Le Roi Baudouin et son épouse Fabiola De Mora y Aragòn, aristocrate espagnole.
Le clivage Église-État
La guerre scolaire {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 257 et 354-357 – Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.311, 321-322}
Dans le courant des années 1950 va avoir lieu une 2e “guerre scolaire” opposant le parti catholique, désireux de favoriser le développement de l’enseignement libre catholique, aux partis socialiste, libéral et communiste, ainsi qu’à des associations et syndicats non confessionnels, tout à fait opposés, eux, à l’octroi de larges subsides à l’enseignement libre et défendant, quant à eux, l’enseignement officiel (public).
Avec cette nouvelle {La 1re s’étant déroulée durant le règne de Léopold II.} “guerre scolaire“, on assiste donc à une résurgence du clivage philosophique et religieux qui avait dominé la vie politique de la Belgique au 19e siècle. Par ailleurs, l’opposition entre le parti catholique d’une part et les autres partis, d’autre part, va reproduire l’opposition qui était apparue lors de la “Question Royale“.
Le monde catholique voyait dans l’enseignement libre catholique un moyen de défendre et de préserver un certain nombre de “valeurs chrétiennes“. L’enseignement catholique était considéré comme une sorte de clé de voûte.
Au vu du contexte, l’enjeu pour l’Église catholique va être de mettre l’enseignement libre (catholique) sur pied d’égalité avec l’enseignement officiel. Cet enjeu était tout particulièrement important pour l’enseignement moyen et l’enseignement technique du fait de l’évolution industrielle et sociale qui était occupée de se produire et qui allait provoquer un afflux rapide d’élèves de couches sociales moins aisées vers l’enseignement secondaire.
Après plusieurs années de conflits et de manifestations diverses, un “Pacte scolaire” va être signé le 20/11/1958. Il va s’appliquer à l’enseignement maternel, primaire, secondaire, supérieur non universitaire et spécial. Il va entraîner une subsidiation plus large de l’enseignement libre et l’expansion démocratique de l’enseignement en même temps qu’un accroissement considérable du budget de l’État consacré à l’enseignement par la création d’écoles nouvelles.
La loi (du 29/5/1959) qui s’en suivit va consacrer, pour l’essentiel, les principes suivants:
- l’instauration de la paix scolaire et l’établissement de règles appelées à régir les rapports entre les réseaux d’enseignement: il consacre le principe d’égalité de traitement entre enseignants (qu’ils soient du réseau libre ou de l’officiel) qui devront tous être payés par l’État
- la protection des conceptions philosophiques
- la garantie de la liberté du choix de l’école
- l’extension et la démocratisation de l’enseignement: il consacre le principe de la gratuité de l’enseignement secondaire pour tous (élèves de l’enseignement officiel comme du libre). Par ailleurs, L’État va se voir reconnaître expressément le droit de créer ses propres écoles là où l’enseignement publique fait défaut et un fonds de construction va être créé afin de les financer
- l’aide à toutes les formes d’enseignement reconnues valables: l’enseignement libre (catholique) va recevoir de larges subsides permettant de couvrir le traitement, le fonctionnement et l’équipement au prorata du nombre d’élèves régulièrement inscrits. Par contre, la construction de nouvelles écoles restera exclusivement à sa charge
Déconfessionalisation relative de la vie politique {Mabille (X),Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.326-328 et 447}
À partir de la fin des années 1950, on va constater l’atténuation progressive des oppositions autour du clivage philosophique et religieux. Les années 1958-1961 vont ouvrir la voie à une déconfessionnalisation relative de la vie politique.
Les évêques vont progressivement arrêter de donner leurs directives aux hommes politiques et aux croyants. Cette tendance a, par ailleurs, été favorisée par des phénomènes plus généraux comme l’évolution de l’Église catholique à partir du Concile de Vatican II {On considère généralement le concile (assemblée d’évêques) de Vatican II (1962-1965) comme l’événement le plus marquant de l’histoire de l’Église catholique au 20e siècle, symbolisant son ouverture au monde moderne et à la culture contemporaine faite de progrès technologiques considérables, d’émancipation des peuples et de sécularisation croissante. On y a débattu notamment des célébrations liturgiques, du rapport que devait entretenir l’Église catholique avec les autres confessions chrétiennes, avec les autres religions, et la société en général, mais aussi de problèmes plus spécifiquement théologiques, comme la liberté religieuse et la Révélation.}. Toutefois, ce n’est pas pour autant que le clivage Église/État ne va pas persister. En effet, malgré une érosion importante de la pratique religieuse, malgré des formes diverses de déconfessionnalisation et de décloisonnement, des enjeux vont avoir une certaine permanence, comme l’enseignement, ou vont se renouveler ou apparaître, comme les débats liés à la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse ou l’euthanasie.
Au niveau économique
Un après-guerre optimiste {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 259-260}
L’appareil de production, qui avait dans certains secteurs tourné à plein régime pour l’occupant (la production de charbon, par contre, avait diminué de moitié) est certes démodé, quelque peu usé, mais n’a pas été détruit. En 1944, et dans les années qui vont suivre, c’est un atout non négligeable. La Belgique (qui exporte des matières premières en provenance du Congo) se trouve face aux alliés dans une position favorable. Par ailleurs, la monnaie est forte grâce à une série de mesures anti-inflatoires sévères, fort contestées d’ailleurs (“l’opération Gutt” {Les coupures supérieures à 100 francs ont dû être échangées contre de la nouvelle monnaie imprimée à Londres. L’échange pouvait porter sur un maximum de 2.000 francs; les sommes excédentaires devant être déclarées. Les comptes à vue furent bloqués. Ils seront libérés progressivement dans les années qui suivent. Un impôt «d’assainissement» sera mis sur pied. La réforme Gutt visait, outre la résorption de la masse monétaire, à traquer ceux que la guerre avait enrichi indûment (du fait notamment du « marché noir »). On estime que 4 % de la masse monétaire en circulation pendant la guerre ne fut jamais déclarée (et fut donc perdue volontairement par ses «propriétaires»). Les bénéfices sur prestations et fournitures à l’ennemi furent par la suite taxés à 100 %; un impôt très lourd (70 à 95 %) frappa les bénéfices réalisés pendant l’Occupation et un impôt sur le patrimoine (5 %) fut créé. Metdepenningen (M), L’opération GUTT était prête en 1943, Le Soir, 10 septembre 1994.}), et grâce à un impôt sur le capital. Enfin, le problème de l’approvisionnement alimentaire (suite à la seconde guerre mondiale) a été résolu plus rapidement en Belgique que dans les pays voisins (Pays-Bas, France, Grande-Bretagne).
Des bénéfices vont être engrangés car la demande est considérable. Les secteurs industriels (la métallurgie, le ciment, les fours à chaux, le textile) sont dépendants de l’approvisionnement en charbon. Cela va contribuer à camoufler les faiblesses structurelles et le vieillissement de la zone minière wallonne, ainsi que le développement économique unilatéral et insuffisant de la Flandre.
La crise des secteurs charbonnier et textile {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 259-260}
Les subsides de l’État vont aller par dizaines de milliards de francs belges à des mines de charbon qui vont quand même devoir être fermées, les unes après les autres, à partir de la fin des années 1950, notamment du fait de coûts de production dépassant largement les normes de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) (voir fiche “La Belgique et la construction européenne” ).
Idée de visite: la mine de Blegny et le charbonnage du Bois du Cazier à Marcinelle
Situé entre Liège et Maastricht, Blegny-Mine { rue Lambert Marlet, 23 – 4670 BLEGNY – 32 (0)4/387 43 33 – blegnymine.be} est une des quatre authentiques mines de charbon d’Europe dont les galeries souterraines sont accessibles aux visiteurs via le puits d’origine. Situées à -30 et -60 mètres, elles permettent une découverte complète du processus d’extraction du charbon.
Le nom du charbonnage du Bois du Cazier { Rue du Cazier, 80 – 6001 Marcinelle – 32 (0)71/88 08 56 – leboisducazier.be} est gravé dans la mémoire collective à la suite de la tragédie du 8 août 1956. Suite à une erreur humaine, un incendie gagne rapidement toute la mine. Au total, 262 hommes, de 12 nationalités différentes (dont 136 Italiens et 95 Belges), vont perdre la vie. Il en résultera l’arrêt de l’immigration italienne vers la Belgique et une réglementation plus stricte de la sécurité du travail. Sur ce site, nombreuses sont les traces du passé. Restaurées à l’identique, elles sont à la fois lieu d’évocation de la catastrophe et lieu du souvenir du métier de mineur.
Blegny-Mine, le Bois du Cazier et les 2 autres sites miniers majeurs de Wallonie (le Bois-du-Luc et le Grand-Hornu) sont reconnus depuis juillet 2012 comme Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le secteur textile, dominé par de petites et moyennes entreprises familiales peu intégrées (le filage et le tissage se faisant bien souvent dans des entreprises distinctes) va lui aussi être confronté, dans les années 1950, à de graves difficultés. De nombreuses fabriques vont devoir fermer dans les provinces de Flandre orientale et de Flandre occidentale. La Flandre va connaître un taux de chômage élevé.
La crise dans ces secteurs est d’autant plus grave qu’il s’agit de 2 secteurs ayant un poids économique très important pour la Belgique. Ainsi, en 1956, les exportations belges comptaient encore pour 19,2% de textiles (contre 13,7%, en moyenne, pour les autres pays du marché européen).
L’État prend des mesures {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 260-261, 396 et 421}
A partir de 1959, le gouvernement belge va se voir contraint d’intervenir davantage dans le secteur économique et d’attirer, par des subventions et des investissements publics, des entreprises étrangères (assemblage automobile, industrie chimique et électronique…).
Contrairement au passé {Au 19e siècle, c’est le capital wallon et bruxellois qui avait fait de la Belgique un géant économique (sans doute au prix du sous-développement de la Flandre qui servait de réservoir de main d’œuvre à bon marché)}, les holdings {société ayant pour vocation de regrouper des participations dans diverses sociétés et d’en assurer l’unité de direction. Ex: le holding de la Société Générale} belges et les banques d’affaire, quant à eux, ne vont guère se montrer disposés à investir, de leur propre initiative, des capitaux à risque permettant de développer des secteurs industriels d’avenir. Ainsi, à partir de la crise charbonnière des années 1950, les holdings nationaux traditionnels (dont la Société Générale) vont avoir tendance à abandonner la Wallonie à son sort.
En 1959, le gouvernement social-chrétien libéral va mettre en œuvre, à l’instar d’autres pays, une planification économique à moyen et long terme prévoyant des économies sévères, surtout dans le secteur social: cela aboutira à la “Loi unique“.
Le mouvement d’opposition à la “Loi unique”: la grande grève de 1960-1961
Une opposition aux mesures d’austérité décidées par le gouvernement
En décembre 1960, un grand mouvement de grève se déclenche en opposition au “projet de loi d’expansion économique, de progrès social et de redressement financier”, dit “projet de loi unique“. Il sera relancé en janvier 1961 sur les mots d’ordre de fédéralisme et de réformes de structures. Le climat va être très différent en Flandre et en Wallonie. Ce seront principalement les grands centres industriels wallons qui seront touchés.
Le projet gouvernemental avait été élaboré dans un contexte dominé par des préoccupations relatives à la dégradation de la situation des finances publiques et par des pressions de milieux bancaires étrangers de nature à limiter la capacité d’emprunt de la Belgique. C’est pour faire face aux difficultés enregistrées au lendemain de l’accession du Congo {Le Premier Ministre Gaston Eyskens chiffre à 6,6 milliards de francs belges, l’incidence budgétaire des événements congolais} à l’indépendance que le gouvernement (catholique/ libéral) élabore le projet de “Loi unique“. Les libéraux de la coalition étaient hostiles à tout accroissement de la fiscalité qui ne serait étroitement lié à des économies budgétaires, en particulier dans le secteur social {Mabille (X),Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.325-326}, le traitement des fonctionnaires et les finances communales. Une réduction de 11 milliards de francs belges des dépenses de l’État va être prévue {Destatte (P), L’économie wallonne dans une perspective historique[] (1886-2006), Institut Destrée, 2010, p.19}.
Ce projet se veut donc la concrétisation d’«un programme d’austérité, d’économie et de discipline qui ferait appel à tous et à toutes les classes sociales». La loi unique prévoit une série d’économies pour redresser le budget ainsi que des impôts nouveaux et des relèvements tarifaires pour le chemin de fer. Parmi les mesures envisagées, on trouve la lutte contre les «abus» en matière de chômage, le renforcement du contrôle médical en matière d’assurance maladie, le recul de l’âge de la retraite dans les services publics, l’augmentation des retenues sur les pensions de survie, …
Lorsque le projet de “Loi Unique” arrive au Parlement, le secteur public se met en grève. Le secteur privé lui emboîte immédiatement le pas. La grogne et l’inquiétude face à la récession et au chômage croissant couvent, en effet, depuis des semaines et des mois. Le 14 décembre déjà, une série de manifestations organisées par le syndicat socialiste vont mobiliser des dizaines de milliers de personnes. Les travailleurs n’attendent qu’un signal pour élargir l’action. Celui-ci viendra du secteur public.
Des revendications fédéralistes
Le 20 décembre, la grève générale éclate {Le 28 décembre, la colère populaire culmine avec 320.000 grévistes. LAMENSCH (M), Hiver 60: la grande grève contre la “loi unique” a 50 ans, Le Soir, 14 décembre 2010}. Elle dure cinq semaines et touche tout le pays. Toutefois, bien vite la grève va s’essouffler en Flandre et se durcir en Wallonie où elle prend une tournure insurrectionnelle. L’objectif de retrait de la loi, apparaissant rapidement hors d’atteinte, va s’y substituer celui, plus politique, des réformes de structures.
A la mi-janvier, il ne reste plus que trois bastions (le Centre, Charleroi et Liège) à poursuivre la grève. Le 23 janvier, le mouvement cesse. Les affrontements avec la gendarmerie ont fait quatre morts. Les grévistes réintègrent les usines, conscients de la défaite, mais fiers de l’action qu’ils ont menée.
La grève est un échec {Le 13 janvier, la Chambre adopte le texte, quasi tel quel, suivie par le Sénat, un mois plus tard. LAMENSCH (M), Hiver 60: la grande grève contre la “loi unique” a 50 ans, Le Soir, 14 décembre 2010} mais elle aura ouvert des perspectives politiques nouvelles. Sous la double pression du fédéralisme wallon et du mouvement flamand, les structures institutionnelles du pays vont évoluer vers le fédéralisme {FGTB, Les grèves de 60 contre la loi unique, 29 novembre 2010}.
Les Wallons vont prendre conscience de ce que leurs mines et une grande partie de leur appareil industriel traditionnel sont menacés d’un déclin total sans que de nouvelles industries viennent les remplacer. Ces nouvelles industries s’installent essentiellement en Flandre: la situation géographique (proximité de la mer) y est plus favorable, les salaires moins élevés et les ouvriers plus “disciplinés”. Par ailleurs, il y existe une réserve de main d’œuvre encore inutilisée de petits paysans et de navetteurs qui, jusque-là, allaient chercher du travail à Bruxelles ou en Wallonie. Les travailleurs wallons ne sont pas disposés à supporter les conséquences fâcheuses d’une politique qui n’a pas su insuffler un nouveau dynamisme à l’économie belge, depuis la guerre {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.261}.
Une nouvelle géographie économique {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.323-324}
Les équilibres économiques interrégionaux, longtemps favorables à la Wallonie, vont donc commencer à s’inverser en faveur de la Flandre.
La crise charbonnière, touchant un bassin wallon après l’autre, et la contagion de cette crise atteignant d’autres secteurs (comme l’industrie du matériel roulant, par exemple) vont être les premiers révélateurs du vieillissement des structures industrielles de la Wallonie. Simultanément, la Flandre voit ses handicaps se transformer en atouts: ce qui était chômage structurel dans un contexte de sous-développement devient main d’œuvre disponible dans un contexte d’industrialiation dans des secteurs nouveaux.
Les facteurs à l’origine de cette inversion des équilibres économiques interrégionaux sont multiples, les uns extérieurs, les autres intérieurs.
Parmi les extérieurs:
- l’application de la législation anti-trust {Régi par un ensemble de lois américaines de la fin du 19e siècle, le principe “anti-trust” a pour objectif de maintenir la concurrence en empêchant la constitution de trust, donc la concentration excessive de sociétés d’un même secteur ou de secteurs proches. Voir boursereflex.com} aux Etats-Unis, incitant les grands groupes américains à chercher au-delà des mers de nouveaux lieux d’implantation
- la tendance internationale de “maritimisation” {La maritimisation est, en économie, le processus conduisant les littoraux d’un grand nombre de pays à prendre une part de plus en plus importante dans l’économie.} des industries.
- l’ouverture du marché commun européen qui va entraîner la création d’un espace économique au sein duquel la Belgique va occuper, au moment de “l’Europe des Neuf“, du moins, une position centrale (voir fiche “La Belgique et la construction européenne” )
Parmi les intérieurs:
- la législation d’aide aux entreprises (de juillet 1959) qui suscite la création, dans pratiquement tout le pays, d’intercommunales de développement économique et d’aménagement du territoire. Cela va notamment permettre l’extension et la modernisation du Port d’Anvers qui s’accompagnera de l’aménagement de terrains industriels de grande superficie.
Ces différents facteurs, conjuguant leurs effets, expliquent l’implantation plus massive, dans les années suivantes, de filiales et d’établissements de groupes étrangers dans la région d’accès le plus aisé par mer, c’est à dire en Flandre. Celle-ci va donc dépendre, pour une grande part, de sociétés multinationales.
Si, en 1958, la Wallonie est encore la première région industrielle du pays, en 1961, les conditions sont désormais réunies pour permettre à la Flandre de la supplanter.
Une évolution décisive sera acquise peu après, avec la création d’une sidérurgie maritime (SIDMAR) près de la zone portuaire de Gand. Cette installation va susciter de vifs mécontentements en Wallonie.
De façon générale, les industries flamandes vont, proportionnellement, fort se diversifier. Il y aura moins de diversité en Wallonie. L’implantation d’un certain nombre de secteurs pilotes (surtout à l’initiative d’entreprises étrangères) comme la chimie, l’électronique, l’assemblage automobile… va créer, en Flandre, des activités industrielles et tertiaires complémentaires. En Wallonie, les anciennes industries de base (et plus spécialement l’acier) vont peu se préoccuper de se constituer des activités en amont et en aval et vont se montrer extrêmement vulnérables {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.397 et 420}.
Ainsi, alors que la part de la Flandre dans le produit intérieur brut se montait, en 1955, à 44%, elle va passer, en 1974, à 55,6% contre 28,5% pour la Wallonie.
La crise économique s’affiche {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.387-388, 400, 457-459, 489, 495}
En 1974, la crise économique {Il s’agit d’une crise économique mondiale.} va se faire plus sensible. Les travailleurs vont se mettre à occuper, en Wallonie comme en Flandre, les entreprises en difficultés. Ce mouvement a un caractère plus ou moins spontané et va s’accompagner parfois de tentatives d’autogestion. Depuis les grèves de 1960-61, il semble donc bien qu’une importante modification des mentalités se soit produite en Flandre {Il en sera de même lors de la grande grève de 1983.}.
A la fin des années 1970, la crise va devenir une réalité concrète pour la plupart des catégories salariales. La modération salariale Elle va passer de 88,9% du PIB à 123,6% en 1986.{Elle va passer de 88,9% du PIB à 123,6% en 1986.}, l’austérité sous toutes ses formes…. vont avoir pour conséquence de faire baisser, en quelques années, le pouvoir d’achat de plus de 10%.
A partir de la fin de 1979, lorsqu’en raison de la crise les salariés vont devenir plus vulnérables, les protestations ouvrières vont éclater surtout à l’occasion de menaces de fermeture de mines ou d’usines ou de licenciements massifs.
Le nombre de chômeurs complets va devenir alarmant. En 1970, il est d’environ 70.000. Dix ans plus tard, on en compte déjà 322.000 et 15 ans plus tard, 530.000.
Au cours des années 1980, le déficit de l’État va se creuser. Entre 1981 et 1986, la dette de l’Etat va doubler {Elle va passer de 88,9% du PIB à 123,6% en 1986.}. Le rythme des fermetures d’usine et des faillites va s’accélérer dans des secteurs faibles mais à haut coefficient d’emploi. Les associations patronales vont multiplier leurs attaques contre la liaison automatique des salaires à l’index {L’ indice des prix à la consommation (index) est destiné à mesurer l’évolution du coût de la vie. En tant qu’indicateur économique, il mesure l’évolution des prix d’un panier de biens et services. L’indice mesure non seulement le niveau des prix mais aussi les fluctuations entre deux périodes.}. Alors que les libéraux vont mettre l’accent sur la lutte contre la fraude sociale {L’ indice des prix à la consommation (index) est destiné à mesurer l’évolution du coût de la vie. En tant qu’indicateur économique, il mesure l’évolution des prix d’un panier de biens et services. L’indice mesure non seulement le niveau des prix mais aussi les fluctuations entre deux périodes.} (travail non déclaré, “travail au noir“), les socialistes vont juger, eux, celle-ci insignifiante par rapport à la fraude fiscale {Fait de se soustraire ou tenter de se soustraire, frauduleusement, au paiement total ou partiel de l’impôt.} (estimée, en 1985, à plus de 300 milliards de francs belges). Le plan de redressement imposé par le gouvernement de l’époque va chercher à imposer au niveau national une politique de modération des revenus (de préférence par voie de concertation sociale).
La Belgique va connaître, à partir du milieu des années 1970, un phénomène accentué de désindustrialisation.
La dépendance à l’égard de centres de décision extérieurs à la Belgique
Après la 2e guerre mondiale, de grandes entreprises internationales vont créer de plus en plus de filiales à l’étranger, attirées par les bas salaires, les primes et les nombreux services et privilèges qui vont leur être réservés par les gouvernements des pays hôtes. Par ailleurs, les firmes américaines vont vouloir également s’installer dans les limites douanières des pays de la Communauté Economique Européenne (voir fiche “La Belgique et la construction européenne” ). En échange de la création d’emplois (ce que ne pouvaient plus assurer les entreprises nationales), les gouvernements vont devoir céder une part de leur souveraineté, n’ayant guère de prise sur les filiales d’entreprises dont le siège principal est installé à l’étranger.
Toutefois, la revalorisation des salaires et des conditions de travail obtenue grâce à l’action des syndicats et la signature de conventions collectives va rendre, dans le courant des années 1970, les coûts salariaux presque aussi élevés en Europe qu’aux Etats-Unis. L’extension des multinationales (américaines et autres) en Europe va donc avoir tendance à diminuer et même à s’arrêter. Elles vont commencer à menacer de fermer, d’émigrer ou de confier leur sous-traitance à des pays moins développés et moins onéreux. C’est donc un petit groupe d’entreprises qui va dorénavant décider, dans le monde, de ce qui sera produit et où ça le sera.
En outre, de nombreuses entreprises belges vont être absorbées par des entreprises étrangères ou vont accepter une participation étrangère. Ce sera, par exemple, le cas en 1987 de la chocolaterie “Côte d’Or”, créée en 1870, qui va être rachetée par l’entreprise suisse Suchard {en 1990, Suchard lui-même est absorbé par Kraft.}. Le centre de décision ne sera plus en Belgique mais bien au siège central de la firme. Les administrateurs belges vont être minoritaires. Aussi les stratégies économiques vont-elles échapper aux capitalistes belges comme au gouvernement.
En 1988, c’est au tour de la Société Générale de Belgique, qui avait été un des piliers essentiels de la vie économique belge (depuis sa naissance en 1822), de passer sous le contrôle d’un groupe étranger: le groupe français Suez. Il s’agit là d’un événement très marquant tant sur le plan économique que symbolique. En effet, ce holding était parvenu, malgré la perte du Congo, à continuer, au fil des décennies, à jouer un rôle décisif dans l’économie belge et à être fortement présent (directement ou indirectement par des participations et des filiales) dans les secteurs les plus importants tels que l’acier, les métaux non ferreux, le textile, les machines, la construction navale, le verre, les charbonnages du Limbourg, les mines du Zaïre et du Canada, le matériel électronique, les banques, le secteur immobilier, les assurances, les intercommunales, les entreprises pétrochimiques, les centrales nucléaires. Petrofina {Petrofina a fusionné en 1999 avec Total.}, le seul géant belge du pétrole, était en partie aux mains de la Générale {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.382 et 401}.
→ A partir de la fin des années 1980, le mouvement de concentration du pouvoir économique va se poursuivre sous diverses formes. Il va y avoir, selon les cas, rapprochement de groupes belges ou rapprochement de groupes belges et de groupes étrangers de diverses nationalités.
On va donc assister à une pénétration économique étrangère accrue. Ainsi, un des phénomènes les plus significatifs des années 1990 va être l’extension de l’implantation des groupes français en Belgique.
Ainsi, comme les économies des autres pays développés, l’économie est en Belgique structurée par les groupes d’entreprises, eux-mêmes modelés par les mouvements internationaux de concentration. Un degré relativement élevé de dépendance externe va en découler, les centres de décisions étant extérieurs à la Belgique {Mabille (X),Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.480-481}.
C’est aussi dans ce contexte qu’il convient d’interpréter la fermeture d’un certain nombre d’entreprises ces 30 dernières années.
Par ailleurs, la tendance des holdings va être, au fil des décennies, de ne s’intéresser pratiquement qu’aux investissements qui rapportent énormément à court terme. Ils vont de plus en plus s’occuper, en effet, de renouveler, avant tout, leur portefeuille d’actions et vont vivre aussi de spéculations {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.421}.
Les interventions menées par l’État et les Régions
L’Etat, mais aussi, par la suite, les Régions vont chercher, notamment par des prises de participations, à sauver des entreprises en faillite.
Ce sera le cas, par exemple, de la cristallerie du Val-Saint-Lambert {On ne conservera, toutefois, dans la nouvelle manufacture créée en 1975, que quelques centaines des 1200 travailleurs qui étaient occupés précédemment. A titre indicatif, en 1926, quelque 5000 personnes travaillaient au Val St-Lambert.}, créée en 1826 et seul fabricant de cristal en Belgique.
Les holdings actifs dans la sidérurgie belge (secteur d’une importance vitale pour la Wallonie) vont, quant à eux, réussir à faire financer presque entièrement sa restructuration par les pouvoirs publics. Le gouvernement va octroyer à Cockrill-Sambre 51 milliards de francs belges de subsides, soit quelque 2 millions de francs belges par travailleur. Cette stratégie va contribuer à aggraver les tensions communautaires entre la Wallonie et la Flandre, laquelle va se sentir désavantagée par le transfert de dizaines de milliards de francs belges vers un secteur dont l’avenir paraissait bien incertain (en dépit des licenciements et d’une diminution de 10% des salaires imposée aux travailleurs). Aussi, dès le début des années 1980, des voix vont s’élever en Flandre pour que l’on régionalise le secteur de l’acier, grand consommateur de milliards. Il s’agit de faire assumer aux régions la responsabilité de leur politique économique.
A partir de 1981, la polémique déclenchée par la restructuration de Cockerill-Sambre va mettre à l’avant-plan les enjeux communautaires liés à la politique des secteurs nationaux.
En 1983, le Premier ministre de l’époque (W. Martens) va annoncer que les dettes du passé allaient être honorées par l’Etat central mais que dorénavant, ce serait aux Régions à assumer leurs nouveaux besoins financiers. Cette disposition vaudrait aussi en Flandre pour le port de Zeebruges et les charbonnages du Limbourg, eux aussi menacés.
Cela ne va cependant pas signifier, pour autant, la fin de l’implication de l’État. A titre indicatif, entre 1975 (avec une accélération après 1980) et 1987, 1800 milliards de francs belges de recettes du trésor vont être transférés vers l’industrie, et pas seulement les secteurs nationaux en détresse.
La saga de Cockerill-Sambre {Dinard (C), La saga de l’acier wallon, de Cockerill à Arcelor, La Libre Belgique, 13/06/2003}
Alors qu’au sortir de la seconde guerre mondiale, la sidérurgie belge, heureusement épargnée, redémarre en force, elle va devoir, quelques années plus tard, relever le défi des produits issus d’installations modernes construites dans les pays voisins. Pour y parvenir, une vague de fusions va rapprocher les maîtres de forges wallons. L’année 1955 va voir ainsi la naissance de deux groupes principaux: Cockerill-Ougrée et Hainaut-Sambre.
La fermeture des charbonnages et l’abandon de la minette {Minerai de fer} de Lorraine au profit de minerais importés à haute teneur vont faire disparaître les avantages dont avait longtemps joui l’acier wallon. Il va se retrouver en position d’infériorité face aux sidérurgies maritimes, qui limitent au minimum leurs coûts de déchargement et de chargement. Après le Japon, puis l’Italie, vont naître en Europe les grands complexes d’Usinor à Dunkerque (France), de Hoogovens à Ijmuiden (Pays-Bas) et de Sidmar (Sidérurgie maritime), créée à Zelzate le long du canal maritime Gand-Terneuzen, à l’initiative d’Arbed (société luxembourgeoise) et de Cockerill.
Pour tenter de surmonter ses difficultés financières, Cockerill {L’entreprise Cockerill a été fondée en 1817 par John Cockerill} va vendre, en 1975, à Arbed les 23 % d’actions Sidmar qu’il possède. En 1977, la Commission européenne va adopter un premier plan de sauvetage: le plan Davignon, qui implique l’octroi d’une bonification d’intérêt sur les prêts accordés à la sidérurgie. Fin 1978, sont ratifiés les accords dits d’Hanzinelle, qui visent à mieux répartir la production de laminés entre Sidmar et les entreprises du Triangle de Charleroi (Hainaut-Sambre, Carlam {La société Carlam, a été créée en 1974, par Hainaut-Sambre, pour le laminage et le bobinage automatiques de bandes d’acier.} et Providence notamment) et le pôle des indépendants (Boël, Fafer, Clabecq).
Pour éviter la faillite de Cockerill, l’État prend en charge son endettement à long terme, ce qui en fait l’actionnaire de référence. Il émettra aussi des obligations convertibles, pour financer un plan d’investissements de 26 milliards de francs belges. L’État devient aussi actionnaire des sociétés du Triangle de Charleroi.
En 1981, le Comité national de planification et de contrôle approuve une série de programmes d’investissements totalisant 62,8 milliards de francs belges (1.557 millions d’euros), dont 28 milliards pour le bassin liégeois et 7,1 milliards pour celui de Charleroi.
Le 26 juin 1981, est approuvée la fusion de Cockerill et Hainaut-Sambre, sous l’appellation de Cockerill Sambre, constitué par un ensemble de dix sociétés. Malheureusement, certains rapprochements vont avoir lieu en l’absence de toute synergie industrielle.
Une enveloppe de 22 milliards de francs belges est fixée pour couvrir le déficit d’exploitation jusqu’à fin 1985. Mais début 1982, il ne reste déjà plus que… 10 milliards. Le gouvernement décide alors de lui apporter 12,2 milliards pour couvrir ses besoins de trésorerie, ses échéances d’investissements et ses pertes.
En 1983, sous la houlette du français Jean Gandois d’importantes restructurations vont avoir lieu. A cette époque, Cockerill-Sambre regroupe plus ou moins 200 sociétés et couvre ainsi une gamme étendue d’activités et de produits. Citons le fer blanc, les tôles electrozingées, les tôles revêtues de peinture ou d’un film plastique,… destinées à des secteurs comme l’automobile, l’électroménager, l’emballage et l’industrie du bâtiment.
D’après certaines estimations faites en 1987, les aides apportées à Cockerill-Sambre pour se restructurer, y compris pour la création de nouveaux outils et le financement des réductions d’emplois, auraient totalisé 180 milliards de francs belges.
Au niveau communautaire
On va constater, au fil des années, une montée en puissance du problème communautaire et des préoccupations régionales.
Des revendications fédéralistes du côté flamand mais aussi wallon
Durant la guerre, plusieurs mouvements wallons vont naître dans la clandestinité. Dès 1943-1944, une commission d’étude de la Fédération liégeoise du parti socialiste a préparé dans la clandestinité un projet d’instauration du fédéralisme en Belgique. Le principe en est l’association de trois États: Bruxelles, Flandre, Wallonie, auxquels serait reconnu le droit de sécession. Le Congrès national wallon va préciser un projet institutionnel dans ce sens autour de deux États régionaux (Flandre et Wallonie) et d’une ville fédérale (Bruxelles).
Les prises de position du mouvement wallon sont donc, dans l’après-guerre, extrêmement nettes et trouvent certains relais politiques. Mais leur impact va toutefois rester limité.
Le 3/12/1953, des fédéralistes flamands et wallons rendent public un manifeste commun pour la réforme de l’État unitaire: un projet de constitution fédérale pour la Belgique, dit “projet Schreurs-Couvreur” qui prévoit 2 États régionaux (Flandre et Wallonie) et un territoire fédéral (Bruxelles) {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.312-315}.
La revendication fédéraliste va connaître un regain à partir de 1960-61. Différents rapports faisant des propositions claires vont être établis tant du côté wallon que flamand {le rapport de F. Perrin au congrès du Mouvement populaire wallon en 1961 et le rapport de W. Martens au congrès du Vlaamse Volksbeweging en 1962.}. Cette revendication fédéraliste va alimenter les compromis institutionnels complexes qui vont se succéder à partir de 1970 et qui vont mettre fin à l’État unitaire du passé.
Mouvements linguistiques et objectifs économiques
Dès le début du 20e siècle, le mouvement flamand va poursuivre également des objectifs économiques explicites (en liaison, certes, avec ses objectifs linguistiques). Le mouvement wallon va évoluer de même après la seconde guerre mondiale quand les premiers signes du vieillissement des structures industrielles de la région vont être perçus.
La dimension économique des enjeux va devenir encore plus évidente à partir de 1958 environ quand les équilibres interrégionaux traditionnels vont commencer à s’inverser. Cette dimension va, dès lors, être omniprésente dans les débats {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.451-452}.
La fixation définitive de la frontière linguistique (1962)
Différents éléments vont concourir à la fixation de la frontière linguistique.
La loi du 24/7/1961 va consacrer la suppression des questions linguistiques relatives à l’usage des langues dans les formulaires du recensement général de la population. Cette mesure va viser à limiter l’extension de la “tache d’huile” francophone constituée par l’agglomération de Bruxelles aux communes périphériques flamandes. En effet, avant cette législation, la règle était la modification de la frontière linguistique en fonction de la langue parlée par la majorité des habitants de la commune. C’est ainsi qu’en 1954 (en application des résultats du recensement de 1947), le nombre de communes officiellement bilingues (constituant l’agglomération bruxelloise) était passé de 16 à 19 (avec l’arrivée de Berchem-Ste-Agathe, Ganshoren et Evere).
La loi du 8/11/1962 modifiant les limites des provinces, arrondissements et communes (et modifiant la loi du 28/6/1936 sur l’emploi des langues en matière administrative) va fixer un nouveau tracé de la frontière linguistique et réaliser l’homogénéité linguistique des provinces {Sauf celle du Brabant.} et arrondissements administratifs. Cette homogénéisation va s’opérer par le transfert de communes, quartiers et hameaux. Mouscron et Comines vont passer de la province de Flandre occidentale au Hainaut, les Fourons vont, eux, passer de la province de Liège vers le Limbourg. Ce dernier transfert va entraîner, durant de nombreuses années, de fréquentes tensions politiques (pouvant conduire jusqu’à la chute du gouvernement), la majorité de la population locale y étant hostile.
La législation linguistique de 1962-63 va consacrer le principe de l’unilinguisme régional: le néerlandais en Flandre, le français en Wallonie et le bilinguisme dans l’agglomération bruxelloise. Toutefois, la nouvelle législation va instituer également un régime de “facilités” {Les communes « à facilités » sont caractérisées par l’unilinguisme des services internes (l’administration travaille dans une seule langue) et un bilinguisme externe (l’administration utilise deux langues dans ses relations avec le public)} dans un certain nombre de communes de la frontière linguistique (dont 6 dans la périphérie de Bruxelles).
NB; Ce régime des “facilités” administratives accordées aux habitants francophones des 6 communes de la périphérie bruxelloise (communes où résident de nombreux francophones, majoritaires même dans certaines d’entre elles) va cependant être contesté, par la suite, du côté flamand. Ainsi, par exemple, en 1997, une circulaire du gouvernement flamand (“la circulaire Peeters“) va imposer aux francophones désireux d’obtenir de l’administration communale certains documents administratifs en français d’en faire désormais la demande à chaque démarche. La querelle des “facilités” accordées aux francophones de la périphérie bruxelloise va donc être réouverte. La thèse qui prévaut dans les milieux flamands est que ces “facilités” auraient été conçues comme limitées dans le temps, ce que contestent les francophones qui se réfèrent au texte et à l’esprit des décision de 1963 qui avaient fixé simultanément les limites de la région bilingue de Bruxelles et l’octroi des “facilités” aux francophones de ces 6 communes {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.475-476}.
La scission des partis politiques
A partir de 1961, les oppositions politiques vont fréquemment se cristalliser autour de questions linguistiques et autour de questions économiques régionales. De 1968 à 1978, les grands partis nationaux vont se scinder: il y aura la scission linguistique du parti social-chrétien en 1968 {Cette scission est consécutive à la crise de Louvain de 1966, née de l’opposition flamande à un mandement épiscopal qui, sur un ton autoritaire, annonçait l’implantation de nouveaux établissements universitaires francophones. (Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.429). Cette crise déboucha sur la scission de l’université de Louvain et la création de l’UCL (Université Catholique de Louvain à La Neuve, dans le Brabant wallon).}, du parti libéral en 1972 et des socialistes en 1978. Par ailleurs, on va voir également apparaître des partis régionaux (et communautaires) comme le “Front Démocratique des Bruxellois Francophones” (FDF).
Après 1961, ces nouveaux partis linguistiques et régionaux vont acquérir une importance électorale considérable dans toutes les régions du pays.
La fin de l’État unitaire
C’est à partir de 1970 que le processus de fédéralisation va être réellement enclenché avec la première réforme de l’Etat. Elle sera suivie par d’autres. Au total, à ce jour, 6 réformes de l’État (c’est à dire de la Constitution) ont été réalisées: en 1970,1980, 1988-89, 1993, 2001 et 2014.
Ce que le Mouvement flamand n’avait que difficilement pu arracher en matière de législations linguistiques, au fil des générations, va donc être considérablement complété en quelques décennies seulement {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.586}.
NB; ce processus de réformes institutionnelles doit être resitué dans une évolution plus générale. A partir de 1970, le mouvement de reconnaissance de l’autonomie des régions et des communautés va toucher d’autres pays d’Europe occidentale. L’évolution institutionnelle de l’Italie et la nouvelle Constitution espagnole de 1978 en sont des exemples. Mais, on peut même en trouver, à d’autres niveaux, dans l’évolution des institutions de la Grande-Bretagne et de la France {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.452-453.}
Au niveau sociétal
D’autres événements ont également marqué la société de cette époque, dans des registres très différents. Parmi ceux-ci :
La grève des ouvrières de la Fabrique Nationale d’armes (1966) {Coenen (M.T.), 1966. Grève des ouvrières de la FN[], à Herstal}
Le 16 février 1966, 3000 ouvrières de la Fabrique nationale d’armes de guerre (la FN) à Herstal vont arrêter le travail. Elles réclament une augmentation de 5 francs et l’application du principe “A travail égal, salaire égal“. Cette grève de femmes durera 12 semaines atteignant ainsi une ampleur exceptionnelle dans les annales ouvrières.
Le Traité de Rome adopté en 1957 (voir fiche “La Belgique et la construction européenne” ), obligeait les six pays membres à respecter dans un délai de 5 ans, le principe de l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes pour un même travail (article 119). Or, en Belgique, en 1966, même si les écarts entre les salaires minimum masculin et féminin tendaient progressivement à se réduire, l’égalité était loin d’être acquise.
Les négociations salariales y relèvent des secteurs professionnels. La Fabrique nationale d’armes relève de la commission paritaire des fabrications métalliques où le rattrapage des salaires féminins se négocie petit pas par petit pas.
La FN qui possédait sa propre échelle de salaires disait ne faire aucune distinction entre les hommes et les femmes. Mais, la réalité était toute autre. Seuls une centaine de postes (les polisseuses et les graveuses), sur les 3.500 postes féminins, étaient mixtes. De plus, les compétences féminines étaient systématiquement sous-évaluées. Les ouvrières étaient exclues de toutes possibilités de promotion interne. Les “femmes- machines” et les jeunes garçons étaient les seuls à être payés à la production. Ce système de calcul engendrait un stress et une pénibilité accrus.
Par ailleurs, la direction souhaitait attendre la conclusion de l’accord national avant de commencer ses propres négociations internes. Lasses d’attendre, les ouvrières vont décider, le 16 février 1966, de débrayer. Toutes les négociations tant au niveau national qu’au niveau de l’entreprise, vont être suspendues.
A l’usine, quasiment tous les secteurs dépendaient du travail des “femmes-machines“. Aussi, dès le début du conflit, 1000 hommes vont être mis au chômage technique, faute de pièces. A la fin de la grève, ce chômage va toucher plus de 5000 travailleurs masculins, situation délicate qui va peser sur le mouvement.
La grève des femmes de la FN va faire des émules dans d’autres entreprises de la région: les femmes des ACEC, les travailleuses de Schreder, de Jaspar-Westinghouse à Awans-Bierset arrêtent le travail et se déclarent solidaires pour l’application du principe: A travail égal, salaire égal.
Après 12 semaines de grève, les ouvrières vont décider de reprendre le travail. Des 5 francs revendiqués, les femmes vont en obtenir la moitié.
En prenant comme référence l’article 119 du Traité de Rome, les ouvrières de la FN vont donner à cette grève, une envergure toute autre que celle d’une simple lutte locale pour des améliorations salariales. C’est le droit européen qui est, pour la première fois, évoqué. Ce fait confère un retentissement international au mouvement. Les femmes de Belgique et d’Europe sont solidaires en paroles et en actes avec les travailleuses de la FN. Leur combat pour l’égalité devient celui de toutes les femmes en Europe. Dans le sillage de cette grève, le Parlement européen va convoquer une réunion extraordinaire de la commission sociale pour évaluer l’application de l’article 119. Au niveau de la politique belge, cette grève va accélérer la publication de l’arrêté royal de 1967 sur le travail des femmes qui ouvre une possibilité d’action en justice.
Ainsi, si la grève des ouvrières de la FN appartient au registre des luttes sociales, elle constitue aussi, de par sa revendication à l’égalité salariale, une étape importante dans l’histoire de l’émancipation des femmes en Belgique.
Des événements violents au cours des années 1980
Les années 1980 vont être marquées par des actes de violence.
Les Tueries du Brabant (1982-1985)
Entre 1982 et 1985, une série de crimes et plus spécialement de braquages sanglants vont avoir lieu principalement dans la province de Brabant. Ils vont s’arrêter brusquement sans que leurs auteurs n’aient été identifiés, à ce jour.
Un commando de 5 à 8 hommes, dotés d’armes de guerre va tuer, sur son passage, sans raison apparente, des hommes, des femmes et des enfants. Il y aura 28 morts et une dizaine de blessés. Ces attaques vont viser principalement des supermarchés. La dernière attaque sera particulièrement meurtrière. Huit personnes vont y perdre la vie.
Ces événements vont profondément marquer la population et susciter une angoisse collective.
Les attentats des Cellules communistes Combattantes (1984-1985)
D’octobre 1984 à décembre 1985, les Cellules communistes Combattantes (CCC), organisation belge d’extrême gauche, vont commettre 25 attentats à la bombe.
Les attaques des CCC vont cibler ceux qu’ils appellent des symboles du système capitaliste, de l’impérialisme américain et de l’État belge: des entreprises impliquées dans la production de matériel militaire, les sièges ou locaux de partis politiques gouvernementaux, des infrastructures militaires belges, de la gendarmerie et de l’OTAN, des sièges du patronat belge et des banques. Les CCC agissent sur l’ensemble du territoire belge. Le 11 décembre 1984, ils vont organiser une opération de grande envergure contre les oléoducs de l’OTAN traversant la Wallonie.
Le 1er mai 1985, deux pompiers vont être tués lors de l’explosion d’une camionnette placée aux pieds du siège du patronat belge, dans le centre de Bruxelles. Organisant minutieusement leurs attentats pour éviter un tel drame, les CCC vont accuser alors la gendarmerie de dysfonctionnement, dysfonctionnement qui aurait, selon eux, causé la mort des deux pompiers.
Les membres des CCC seront arrêtés à la fin de 1985.
Les CCC ont eu des contacts avec des membres de la Fraction armée rouge (RAF) allemande et du groupe français Action directe (AD), groupes d’extrême gauche actifs (au même titre que les Brigades rouges en Italie) durant ce qu’on va appeler, en Europe, “les années de plomb”. Il s’agit d’ une période allant globalement de la fin des années 1960 à la fin des années 1980 qui se caractérise par la montée, dans l’ensemble des pays d’Europe de l’ouest, d’un activisme politique violent, pratiquant souvent la lutte armée (attentats politiques), tant à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite.
L’indépendance du Rwanda et du Burundi
Après la Seconde Guerre mondiale, les mouvements de décolonisation vont atteindre le Ruanda-Urundi qui, comparativement au Congo belge, est très structuré autour d’une hiérarchie traditionnelle qui a été préservée.
Le changement d’attitude de l’Église catholique
Dans les années cinquante, le climat politique et social va se détériorer et l’Église (qui détient le monopole de l’enseignement) va commencer à favoriser la production d’une contre-élite hutue, sous l’influence de plusieurs facteurs.
D’une part, le contrôle de l’Église commence à échapper lentement aux Blancs. En 1951, il y a autant de prêtres noirs que de blancs et le clergé indigène est presque exclusivement “tutsi”. Plus instruits que les Hutus, les Tutsis vont être les premiers à s’emparer des idées d’égalité raciale, d’autonomie puis d’indépendance. D’où un rapprochement paradoxal des aristocrates tutsis avec les pays communistes.
D’autre part, au même moment, l’Église va traverser une mutation importante qui correspond à un changement social dans le recrutement des missionnaires. Les premiers dirigeants de l’Église, originaires de la haute société, défendant des idées très conservatrices et majoritairement francophones vont être remplacés par des prêtres d’origine sociale plus modeste et majoritairement flamands. Ces derniers sont ouverts aux idées du christianisme social et sensibles aux inégalités. Sans sympathie pour les aristocrates tutsis, ils tendent à s’identifier aux Hutus opprimés. Cela va entraîner une évolution capitale: ils vont cesser de soutenir les Tutsis et promouvoir les Hutus {Medard (J-F), Rwanda, Burundi: les racines de la violence, L’Afrique en direct}.
La dynamique d’indépendance au Rwanda {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: rwanda}
Plus instruite et s’estimant apte à diriger la pays, l’élite tutsie va en venir à souhaiter le départ des Belges. Se sentant trahis par l’élite tutsie devenue anti-colonialiste, le pouvoir colonial et l’Église catholique vont décider de favoriser les Hutus.
En 1956, des élections vont être organisées pour la première fois sur la base du suffrage universel (masculin), pour élire des conseillers de sous-chefferies. Des Hutus (appuyés par des Européens et certains Tutsis) vont demander à être représentés – de façon séparée – au Conseil de gouvernement général (qui ne comprenait que des Tutsis). Le Mwami (roi) va refuser, arguant qu’il n’y a pas de différence entre Tutsis et Hutus.
Le 24 mars 1957, va paraître le “Manifeste des Bahutus”, long texte s’attaquant au système donnant la suprématie politique et sociale aux Tutsis: parmi les neuf signataires, G. Kayibanda, futur Président de la République. Parmi de nombreuses revendications, les signataires s’opposent à la suppression des cartes d’identité ethnique, suppression qui masquerait le “monopole tutsi” qui existe de fait {Les deux paragraphes précédents sont extraits de: Vidal (C), Les relations entre Hutus et Tutsis de 1750 à 1973: période précoloniale, colonisation et indépendance[],’ première République }.
En 1959, on va voir la naissance de différents partis parmi lesquels un parti monarchiste tutsi, l’Union nationale rwandaise (UNAR), qui réclame au Conseil de Tutelle de l’ONU {Pour rappel, les territoires de Ruanda-Urundi étaient des « territoires sous mandat » qui, au lendemain de la première guerre mondiale, avaient été confiés à la Belgique par la Société des Nations (ancêtre de l’ONU).} l’indépendance immédiate et une formation ethnique hutu, le Parmehutu (parti du Mouvement pour l’émancipation des Bahutus), qui demande que l’indépendance soit retardée et organisée par le colonisateur. Ce parti dénonce une double colonisation: celle des Belges, mais aussi, antérieurement, celle des Tutsis et demande à la Tutelle de les débarrasser de cette première colonisation qu’il juge inacceptable {DE HEUSCH (L), Tutsis, Hutus et Histoire, République n°23-24, octobre-novembre 1994, la revue toudi.org}.
En juillet 1959, suite à la mort du mwami (Roi) Mutara III, les milieux les plus traditionalistes (sans consultation du Vice-gouverneur général) vont introniser Kigeli V, partisan de la fermeté dans la défense des privilèges de l’aristocratie tutsie. Ceci va contribuer à faire monter encore plus la tension.
Le 1er novembre 1959, suite au molestage d’un sous-chef hutu par des Tutsis, des émeutiers coordonnés par le Parmehutu vont brûler des milliers d’enclos tutsis ; en rétorsion, des jeunes proches de l’Unar vont assassiner des militants hutus {universalis.fr – RWANDA – l’évolution politique depuis ‘indépendance}. Cette révolte va entraîner la mort de centaines de Tutsis et le départ en exil (en Ouganda,Tanzanie et au Congo) de milliers de Tutsis, mais aussi de certains Hutus.
Le pays va être placé sous un régime militaire, géré par le colonel Guy Logiest nommé Résident spécial. Il va remplacer la moitié des autorités locales tutsies par des Hutus et organiser des élections communales en juin 1960. Celles-ci vont donner une majorité écrasante (70,4%) au Parmehutu.
Cette victoire électorale va amener les autorités belges à déposer le mwami (Roi) Kigeri V en décembre 1960 {Voir larousse.fr – Rwanda}.
Les partis hutus vont réclamer des élections législatives, mais l’ONU (20.12.1960) va les renvoyer à une date ultérieure.
Le 23 janvier 1961, afin de calmer l’effervescence que va susciter cette décision de l’ONU, le résident général Harroy va accorder le régime d’autonomie interne et en conférer les pouvoirs au Conseil et au Gouvernement provisoire du Rwanda (dont la composition va refléter le score électoral des différents partis) {Vidal (C), Les relations entre Hutus et Tutsis de 1750 à 1973: période précoloniale, colonisation et indépendance[],’ première République }.
Le 28 janvier 1961, à Gitarama (au centre du pays), Grégoire Kayibanda, chef du gouvernement autonome créé en octobre 1960, fait proclamer (avec l’accord du colonel Logiest) la République par les nouveaux bourgmestres élus. Les élections législatives {Au suffrage universel masculin et féminin} (où le Parmehutu va recueillir 78 % des voix) et le référendum de septembre 1961 (qui va rejeter, par 80 % des voix, la monarchie tutsie) vont entériner le changement de régime et la prise de pouvoir du Parmehutu. Le 26 octobre 1961, Grégoire Kayibanda, “Hutu du Centre”, va être élu président de la République et ce, avant même l’indépendance, qui ne va intervenir que le 1er juillet 1962, avec l’accord de l’O.N.U. La “démocratie instaurée est celle des 85% de Hutus” {universalis.fr – RWANDA – l’evolution politique depuis ‘independance}.
Près de la moitié des Tutsis (environ 150 000) vont fuir dans les pays voisins pour échapper aux violences. La mention de leur “ethnie” étant spécifiée sur leurs papiers d’identité, ceux qui vont rester dans le pays vont devenir les boucs émissaires à chaque difficulté du régime.
La dynamique d’indépendance au Burundi
Les premiers partis politiques apparaissent en 1958. On en comptera 25 lors des élections de 1961.
Le premier est l’Uprona (Unité pour le progrès national), parti fondé par le fils aîné du Mwami (Roi) Mwambutsa IV, le prince Rwagasore. Il s’agit d’un parti politique nationaliste qui, bien qu’étant à majorité Tutsi, va être également soutenu par des Hutus pendant les premières années de son existence. L’Uprona n’est pas un parti ethnique.
Au contraire de l’Uprona, d’autres partis vont jouer davantage la carte ethnique comme l’UPROHUTU (“hutisant”) ou le Parti Démocrate Chrétien (PDC pro-tutsi) qui est soutenu par les intérêts belges.
Lors du premier congrès de l’UPRONA, en mars 1960, Louis Rwagasore va réclamer l’indépendance totale du Burundi et inciter la population à boycotter les magasins belges et à refuser de payer ses impôts.
Le 18 septembre 1961 vont avoir lieu des élections législatives sous la supervision de l’ONU. L’UPRONA va remporter une large victoire. Louis Rwagasore va devenir Premier Ministre, le 29 septembre 1961. Les résultats de ces élections montrent combien, à cette époque-là, la “conscience ethnique” n’est pas intervenue dans le choix de l’électeur.
Louis Rwagasore ne va toutefois occuper que brièvement le poste de Premier ministre puisqu’il sera assassiné le 13 octobre 1961 par un tueur à gages grec à la demande du leader du PDC. Le tueur sera fusillé, par les autorités belges, la veille de la proclamation de l’indépendance {De peur des troubles qu’une grâce aurait pu provoquer, le ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak va demander au Roi Baudouin de refuser la commutation de la peine de mort en prison à perpétuité. Pour plus d’informations concernant l’histoire de la peine de mort en Belgique, voir la fiche ” Histoire de l’immigration en Belgique au regard des politiques menées “.}. Le leader du PDC et deux de ses fils seront, quant à eux, pendus après l’indépendance, en 1963.
Aucune suite n’a été donnée aux témoignages qui auraient pu conduire à une mise en cause de la tutelle belge dans l’assassinat du “Lumumba burundais“. Toutefois, au vu de certains documents, il semblerait que des fonctionnaires belges hauts placés y aient joué un rôle {Assassinat du “Lumumba burundais”: des documents accablants sur le rôle de la Belgique , Le Vif, 9 janvier 2013}.
Avec la mort du prince Rwagasore, considéré par tous les Burundais comme le symbole de l’unité, le “poison ethnique” va progressivement gagner le Burundi devenu indépendant le 1er Juillet 1962.
La Belgique: un membre-fondateur de nombreuses organisations internationales
Après la deuxième guerre mondiale, la Belgique va abandonner une partie de sa souveraineté nationale au profit d’organes supranationaux.
Sa dimension, sa situation géopolitique et son système politique vont déterminer son type de relations extérieures.
Dans sa doctrine officielle, la Belgique estime que son rôle, ses initiatives, sa liberté sont loin d’être négligeables en politiques étrangère, si plusieurs conditions sont remplies, à savoir {Ce qui suit est extrait de Mabille (X),Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.271-273}:
- être membre actif de communautés ou d’ententes qui se disent fondées sur des règles de coopération multilatérale et non sur des situations de domination ;
- pratiquer à l’intérieur de ces organismes une diplomatie de la relation et de la concertation qui, parfois, peut donner aux représentants belges une position relativement forte, à la fois par la permanence de fonction dans le chef de ses représentants, par le capital-relations et l’audience qu’ils peuvent y acquérir et par la connaissance qu’ils ont des possibilités d’initiative réaliste.
- ne pas se trouver, si possible, en position de demandeur {Il n’empêche cependant que les plans sidérurgiques, agricoles et textiles vont placer la Belgique en situation de demandeur.} constant sur des intérêts particuliers d’ordre économique, militaire ou budgétaire, ou encore sur des sollicitations d’appui diplomatiques {Comme ce fut le cas en 1960-63 pour le Congo et l’affaire katangaise. Voir fiche “ La Belgique et l’indépendance du Congo“}.
- intervenir par des propositions raisonnables mais sans gaspiller son crédit par une multiplication d’initiatives à tout propos.
En termes plus généraux, on peut dire que la doctrine insiste sur la nécessité de veiller au respect des règles et des processus de concertation, spécialement au sein de l’Union européenne et de l’OTAN, excluant théoriquement toute formule de directoire des “Grands”.
Pour être capable d’avoir de l’influence, la Belgique se doit d’être reconnue comme membre loyal de l’organisation en cause. Ainsi, au sein de l’Union européenne, la Belgique se bat rarement avec âpreté pour la défense d’intérêts spécifiques particuliers. Sa loyauté est la clé pour avoir une influence allant au-delà de sa dimension et de son poids réel.
1944: Membre fondateur du Benelux {benelux.int}
En 1943, en exil à Londres, les gouvernements de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg signent la Convention monétaire Benelux dont l’objectif est de réglementer les transactions et renforcer les relations économiques.
En 1944, ils signent la Convention douanière qui a pour but de créer une communauté tarifaire. C’est en 1948 que l’Union douanière sera mise en œuvre. Son objectif est de supprimer des droits d’importation sur les échanges commerciaux internes au Benelux et d’instaurer un tarif extérieur commun vis-à-vis des pays tiers.
Cette union économique Benelux sera le modèle de la future intégration européenne (voir infra).
En 1953, le protocole sur la politique commerciale vise à développer une politique commune en ce qui concerne l’importation et l’exportation vers et depuis les pays tiers. L’année suivante, en 1954, les 3 pays du Benelux passent un accord sur la libre circulation des capitaux.
En 1960, le Traité Benelux (dont la durée prévue est de 50 ans) est mis en œuvre. Ses objectifs principaux sont :
- la libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services
- la coordination des politiques économiques, financières et sociales
- une politique commerciale commune aux 3 pays.
En 2006 est mis en œuvre le Traité d’intervention policière (signé en 2004) qui vise à la coopération policière au-delà des frontières (patrouiller ensemble, effectuer des contrôles, observer et poursuivre des suspects…).
En 2010 est mis en œuvre le nouveau Traité Benelux (signé en 2008). Il prévoit la poursuite de la coopération en tant que banc d’essais pour l’Europe (en matière de Marché intérieur et Union économique, de Développement durable et Justice et Affaires intérieures {Ces 3 thèmes sont traduits dans un programme de travail commun quadriennal qui sera détaillé davantage dans les plans de travail annuels.}) et l’élargissement de la coopération transfrontalière.
Si la construction européenne a certes diminué l’importance du Benelux, l’intervention commune des pays du Benelux dans le cadre de l’Union européenne leur donne un poids supérieur à celui qu’ils auraient eu individuellement {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 369}.
1945: Membre fondateur de l’Organisation des Nations Unies (ONU) {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: un.org – Histoire des Nations Unies}
En 1945, la Belgique va être un des membres fondateurs des Nations Unies.
Bref historique
Suggérée par le Président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, l’expression “Nations Unies” est apparue au cours de la Seconde guerre mondiale. Elle a été utilisée pour la première fois dans la Déclaration des Nations Unies {Le 1er janvier 1942, le Président Roosevelt (Etats-Unis), M. Winston Churchill (Grande-Bretagne), M. Maxim Litvinov (Union soviétique) et M. T. V. Soong (Chine) signaient un bref document auquel allaient adhérer, le lendemain, les représentants de 22 autres pays. Dans ce document, les gouvernements signataires s’engageaient à contribuer de la façon la plus complète à l’effort de guerre commun et à ne pas signer de paix séparée.} du 1er janvier 1942, texte par lequel les représentants de 26 pays se sont engagés à poursuivre ensemble la guerre contre les puissances de l’Axe {Le terme Axe (Forces de l’Axe, Axe Rome-Berlin-Tokyo) désigne l’ensemble des pays (Allemagne, Italie et Japon) qui se sont battus contre les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.}.
Au printemps 1945, les représentants de 50 pays se sont rencontrés lors de la Conférence de San Francisco afin d’élaborer la Charte des Nations Unies {La Charte est l’instrument constitutif de l’Organisation des Nations Unies. Elle fixe les droits et les obligations des États Membres et porte création des organes et des procédures. Convention internationale, elle codifie les grands principes des relations internationales, depuis l’égalité souveraine des États jusqu’à l’interdiction d’employer la force dans ces relations. Le Préambule de la Charte des Nations Unies exprime les idéaux et les buts communs de tous les peuples dont les gouvernements se sont réunis pour former l’Organisation des Nations Unies.}. Les propositions rédigées par les représentants de la Chine, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’URSS entre août et octobre 1944 aux États-Unis, ont servi de base à leurs travaux. La Charte fut finalement signée le 26 juin 1945 par les représentants des 50 futurs États Membres. L’Organisation des Nations Unies a été instituée le 24 octobre 1945 à la suite de la ratification de la Charte par la Chine, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’URSS et la majorité des autres pays signataires.
Article 1 de la Charte
Les buts des Nations Unies sont les suivants:
- Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin: prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l’ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;
- Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde;
- Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion;
- Être un centre où s’harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.
Fonctionnement
L’ONU se compose de six organes principaux, dont les plus importants sont l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité.
Parmi les fonctions et pouvoirs de l’Assemblée générale, il y a notamment celle de “Discuter toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales et faire des recommandations sur ces questions, sauf lorsqu’un différend ou une situation est en cours d’examen au Conseil de sécurité”. L’Assemblée ne peut adresser aux États que des recommandations sur les questions internationales relevant de sa compétence. Ces recommandations n’ont pas force exécutoire.
Le 1er Janvier 1946, à la suite de son élection, Paul-Henri Spaak, Ministre des Affaires étrangères de Belgique, deviendra le premier Président de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Le Conseil de sécurité se compose de 15 membres, dont 5 membres membres permanents – Chine, États-Unis, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni et 10 membres élus par l’Assemblée générale pour un mandat de deux ans. Chaque membre du Conseil de sécurité dispose d’une voix. Les décisions de procédure sont prises par un vote affirmatif de 9 au moins des 15 membres. Les décisions sur les questions de fond sont prises par un vote affirmatif de neuf membres également, parmi lesquels doivent figurer les cinq membres permanents. C’est la règle de l’ “unanimité des grandes puissances“, souvent appelée droit de veto. Si un membre permanent est opposé à une décision, il peut voter contre, ce qui revient à opposer son veto. Les cinq membres permanents du Conseil ont tous exercé un jour ou l’autre leur droit de veto. Si un membre permanent n’est pas entièrement favorable à une décision mais ne souhaite pas pour autant s’y opposer, il peut s’abstenir.
Aux termes de la Charte, tous les Membres de l’ONU acceptent et appliquent les décisions du Conseil. Alors que les autres organes de l’Organisation n’adressent aux gouvernements que des recommandations, le Conseil est le seul à pouvoir prendre des décisions que les membres sont tenus d’appliquer, conformément à la Charte.
En pratique, l’Organisation des Nations Unies se heurte à de nombreuses difficultés au niveau international. Ne disposant pas du droit d’ingérence (comme le stipule la Charte des Nations Unies), il lui est difficile de protéger un peuple dans un pays en conflit. De plus, elle bénéficie rarement de l’aide des pays membres lorsque ceux-ci ne trouvent pas leur intérêt dans une situation. Même si ses missions humanitaires ont permis d’améliorer les conditions de vie de certaines populations, l’ONU a encore du chemin à parcourir avant d’assurer de façon permanente et légitime son rôle initial.
Le système des Nations Unies comprend principalement {France diplomatie, Les autres institutions spécialisées, agences, fonds et programmes} :
- des fonds et des programmes (ex. l’UNICEF ou le PNUD), institués par l’Assemblée Générale des Nations Unies afin d’avoir une action opérationnelle dans un domaine particulier et financés essentiellement par des contributions volontaires. Les Directeurs de ces fonds ou programmes sont nommés par le Secrétaire général des Nations Unies. Cependant l’action des fonds/programmes est orientée et contrôlée par un conseil d’administration intergouvernemental dont la composition leur est propre ;
- des institutions spécialisées au nombre de 15, qui sont des organisations intergouvernementales autonomes créées par une convention internationale, financées majoritairement par des contributions obligatoires. Elles ont un budget et un organe directeur intergouvernemental propres qui fixent leurs normes et principes.
Parmi celles-ci, on trouve notamment: l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Fonds Monétaire International (FMI), le Groupe de la Banque mondiale, l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) {Pour plus d’informations, voir: Institutions spécialiséesl} …
1948: Membre fondateur de l’Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE)
Au lendemain de la guerre, la Belgique va accepter l’aide économique des États-Unis {Notons que la première réaction belge au plan Marshall n’est pas enthousiaste dans la mesure où l’économie belge, grâce à un redressement spectaculaire, n’a pas besoin d’une aide américaine. Dans le Dictionnaire historique de l’Europe unie} (auprès desquels, comme d’autres pays alliés de l’Europe occidentale, elle avait contracté des dettes {A la fin de 1944, la dette avait plus que triplé par rapport à son niveau d’avant-guerre. Alain Trosch, «La dette des pouvoirs publics», Pyramides [En ligne], 8}) dans le cadre du “Plan Marshall“ {Secrétaire d’État (ou ministre des Affaires étrangères) dans le gouvernement du président Harry Truman, George C. Marshall veut aider l’Europe (y compris l’URSS) à se remettre sur pied au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le facteur déclenchant du plan est la Grèce, victime d’une violente guerre civile entre communistes et libéraux et menacée de tomber sous la coupe des premiers. Le 12 mars 1947, dans un discours devant le Congrès américain, le président Truman proclame sa volonté de l’aider «à sauvegarder son régime démocratique». Trois mois plus tard, son Secrétaire d’État offre aux Grecs et à l’ensemble des Européens les moyens de lutter «contre la famine, le désespoir et le chaos». 16 pays acceptent en définitive l’aide américaine: Autriche, Belgique, Danemark, Irlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède, Suisse et Turquie (en fait, tous les pays qui ont échappé en 1945 à l’occupation soviétique). En 1949, ils sont rejoints par la République fédérale allemande (RFA). Étalé sur 4 ans, jusqu’en 1952, le plan Marshall se traduit par un total de 13 milliards de dollars de prêts ou de dons, en argent ou en nature: tracteurs, biens d’équipement… [l’équivalent d’environ 170 milliards de dollars d’aujourd’hui (2007)]. Dans les pays qui ont déjà une structure sociale solide et une population bien formée, l’aide américaine s’avère d’un profit immédiat. Elle relance l’investissement et la consommation et retentit sur l’économie américaine en favorisant les exportations de celle-ci vers le Vieux Continent. voir: herodote.net – Le plan Marshall} (1947) et va adhérer au “bloc occidental”. Cette décision va entraîner (comme ce sera aussi le cas dans d’autres pays) le départ des communistes du gouvernement.
Ce plan proposait aux Etats européens de prolonger et d’accroître l’aide économique nord-américaine qui avait revêtu différentes formes dès la fin de la guerre. Toutefois, ils y mettaient une condition: les Etats bénéficiaires devaient participer à une institution chargée de la gestion collective de l’aide et de l’élaboration d’un programme de reconstruction européenne {Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.16}.
L’Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE) va ainsi être créée le 16 avril 1948 à Paris. Outre la répartition de l’aide américaine, l’OECE va aussi s’employer notamment à la coordination des politiques nationales, à la poursuite de la libéralisation des échanges. Elle va permettre l’acquisition de matériel et de marchandises à bon marché dans la zone dollar et l’obtention de crédits pour les grands travaux. La Belgique, comme d’autres pays européens va donc pouvoir réparer les dégâts causés par la guerre et jeter les fondements de son expansion économique. En septembre 1961, l’OECE va être remplacée par l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), organisation mondiale {En 1961, l’OCDE se composait des pays européens Membres originaires de l’OECE plus les Etats-Unis et le Canada. La liste des pays Membres n’a cessé de s’allonger au fil des ans et l’Organisation compte aujourd’hui 34 pays Membres.} dont la mission est de renforcer l’économie de ses pays Membres, d’en améliorer l’efficacité, de promouvoir l’économie de marché, de développer le libre-échange et de contribuer à la croissance des pays aussi bien industrialisés qu’en développement {Voir Histoire de l’OCDE}.
1948: Membre fondateur de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO)
En mars 1948, le Traité de Bruxelles va jeter les bases (conformément aux vœux du gouvernement américain) d’une alliance militaire ouest européenne (l’Union Occidentale) réunissant la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Grande-Bretagne et la France.
En octobre 1954, l’Union Occidentale deviendra l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) et verra l’adhésion de deux nouveaux membres: l’Allemagne fédérale et l’Italie. L’UEO sera conçue comme un relais entre les Etats européens et l’OTAN {Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.32} (voir infra). Elle va perdurer jusqu’au 30 juin 2011, date à laquelle elle va cesser d’exister en tant qu’organisation internationale fondée sur un traité {weu.int}.
1949: Membre fondateur du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN)
L’Union occidentale n’étant guère crédible face à une menace soviétique, en terme d’effectifs mobilisables, il va être nécessaire d’élargir le nombre d’États participants à la défense occidentale. Après le “Coup de Prague” {Nom donné à la prise de contrôle de la Tchécoslovaquie en février 1948 par le Parti communiste tchécoslovaque, avec le soutien de l’Union soviétique.} et le “Blocus de Berlin” {Le 24 juin 1948, à l’issue d’une longue dégradation des relations entre les quatre occupants de l’Allemagne, l’Union soviétique bloque les voies d’accès terrestre à Berlin-Ouest. Commence alors le « blocus de Berlin », qui dure jusqu’au 12 mai 1949. Pour empêcher la ville de tomber dans l’escarcelle soviétique, les États-Unis et leurs alliés mettent en place un gigantesque pont aérien qui lui permet de résister et de continuer à vivre.} (1948), les Etats-Unis vont ouvrir des négociations en vue de renforcer le système de sécurité européen. Le Traité de l’Atlantique Nord est signé à Washington le 4 avril 1949 par les 5 Etats membres de l’Union Occidentale auxquels se joignent les Etats-Unis, le Canada, le Danemark, l’Islande, l’Italie, la Norvège et le Portugal {Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.18-19}.
L’adhésion à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) va entraîner immédiatement, pour la Belgique, un certain nombre d’obligations (constitution de stocks militaires dont des armes nucléaires (depuis 1963) {En vertu de traités bilatéraux conclus avec les Etats-Unis, la Belgique accueille sur son territoire des armes nucléaires, entreposées dans la base de Kleine Brogel. Le nombre de celles-ci est classé “secret défense”. Officiellement, le gouvernement belge ne confirme ni ne dément la présence de ces armes. S’il la confirmait, il devrait faire face à des citoyens (et électeurs) majoritairement hostiles à l’entreposage des bombes atomiques. Et si la Belgique démentait détenir ces armes nucléaires, elle irriterait ses alliés de l’Otan. Ceux-ci participent également au programme nucléaire militaire de l’organisation et, à ce titre, accueillent aussi des armes atomiques sur leur territoire. Dans Galloy (P), Mahoux veut éliminer les armes nucléaires de Belgique, La Libre Belgique, 27/07/2009 La Belgique est un des cinq pays de l’OTAN à accueillir sur son sol un arsenal d’armes nucléaires, d’après le GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité). La France et le Royaume-Uni ne sont donc pas les seules puissances nucléaires en Europe. Cinq autres pays de l’OTAN (Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Turquie) accueillaient en 2008 un arsenal nucléaire estimé à 240 bombes B-61 au sein de bases nationales (comme Kleine-Brogel en Belgique) ou de bases appartenant aux Etats-Unis. Selon la Federation of American Scientists, il y en aurait 20 à Kleine-Brogel. Reliques de la Guerre froide, ces forces nucléaires devaient originellement faire face à la supériorité des troupes conventionnelles du pacte de Varsovie. De plus de 7.000 armes nucléaires tactiques, réparties dans une dizaine d’États européens au milieu des années 1970, l’arsenal n’a cessé de diminuer, à la suite de l’éclatement de l’URSS, pour parvenir au chiffre de 350 armes en 2007, selon le GRIP. Dans Belga, la Belgique, un des 5 pays de l’OTAN, à accueillir des armes nucléaires américaines, La Libre Belgique, 27/07/2009}, aménagement de bases militaires, investissement en armements…).
L’OTAN va s’installer à Bruxelles en 1966 après que la France l’ait contrainte à quitter Paris {La France, qui disposait de ses propres bombes atomiques, voulait être militairement aussi autonome que possible (tout en restant membre de l’OTAN).}. La présence de l’OTAN et du SHAPE (quartier général militaire de l’OTAN) en Belgique va avoir des aspects négatifs (en cas de guerre, la Belgique devient un des premiers objectifs militaires) mais aussi positifs pour l’économie et la place de la Belgique dans le monde.
L’ancien premier ministre et ministre des affaires étrangères belge, Paul-Henri Spaak, sera Secrétaire général de l’OTAN de 1956 à 1961.
Quelques années plus tard, en 1969, le Ministre belge des Affaires étrangères de l’époque, Pierre Harmel va établir un rapport qui va emporter l’adhésion des autres gouvernements européens et va même être accueilli plutôt favorablement par les Etats-Unis. On va parler de la “doctrine Harmel». Soucieux de sécurité et d’accroître le rôle de l’Europe au sein de l’OTAN, P. Harmel veut jeter les bases, au moyens de contacts bilatéraux et multilatéraux, d’un rapprochement inter-européen entre “l’Est” et “l’Ouest”. En renouant, en 1969, le dialogue avec “l’Est”, il va préparer le terrain pour le Pacte de non agression germano-soviétique de 1970 et prouver qu’un petit pays peut jouer un rôle de médiateur dans les relations internationales {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p.362-363}.
1949: Membre fondateur du Conseil de l’Europe
Objectif poursuivi
En 1949, le Conseil de l’Europe va se constituer à Strasbourg (France). La Belgique est un de ses membres fondateurs. Le but premier du Conseil de l’Europe est de créer sur tout le continent européen un espace démocratique et juridique commun, en veillant au respect de valeurs fondamentales: les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit. Le Comité des Ministres est l’instance de décision du Conseil de l’Europe. Il est composé des ministres des Affaires étrangères de tous les Etats membres (47 à ce jour), ou de leurs représentants permanents à Strasbourg. Gardien, avec l’Assemblée parlementaire, des valeurs qui fondent l’existence du Conseil de l’Europe, il est enfin investi d’une mission de suivi du respect des engagements pris par les Etats membres. Il ne peut cependant imposer de décisions contraignantes.
La Convention européenne des droits de l’homme
En 1950, les membres du Conseil de l’Europe vont adopter la Convention européenne des droits de l’homme. Il s’agit d’un traité international en vertu duquel les États membres du Conseil de l’Europe garantissent les droits fondamentaux, civils et politiques, non seulement à leur ressortissants, mais aussi à toutes les personnes relevant de leur juridiction.
La Convention européenne des droits de l’homme qui va entrer en vigueur le 3 septembre 1953 réalise, pour la première fois, dans le domaine des droits de l’Homme et au niveau inter-étatique, la conjonction de l’éthique et du pouvoir :
- L’éthique: de par la prise de conscience par la société concernée de la nécessité de la reconnaissance de droits fondamentaux à l’individu
- Le pouvoir: de par l’existence de mécanismes de contrôle et de sanction, juridictionnels et exécutifs qui seuls donnent aux droits formellement proclamés un caractère véritablement juridique et non pas seulement moral.
En général, au niveau international, l’éthique semble bien souvent précéder le pouvoir. Même si certaines normes sont ressenties au niveau international comme fondamentales, l’absence de juridiction internationale obligatoire, l’absence d’une véritable fonction qui sanctionne ne permet guère, en pratique d’assurer la suprématie des normes considérées comme fondamentales. L’exemple, par excellence, est la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.
Au contraire de celle-ci, la Convention européenne des droits de l’homme institue des mécanismes de contrôle et de sanction. Ainsi, l’originalité de la Convention est moins dans les droits garantis que dans la garantie des droits. Toute personne dont les droits et libertés reconnus ont été violés a le droit à un recours effectif devant une instance internationale: La Cour européenne des droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l’homme
Cette juridiction internationale, instituée en 1959 à Strasbourg (France), est donc compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme. Depuis 1998, la Cour siège en permanence et peut être saisie directement par les particuliers. En un peu plus d’un demi-siècle, la Cour a rendu plus de 17000 arrêts [https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Facts_Figures_2014_FRA]. Ses arrêts, qui sont obligatoires pour les États concernés, conduisent les gouvernements à modifier leur législation et leur pratique administrative dans de nombreux domaines {Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.203-207}.
1951: Membre fondateur de la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier (CECA)
En 1951, la Belgique va être un des pays fondateurs de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), l’ancêtre de l’actuelle Union européenne.
Voir fiche “La Belgique et la construction européenne“