Cette série présente des gags, souvent cruels et sadiques, fustigeant la bêtise humaine. Franquin a créé cette série alors qu’il était en période de dépression. Il y renoue avec un graphisme plus pur, évitant toute fioriture (usage du noir et blanc), privilégiant les silhouettes et les ombres toujours plus noires.
- “Jean Valhardi“: Cette série met en scène un enquêteur en assurance dénommé Jean Valhardi qui parcourt le monde pour ses enquêtes.
- “Lucky Luke“: La série met en scène Lucky Luke, cow-boy solitaire au Far West, connu pour être “L’homme qui tire plus vite que son ombre”, accompagné par son cheval Jolly Jumper et à certains moments par le chien Rantanplan. Lors de ses aventures, il doit rétablir la justice dans le Far West en pourchassant des bandits dont les plus connus sont les frères Dalton. La série est truffée d’éléments humoristiques qui parodient les œuvres de western.
- “Félix“: Bande dessinée policière qui tire son nom de son personnage principal, le jeune détective Félix.
- “Gil Jourdan“: La série est une reprise de Félix. Elle met en scène Gilbert Jourdan, jeune licencié en droit, qui dirige un cabinet de détective privé. Ses enquêtes l’emmènent (accompagné de ses collaborateurs) aux quatre coins de la France et du monde.
- “César“: La série raconte le quotidien de César, dessinateur de bande dessinée et célibataire, dans le grand théâtre de la vie. Il aimerait avoir une vie tranquille, mais malheureusement pour lui, il doit supporter Ernestine, la fille de son voisin dont il est amené à s’occuper, l’agent de police Petitcarné, voisin et père d’Ernestine qui lui colle des contraventions pour un rien et une femme de ménage, Églantine impossible à vivre.
- “Boule et Bill“: La série raconte les aventures familiales d’un enfant de sept ans, Boule, et de son chien, un cocker appelé Bill. Sont aussi présents la mère et le père de Boule, Caroline la tortue, la voisine et son chat Caporal, etc. Elle se compose d’une série de gags qui, pour la plupart, se produisent dans ou autour de la maison, mais aussi en vacances.
- “Schtroumphfs“: Ce peuple imaginaire de petites créatures bleues vit dans un village champignon au milieu d’une vaste forêt et doit sans cesse se défendre face à Gargamel et son vilain chat Azraël ou partir dans de grandes aventures.
- “Johan et Pirlouit“: Johan, l’intrépide écuyer, et son compagnon d’aventures, le nain Pirlouit (et sa fidèle Biquette), vivent dans un Moyen Âge de fantaisie, où ils font partie de la cour du roi.
- “Benoît Brisefer“: La série met en scène un jeune garçon nommé Benoît Brisefer vivant à Vivejoie-La-Grande et qui a la particularité de posséder une force surhumaine qu’il perd néanmoins quand il s’enrhume. Avec son ami le chauffeur de taxi Jules Dussiflard, qui ignore tout de sa force, il vit des aventures policières, fantastiques ou encore d’espionnage, mais toujours teintées de poésie.
- “Cubitus“: La série raconte les histoires de Cubitus, gros chien blanc débonnaire doué de parole. Cubitus vit dans une maison de banlieue avec son maître Sémaphore, marin à la retraite, et son voisin Sénéchal, son ennemi juré (bien qu’il arrive que ce dernier soit son meilleur ami ou son compagnon de route).
- “Natacha“: Natacha est une hôtesse de l’air. Ses aventures ont (presque) toujours un rapport avec les avions de ligne. Féministe et célibataire endurcie, elle est accompagnée dans ses aventures de son collègue de travail Walter, un steward.
D’autres dessinateurs et scénaristes
Comme autres dessinateurs et scénaristes de cette époque, on peut notamment citer Marc Sleen (1922), auteur notamment de la série “Néron“; Jean-Michel Charlier (1924-1989), scénariste prolifique à qui l’on doit notamment “Les Aventures de Buck Danny” (dessin de Victor Hubinon (1924-1979)) ; Jef Nys (1927-2009), créateur de la série “Gil et Jo”; Roger Leloup, le créateur de la série “Yoko Tsuno” (1933); Didier Comès (1942-2013), auteur notamment des albums “Silence” et “La Belette”, des histoires qui se passent dans les Ardennes; sans oublier le dessinateur William Vance (1935) qui va créer notamment XIII sur base d’un scénario de Jean Van Hamme (1939) qui sera également le scénariste des séries “Les Maîtres de l’Orge“, “Thorgall” et “Largo Winch” (dont les dessins sont de Philippe Francq (1960)).
Présentations
- “Néron”: Néron (Nero dans la version originale en néerlandais) est un Flamand à l’ancienne, brave père de famille dont le patronyme est Heiremans, et les origines polonaise et bruxelloise. Il gagne sa vie comme “phénomène journalistique”, est bon vivant, appréciant une bonne chope, un sachet de frites et la lecture de son journal affalé dans son fauteuil, tandis que “bobonne” s’occupe du ménage. Mais une grande curiosité n’est pas non plus étrangère à son caractère, en tout cas certainement pas s’il y voit la possibilité de gagner de l’argent, ce qui l’entraîne dans les aventures les plus fantastiques aux quatre coins de la planète, et parfois même au-delà.
- “Les Aventures de Buck Danny“: Ses héros sont trois aviateurs militaires américains (Buck Danny, Sonny Tuckson et Jerry Tumbler) qui participent, aux commandes de leurs avions, à de nombreuses aventures.
- “Gil et Jo“: Gil et Jo sont deux enfants qui ont pour compagnon un perroquet savant nommé Flip et qui vivent bon nombre d’aventures, notamment aux côtés du professeur Gobelin qui a l’habitude de dire l’inverse de ce qu’il pense.
- “Yoko Tsuno“: La série met en scène l’héroïne Yoko Tsuno, ingénieure en électronique, pilote d’hélicoptères et ceinture noire d’aïkido.. Les histoires sont fortement fondées sur une technologie souvent très évoluée et futuriste, voire de science-fiction.
- “Silence”: L’histoire se déroule à Beausonge, village imaginaire des Ardennes. “Silence”, un jeune homme muet et simple d’esprit, est l’homme à tout faire de l’odieux et brutal Abel Mauvy, riche agriculteur très influent dans le village. Il fait la connaissance d’une sorcière aveugle qui lui révèle le secret de ses origines, ainsi que les raisons qu’ils ont tous deux de se venger d’Abel Mauvy…
- “La Belette”: Deux citadins, Gérald et Anne, viennent de s’installer dans un village des Ardennes en compagnie de leur fils Pierre, un adolescent autiste. Les premiers contacts avec les habitants – dont un voisin aux manières fuyantes, un curé en veine de prosélytisme et une femme étrange toute de noir vêtue, surnommée “la Belette” – sont difficiles, parfois houleux. Mais la tension s’avive lorsque Gérald, réalisateur de télévision très condescendant vis-à-vis des «superstitions” locales, décide de réaliser un documentaire sur les anciens rites sorciers toujours vivaces en milieu rural. Sur fond de non-dits et de vieilles haines toujours à vif, les événements étranges se multiplient. Et la nouvelle grossesse d’Anne devient un enjeu dans les affrontements invisibles mais sauvages qui secouent secrètement ce coin de campagne…
- “XIII”: La série est un thriller se déroulant aux États-Unis sur le thème d’un amnésique pourchassé, en quête de son identité.
- “Les Maîtres de l’Orge”: Cette série raconte les aventures de la famille Steenfort sur plusieurs générations, de la création d’une brasserie artisanale dans le Brabant belge à la moitié du 19e siècle à la constitution d’une multinationale de la bière ayant son siège aux États-Unis à l’aube de l’an 2000. Elle mêle une documentation précise sur la tradition du brassage artisanal à un arrière fond historico-économique, qui retranscrit bien les évolutions du monde occidental depuis un siècle à travers l’exemple des brasseries, et à toutes sortes de péripéties purement romanesques qui arrivent aux différents personnages. Les dessins sont du Français Francis Vallès.
- “ Thorgall“: Saga épique et fantastique se passant au temps des Vikings. Les dessins sont du Polonais Grzegorz Rosinski.
- “Largo Winch”: Nerio Winch, un vieil homme d’affaires à la tête d’un empire financier de dix milliards de dollars, est mort assassiné par un cadre du groupe. Suspens dans le monde entier, son entourage pense qu’il n’a ni enfant ni héritier potentiel. Sauf qu’il a secrètement adopté un orphelin yougoslave du nom de Largo Winczlav pour assurer la continuité de son groupe. Voilà que Largo Winch, âgé de vingt-six ans, hérite donc de toute sa fortune et se retrouve à la tête de l’énorme empire financier qu’est le Groupe W. Ce play-boy en jeans est très vite attiré, dégoûté ou subjugué par tous ces milliards. Rattrapé par le passé et luttant contre un futur trop néfaste, le playboy milliardaire vit des aventures palpitantes avec ses amis.
Les 3 scénaristes, Michel Greg (1931-1999), Raoul Cauvin (1938) et André-Paul Duchâteau (1925) vont, quant à eux, dominer les années 1970 et 1980 avec de très nombreuses séries à leur actif.
Michel Greg: Il est notamment le scénariste de la série “Achille Talon”, dont le protagoniste principal est “un homme plein de bonne volonté, et doué d’un savoir puisé dans une encyclopédie… à laquelle il manquait pas mal de pages. Achille Talon n’en a cure ; sûr de lui, il n’hésite jamais à se jeter à corps perdu dans les situations les plus difficiles, avec une remarquable inefficacité.” (R.Goscinny).
Raoul Cauvin: On lui doit notamment le scénario de la série “Les tuniques bleues” dont les protagonistes sont Cornélius Chesterfield, sergent zélé et discipliné de l’armée du Nord des Etats-Unis et Blutch, un malin râleur et désabusé qui ne rêve que de déserter. Pris dans les affres de la Guerre de Sécession, celui-ci fait ce qu’il peut pour échapper aux ennuis que lui valent des chefs bornés, des ordres aberrants. À travers des histoires pleines de rire et d’action, cette série est l’occasion de faire une critique acerbe des absurdités de la guerre et du militarisme obtus. La série a été créée par le dessinateur Louis Salvérius (1935-1972) et le scénariste Raoul Cauvin (1938). Après la mort de Salvérius en 1972, le dessin est repris par Lambil (1936).
André-Paul Duchâteau: Il est notamment le scénariste de la série “Ric Hochet“, dessinée par le Français Tibet. Journaliste, Ric Hochet coopère régulièrement avec la police judiciaire. Ses enquêtes se déroulent presque toujours dans une atmosphère fantastique.
Enfin, on peut également citer Francis Carin (1950), dessinateur entre autre de la série “Victor Sackville” (écrite par le scénariste français François Rivière en compagnie de Gabrielle Borile) ; Philippe Geluck (1954) qui a créé “Le Chat”; André Geerts (1955-2010), auteur des séries “Jojo” et “Mademoiselle Louise” {Le scénariste de cette série est Sergio Salma (1960).}; Jean-Claude Servais (1956) dont l’univers est la campagne du début du 20e siècle ou bien encore de sa région, la Gaume; François Schuiten (1956), auteur notamment de la série “Les Cités obscures” réalisée avec le scénariste Benoît Peeters (1956); Frédéric Jannin (1956), auteur notamment des séries “Germain et nous“, “Les Démêlés d’Arnest Ringard et d’Augraphie” … Mais cette liste est loin d’être exhaustive…
Présentations
- “Victor Sackville“: Espion anglais au service de la Couronne d’Angleterre,Victor Sackville se voit confier de grandes missions un peu partout en Europe. Ses premières aventures commencent à l’aube de la Première guerre mondiale.
- “Le Chat“: Le héros est… un chat gris, aux oreilles pointues, au gros nez, à la bouche généralement indiscernable. Par anthropomorphisme, il se tient debout, est vêtu comme un homme, a des comportements typiquement humains (aller au bistro, conduire une voiture…) et s’adresse directement au lecteur. Ses nombreux gags dépassent rarement la page.
- “Jojo”: Cette bande dessinée drôle et tendre relate la vie quotidienne de Jojo, un petit garçon qui vit chez sa grand-mère, et de ses amis (Gros Louis, Violaine…).
- “Mademoiselle Louise“: Louise a un père milliardaire qui lui offre tout ce qu’elle désire et même plus. Surprotégée par sa nounou, Millie, elle rêve d’être une petite fille comme toutes les autres. Elle voudrait aller à l’école, avoir des amis et voir plus souvent son père plutôt que de rester seule dans sa grande maison. Louise a tout de même un amoureux, Richard, qu’elle voit en cachette.
- “Les Cités obscures”: Bien que nourris de références à notre monde, notamment sur le plan architectural, ces différents livres s’inscrivent dans un univers parallèle. Le monde (ou continent, selon ses auteurs) des Cités obscures forme un ensemble disparate de cités réparties sur une anti-Terre invisible depuis notre Terre parce que située exactement en face d’elle dans l’axe du Soleil. Ce postulat posé, il faut cependant savoir que les voyages sont possibles entre les deux mondes, au moyen de “portes” permettant le passage de l’un à l’autre ou — plus poétiquement — grâce à l’évasion artistique. Il n’est pas rare que des Terriens et des habitants des Cités obscures se soient en effet rencontrés. Comme son nom l’indique, ce monde est principalement constitué de cités: le modèle urbanistique est donc prépondérant et il n’existe que peu de vie dans les campagnes. Les cités n’étant pas très nombreuses, c’est donc un monde relativement vide. Chaque cité possède sa propre autonomie, à la manière des cités grecques de l’Antiquité: les Etats ou pays sont inconnus, et chaque ville dispose d’un territoire dont les limites sont souvent remises en question lors des nombreuses guerres qui parsèment l’histoire de ce monde. Chaque cité, de plus, semble être régie par un courant esthétique précis et unique, comme l’Art nouveau pour la ville de Xhystos ou une forme proche de l’Art déco ou du Bauhaus pour Urbicande. En sorte, hormis pour quelques villes, chacune offre une uniformité architecturale notable, laquelle déteint sur l’organisation politique et les conceptions intellectuelles de ses habitants.
- “Germain et nous”: Cette série humoristique est une sorte d’étude comportementale et sociologique des adolescents durant les années ’80.
- “Les Démêlés d’Arnest Ringard et d’Augraphie“: La taupe Augraphie vit sous le jardin d’Arnest Ringard et paye son loyer au moyen de pièces d’or dissimulées sous le terrain.
Quant aux séries qui ont fait la force de l’école belge comme “Lucky Luke”, “Spirou et Fantasio” ou les “Schtroumpfs“, elles continuent à paraître sous d’autres plumes alors que leurs créateurs ont disparu.
Pour ceux & celles qui veulent savoir la chute du strip de la toute première image (Gaston Lagaffe), c’est ici: https://i.pinimg.com/originals/b8/c2/90/b8c29083e8c7a4143876971119556a1e.jpg