Musique
Les disciples de César Franck
L’influence de César Franck, une des grandes figures de la vie musicale de la seconde partie du 19e siècle, va être déterminante notamment pour la musique de chambre dont il a été le rénovateur.
Eugène Isaÿe (1858-1931)
Il est l’un des plus grands violonistes de son temps. Il va se vouer avec passion à la défense des œuvres de chambre écrites à son intention par différents compositeurs belges: César Franck, Guillaume Lekeu, Joseph Jongen et Victor Vreuls. Il a joué un rôle essentiel au sein de l’école belge de violon en assurant la transition du romantisme vers le 20e siècle.
Guillaume Lekeu (1870-1894)
Il composera, durant sa courte vie, une cinquantaine de partitions. Son œuvre est influencée par César Franck, dont il sera l’élève, mais aussi par Beethoven et Wagner.
Joseph Jongen (1873-1953)
Il restera attaché toute sa vie tant à l’idéalisation de la matière sonore qu’aux formes très construites. Le fond de son écriture orchestrale fera toujours référence aux modèles symphoniques de César Franck. Jongen sera l’auteur d’une œuvre très vaste, abordant tous les genres. Il composera des pièces pour orchestre (symphonie, pièces symphoniques, concerto pour piano, etc…), de la musique de chambre (quatuors pour cordes ou clavier ou saxophone, quintettes à vent, sonate pour violon, etc…), des œuvres pour orgue, pour harmonium, des œuvres chorales, des mélodies, et une messe.
Victor Vreuls (1876-1944)
Il va être l’auteur d’opéras, de pièces symphoniques, de mélodies et de musique de chambre (qui occupe une place importante dans son œuvre). Il va être inspiré, à plusieurs reprises, par la poésie du terroir (“En Ardenne”, “Gerbe ardennaise“). Il va rester fidèle aux traditions les plus pures de l’école de César Franck (ligne mélodique ample et développée, amour de la forme cyclique…) et ne va s’écarter que très peu des formes romantiques dans lesquelles il va trouver toute sa force expressive {jmomusique – Victor Vreuls}.
Création du Concours musical Reine Élisabeth
Le concours musical international Reine-Élisabeth-de-Belgique (CMIREB) est un concours destiné à récompenser des violonistes, pianistes et chanteurs, ainsi que des compositeurs.
Il est, depuis sa fondation, considéré dans le monde entier comme un des plus prestigieux, mais aussi un des plus exigeants qui soient. Les lauréats sont souvent assurés de faire une brillante carrière de soliste.
On doit sa création à la reine Élisabeth (femme du roi Albert Ier), elle-même excellente violoniste, qui décida de créer en 1937, à l’instigation du célèbre violoniste Eugène Ysaÿe (voir ci-dessus), un concours pour aider les jeunes interprètes (de moins de 30 ans) à se faire connaître.
Eugène Ysaÿe avait, dès les années 1900, des idées bien arrêtées sur ce que devrait être un concours international, selon lui. Ce qu’il désirait, c’était un concours destiné à de jeunes virtuoses et qui propose un programme extrêmement large incluant de la musique contemporaine, permettant de mettre en évidence la maturité technique et artistique des candidats et de les lancer dans la carrière. Dans cette optique, il avait l’idée d’un imposé inédit, à étudier en loge sans l’aide de quiconque, et surtout pas d’un professeur: le test ultime.
Mais Eugène Ysaÿe mourra en 1931, soit 6 ans avant la première édition du concours qui, au départ, portera son nom: “Concours Ysaÿe” {Ce qui précède est extrait de: 75 ans de musique partagée Michel Stockhem, 2012 (revu janvier 2015)}. Après les éditions de 1937 (violon) et 1938 (piano), le concours va être interrompu par la seconde guerre mondiale et ne va véritablement renaître qu’en 1951, sous le nom de “Concours musical international Reine Elisabeth“.
Le rythme du concours prévoit une année consacrée au violon, une année consacrée au piano et, depuis 1988, une année consacrée au chant. Lors des sessions pianos et violons a lieu, également, le “Concours international de composition“. Appel est fait à des jeunes compositeurs pour qu’ils créent une ou deux œuvres contemporaines qui seront interprétées par les finalistes. Les œuvres retenues sont récompensées par le prix de composition.
Ce concours se distingue d’autres par son originalité.
Tout d’abord il n’y a pas de délibération du jury dans le sens habituel du terme. Chaque membre du jury s’engage en effet à ne pas discuter des prestations des candidats avec d’autres membres du jury. Les notes sont traitées de manière confidentielle et le palmarès est, après ajustement éventuel, calculé sur base de ces notes.
Ensuite, l’étude de l’œuvre inédite (ayant remporté le prix de composition), qui est imposée à tous les finalistes, se fait, sans aide extérieure, lors d’une retraite d’une semaine à la Chapelle musicale Reine Élisabeth (à Waterloo). Les candidats y entrent à raison de deux par jour, dans l’ordre du tirage au sort, et reçoivent dès leur arrivée à la Chapelle la partition de l’œuvre. Les candidats quittent la Chapelle le jour même de leur prestation en finale.
A la rencontre de quelques compositeurs de musique contemporaine
Parvenus aux confins de l’exploration harmonique et stylistique de la musique romantique, les compositeurs du début du 20e siècle vont essayer de se délier des accords classiques et faire appel à de nouveaux procédés de composition. C’est ainsi que vont apparaître la musique polytonale {La Polytonalité est un procédé de composition apparu à la fin du 19e siècle supposant la simultanéité à l’audition de deux ou plusieurs éléments musicaux appartenant chacun à une tonalité différente ou du moins se rapportant à ce concept dans un sens assez large.}, atonale {Système d’écriture qui remet en cause en profondeur les habitudes de composition traditionnelles et la théorie de la musique occidentale. Ce système eut un impact important dans l’évolution musicale au cours du 20e siècle et engendra le large courant de musique savante avant-gardiste qu’on appelle “Musique contemporaine”. Cette technique se caractérise par l’émancipation des dissonances et le rejet de toute hiérarchie tonale – hiérarchie qui est, à la base, le fondement de la grammaire musicale sur laquelle repose la musique classique et la quasi-totalité des musiques occidentales: le système tonal.} et sérielle {Ce concept englobe les musiques dont le principe de construction se fonde sur une succession rigoureusement préétablie et invariable de sons appelée série.}. Les compositeurs belges ne vont pas faire exception.
L’expression musique contemporaine désigne en général les différents courants de musique “savante” apparus après la fin de la Seconde Guerre mondiale et recherchant des voies, parfois de manière radicale, en dehors du système tonal établi depuis le 17e siècle.
André Souris (1890–1970)
André Souris va jouer un rôle essentiel dans la diffusion de la musique contemporaine en Belgique. Ses compositions, nombreuses (mais assez méconnues aujourd’hui), témoignent de l’admiration de leur auteur pour les chefs de file de la musique contemporaine autant que de son intérêt pour les musiques ancienne et populaire {Musiciens wallons – André SOURIS}.
Jean Absil (1893-1974)
Musicien au langage très personnel et cohérent, Jean Absil obtient une renommée internationale grâce au concerto imposé pour piano qu’il compose pour le “concours Eugène-Ysaÿe” de 1938 (ancêtre du “Concours Reine Élisabeth”). Compositeur rigoureux et curieux de toutes les tendances nouvelles dans l’art du son, il publie de nombreuses œuvres de musique de chambre, 175 opus, un Concerto pour violon, un Concerto pour piano; il publie aussi de très nombreux chœurs (“Alcools”, “Les chants de mort”, “Le cirque volant”, “Album à colorier”), une comédie musicale (“Le chapeau chinois”) et des œuvres symphoniques {wallonie-en-ligne.net – Jean Absil}.
Marcel Quinet (1915-1986)
Dans son œuvre créatrice, Marcel Quinet {Musiciens wallons: Marcel QUINET} assimile les nouveautés les plus radicales et les intègre à son expression propre. Il est l’auteur d’une centaine d’œuvres répertoriées: Sinfonietta, Variations pour orchestre, Sérénade pour cordes, plusieurs concertos pour piano et orchestre… De nombreuses pages de musique de chambre, allant de pièces pour piano au sextuor pour violon et vents, des mélodies, des œuvres chorales, complètent un catalogue particulièrement étoffé.
Henri Pousseur (1929-2009)
Henri Pousseur est souvent considéré comme le plus brillant représentant de la musique belge contemporaine. Si l’une de ses toutes premières œuvres “La Sonatine” pour piano, écrite durant ses années d’études (1949) est dodécaphonique, c’est bientôt vers le sérialisme intégral (où le principe de la série est étendu à tous les paramètres du son: hauteur, durée, intensité, rythme, timbre, nuances…) qu’il se tournera {universalis.fr – POUSSEUR HENRI (1929-2009)}.
Jacqueline Fontyn (1930)
Les premières œuvres de Jacqueline Fontyn {universalis.fr – FONTYN JACQUELINE}, comme “Capriccio” pour piano (1954), sont encore placées sous l’influence du compositeur autrichien Schönberg (par l’intermédiaire de l’enseignement de Max Deutsch, qui avait été son élève) et sont caractérisées par un langage sériel et dodécaphonique dont elle usera jusqu’en 1978: “Psalmus Tertius“, pour baryton, chœur et orchestre (1959), “Spirales“, pour deux pianos (1971), “Per Archi“, pour onze instruments à cordes (1973), “Halo“, pour harpe et seize instruments ou orchestre de chambre (1978). À partir d’“Éphémères“, pour mezzo-soprano et onze instruments, sur des poèmes de Robert Guiette (1979), Jacqueline Fontyn se détourne d’un matériau fondé sur les séries, lui préférant un langage modal, atonal et dodécaphonique.
Philippe Boesmans (1936)
Chez Philippe Boesmans, influencé à l’origine par le sérialisme, la démarche ne correspond pas à une école, à un courant. Son œuvre est jalonnée de consécrations importantes. Il est, depuis 1985, compositeur en résidence au Théâtre Royal de la Monnaie (Bruxelles) pour lequel il a composé différents opéras dont “La Ronde” (1993), d’après la pièce de l’écrivain autrichien Schnitzler, “Julie” (2005) et “Yvonne, Princesse de Bourgogne“
(2009).
Pierre Bartholomée (1937)
Pierre Bartholomée {wikipedia}, qui va commencer sa carrière comme pianiste, va jouer avec Henri Pousseur un rôle important dans la vie musicale belge. Ensemble, ils vont œuvrer à développer un nouveau langage et promouvoir la musique du 20e siècle auprès d’un large public. Son catalogue personnel comprend, notamment, deux opéras, deux oratorios, sept œuvres pour grand orchestre, de la musique de chambre, de la musique vocale, des pièces instrumentales et de la musique électronique.
Jean-Louis Robert (1948-1979)
Jean-Louis Robert est, en octobre 1971, l’un des premiers inscrits dans la classe de composition qu’a ouvert Henri Pousseur au Conservatoire de Liège. Il s’y livre à ses propres travaux de composition et collabore à la réalisation d’œuvres de Pousseur que ce dernier n’a pas le loisir d’effectuer lui-même (“Quatrième Vue sur les jardins interdits” et “Parade de Votre Faust” en 1974). “Le Cerisier éclaté”, pour piano solo (1973), peut être considérée comme la première œuvre aboutie de Jean-Louis Robert. Il s’agit d’un “mobile” fondé sur un système singulier de “répétitions généralisées” accompagnées de transformations très lentes et diversifiées à l’extrême {universalis.fr – Jean-louis Robert}.
Thierry De Mey (1956)
Ce qui guide l’ensemble du travail de Thierry De Mey {compositeurs.be : Thierry De Mey – brahms.ircam.fr: Thierry De Mey} est sans doute l’intuition du mouvement et du bondissement. “Refuser de concevoir le rythme comme simple combinatoire de durées à l’intérieur d’une grille temporelle, mais bien comme système générateur d’élans de chutes et de développements nouveaux” constitue le postulat préalable à son écriture musicale et filmique. Une grande partie de sa production musicale est destinée à la danse (notamment pour les chorégraphes Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Vandekeybus et sa sœur Michèle Anne De Mey -voir infra-) et au cinéma. Les installations de Thierry De Mey où interagissent musique, danse, vidéo et processus interactifs ont été présentées dans des manifestations telles que les biennales de Venise, de Lyon et en de nombreux musées.
Claude Ledoux (1960)
L’œuvre de Claude Ledoux synthétise différents apports (dont son intérêt pour les musiques extra-européennes). Quant aux œuvres les plus récentes, elles n’hésitent pas à intégrer certaines rythmiques et sonorités issues des nombreuses musiques populaires (dont le Jazz, rock…) {compositeurs.be – Claude Ledoux}.
D’autres noms
Frédéric Devreese (1929)
L’œuvre de Frédéric Devreese est très variée. À côté de quatre concertos pour piano, il a écrit un concerto pour violon, une symphonie, de la musique de chambre, deux opéras, des suites de ballets, des chansons, ainsi que de la musique de cinéma (notamment pour les films d’André Delvaux). Cette musique destinée au cinéma va avoir d’ailleurs une influence considérable sur ses autres œuvres. Par ailleurs, l’influence du jazz dans ses premières pièces va être très évidente comme en témoignent les nombreux échos gershwiniens de ses concertos pour piano et de sa symphonie. Les variations constantes du rythme forment l’épine dorsale de sa musique, une musique très originale et très accessible {Frédéric Devreese}.
Wim Mertens (1953)
Wim Mertens est un compositeur de musique de concert et de film. Son style va du classique à l’avant-garde, mais essentiellement dans une veine minimaliste. Seul ou avec son ensemble, Wim Mertens a sorti une soixantaine d’enregistrements en trente ans de carrière. Il est surtout connu du grand public pour ses contributions musicales à des films comme “Le Ventre de l’architecte” de Peter Greenaway, ou son morceau à succès “Struggle for Pleasure” {version live avec petit orchestre}.
Kaat De Windt (1963)
Kaat De Windt explore, quant à elle (autant comme pianiste que comme compositrice), les “musiques contemporaines” à travers divers projets pluridisciplinaires qui la confrontent à des styles et des formes très variés. Elle compose pour la danse, sur des films muets, pour des projets du vidéo… Son œuvre est semi-écrite, semi-improvisée.
Le monde du jazz
A partir des années 1920 déjà, et plus encore dans les années 1930, Bruxelles, Anvers et Liège vont s’imposer comme les trois foyers de développement {Cette triangulation perdurera jusqu’à l’aube des années 1990, moment où s’affirmeront d’autres foyers comme Gand et Bruges.} de cette nouvelle musique venue d’Amérique, qu’est le jazz. Chaque ville possède son “milieu”, et les contacts sont réguliers. En été, les villes du littoral (comme Ostende) prennent le relais et s’égaient de notes bleues à destination des vacanciers.
Paradoxalement, le jazz va continuer à se développer pendant la deuxième guerre mondiale, alors qu’il est officiellement interdit par l’Occupant nazi. Sa clandestinité n’empêche pas les musiciens de franchir des étapes décisives dans la maîtrise de leur art. A Bruxelles, partout on joue, on danse (bien que cela aussi soit théoriquement interdit par l’Occupant) avec, en arrière-pensée, l’idéalisation de l’Amérique comme puissant moteur psychologique. Il y aura aussi de nombreuses sessions d’enregistrement, à l’époque, entre autres lors du passage de Django Reinhardt à Bruxelles.
Django Reinhart (1910-1953) est né dans une roulotte stationnant à Liberchies, en Belgique, dans la communauté des gens du voyage. Au cours de son enfance, parmi les Tsiganes, Django Reinhardt voyage beaucoup avant de se fixer à Paris avec ses parents. Il apprend seul les rudiments de la musique et se produit très jeune dans les bals, où il joue du banjo et de la guitare. Mais à l’âge de 18 ans, suite à l’incendie de sa roulotte, il est gravement brûlé à la main gauche. Se refusant à abandonner la musique, il invente une nouvelle façon de jouer de la guitare, avec seulement 3 doigts. En 1934, il met sur pied le quintette à cordes du “Hot Club de France” en compagnie de Stéphane Grappelli. Empreint d’originalité, le groupe enregistre de nombreux titres (dont “Minor Swing“, 1937 ou “Nuage“, 1940). Formidable improvisateur, Django Reinhardt se distingue largement dans l’univers du jazz comme l’un des plus grands musiciens de son temps. Mélangeant la tradition Tzigane et le Jazz américain puis le bop il va, avec Stéphane Grappelli au violon, mettre en place un nouveau style musical qu’on appelle aujourd’hui le “jazz manouche” ou le “Gipsy-Jazz” {Django Reinhardt}.
A la Libération se produit un nouvel engouement populaire pour le jazz, grâce à une profusion de disques, partitions et instruments. Les musiciens belges retrouvent de nombreuses occasions de jouer (la plupart du temps en petites formations) pour les troupes américaines et canadiennes. A ce moment apparaissent de nouveaux solistes, comme Toots Thielemans qui commence à se faire un nom comme guitariste. Musiciens américains et belges se confrontent lors de mémorables “jam sessions”, signe d’une autonomisation croissante du jazz par rapport à la danse et à la variété. Ces musiciens vont, par ailleurs, être aussi fréquemment actifs dans un autre style de musique qui déferle dès la fin des années 1940, celui des musiques latines (tango, cha cha cha, rumba, mambo, samba, etc.).
Toots Thielemans (1922) est un harmoniciste et guitariste de jazz. Sa première percée internationale a lieu en 1950, année où il rejoint Benny Goodman pour une tournée européenne. En 1952, il émigre aux États-Unis, et ses premiers engagements seront notamment comme membre du groupe “All-Stars” de Charlie Parker. Il compose “Bluesette” en 1962, composition qui deviendra un standard et lui vaudra une renommée internationale. Il développe un nouveau son en sifflant et jouant de la guitare en même temps. Il est soliste à l’harmonica pour des musiques de film. Au fil des décennies, il est devenu la référence incontestable de l’harmonica, au niveau mondial.
A partir des années 1950, face au raz-de-marée de la “pop music“, le jazz va être amené à se réfugier pendant de longues années dans des clubs spécialisés. Comme il est devenu quasi impossible d’en vivre, certains musiciens belges choisissent la voie de l’exil, en particulier vers Paris (et les caves de Saint-Germain-des-Prés): le saxophoniste Bobby Jaspar (1926-1963), le guitariste René Thomas (1926-1975), Sadi (1927-2009), Francy Boland (1929-2005) et le contrebassiste Benoît Quersin (1927-1992).
Au cours des années 60′ apparaissent trois jeunes musiciens qui vont prendre de plus en plus d’importance dans le paysage jazzique belge: Le batteur Félix Simtaine (1938), Richard Rousselet (1940) qui s’impose en Belgique comme le premier trompettiste moderne et le guitariste Philip Catherine (1942) qui va se mettre à la composition après 1965.
A la charnière des années 1970/1980, le jazz va revenir en force, avec notamment l’apparition de nouveaux festivals {Les festivals de Gouvy, Franchimont, Mortroux, Ostende, Brosella, Rossignol (Gaume Jazz Festival), Oupeye (Jazz au Château), le Belga Jazz Festival décentralisé (le sponsor Belga sera remplacé plus tard par Audi), le Festival des Lundis d’Hortense.}.
Au début des années 1990, le groupe de jazz Aka Moon {Les musiciens d’Aka Moon sont Fabrizio Cassol, Michel Hatzigeoriou, Stéphane Galland.} va être créé. Il est reconnu pour pratiquer une musique riche, influencée par les voyages de ses membres autour du monde. De nombreuses collaborations “lointaines“, notamment avec les pygmées d’Afrique centrale (d’où le groupe tire d’ailleurs son nom) ou des percussionnistes indiens, sont présentes dans sa discographie (une douzaine d’albums).
Des chanteurs compositeurs poètes
Jacques Brel (1929-1978)
Jacques Brel {larousse.fr: Jacques Brel – universalis.fr: Jacques Brel – jacquesbrel.be} est l’un des grands représentants de la chanson en langue française de l’après Deuxième Guerre mondiale. Sa puissance scénique, la force de ses interprétations, l’évidence de certains de ses refrains ont fait de lui une figure mythique. Des artistes du monde entier ont repris ses chansons. Outre des interprètes belges et français qui l’ont beaucoup chanté, on retrouve ses chansons dans les répertoires de Nina Simone ou de Sting (“Ne me quitte pas“), David Bowie (“Amsterdam“), Céline Dion (“Quand on n’a que l’amour“).
Il va composer lui-même la plupart de ses musiques et de ses textes. Il chante l’amour, soit à la manière du romantique qui en a rêvé (Il peut pleuvoir, 1955; Je t’aime, 1959; Clara, 1961; Mathilde, 1964), soit à la manière de l’écorché vif qui ne peut séduire les femmes (la Haine, 1955; Madeleine, 1962; Au suivant, 1964; les Bonbons, 1964/1967).
Sa sincérité, il la met aussi dans l’évocation des lieux qui l’ont marqué (le Plat Pays, 1962; Bruxelles, 1962; Amsterdam, 1964) et dans l’expression de sentiments comme ceux de la solitude (Il pleut [les Carreaux], 1955; On n’oublie rien, 1961), de la vieillesse (le Moribond, 1961; les Vieux, 1964) ou de la mort (Fernand, 1966). Il excelle dans son rôle de pourfendeur du conformisme bourgeois (Grand Jacques [C’est trop facile], 1955; les Bourgeois, 1962; les Bigotes, 1963; Ces gens-là, 1965), mais n’oublie pas non plus la tendre moquerie (Rosa, 1962; Vesoul, 1968). Sa langue est celle de tous les jours, mais parfois dans ce qu’elle a de brutal. Il lui arrive de mêler le français et le flamand (Marieke, 1961).
Julos Beaucarne (1936)
Julos Beaucarne {Julos BEAUCARNE par J-M POLAIN Bernard GILLAiN, 1993 – Julos Beaucarne en tournée au Québec[], Lettre wallonie-Bruxelles, septembre 2012 – espacenord.com – Julos Beaucarne: julos.beaucarne – Mon Petit Royaume[]} est à la fois auteur, compositeur, interprète, écrivain, conteur, dramaturge, poète, diseur, philosophe spontané, anarchiste tendre, chanteur, photographe, sculpteur, inventeur, comédien, écologiste solitaire, installateur de pagodes post-industrielles, militant pour le Front de libération de l’oreille…
Ses thèmes de prédilection sont l’écologie, l’amour, la paix dans le monde, les droits de l’homme, la tendresse, la nostalgie et l’avenir, et encore l’humour. Prendre ce qu’il y a de meilleur, ouvrir les yeux pour regarder, voir ce que la mère nature nous offre de fantastique. L’esprit Beaucarne, c’est aussi plonger dans ses racines (auxquelles il est profondément attaché) pour mieux découvrir l’universel. Il excelle dans la chanson-poème qui hésite entre le grave et le souriant, le tendre et le grinçant.
Compositeur, il met aussi des notes sur les mots des autres, poètes en particulier: Hugo, Baudelaire et Verlaine, Apollinaire et Eluart, Van Lerberghe et Chavée, Elskamp et Liliane Wouters, etc.
Son répertoire compte plus de 400 chansons dont la plus célèbre est sans aucun doute “La Petite Gayolle“.
Salvatore Adamo (1943)
Salvatore Adamo {larousse.fr: Salvatore Adamo – adamosalvatore.com}, chanteur polyglotte d’origine italienne (arrivé en Belgique à l’âge de 4 ans), est une vedette en Europe, mais aussi en Amérique du Sud et surtout au Japon où “Tombe la neige” (1965) va monopoliser la tête du hit-parade pendant dix-huit mois.
Il chante l’amour, l’amitié ou la fraternité. Ses chansons sont aussi le reflet des problèmes de son temps: après “Inch’Allah” que lui a inspiré le conflit israélo-arabe en 1967, il dénonce le régime franquiste dans “Manuel” (1976) aussi bien que le scandale de la pauvreté dans “Sans domicile” (1995).
Arno (1949)
Arno est connu pour sa voix brisée et ses textes touchants. Chantant en anglais, en néerlandais et en français, il a fait de nombreux tubes, généralement limités toutefois à un public d’initiés, malgré une presse spécialisée souvent enthousiaste (“Putain putain“, “Bathroom singer“, “Elle adore le noir“, “Les Yeux de ma mère”, “Je veux nager”, “Chic et pas cher“). Il s’est fait aussi une spécialité de reprises très originales de standards francophones ou anglophones, qui lui ont ouvert un public plus large.
Claude Semal (1954)
Claude Semal est un homme de spectacle, chanteur et parolier, mais aussi un auteur satirique et pamphlétaire. L’impertinence et l’humour sont toujours présents dans son travail, comme contrepoint à une gravité un peu mélancolique et à une fibre sociale clairement affichée.
La Belgique occupe une place importante dans son œuvre. Apôtre de la tolérance et de la pacification entre les communautés linguistiques, il rit des travers de son pays. Ses spectacles (“S(e)mall belgian cabaretje“, “Ceci n’est pas un chanteur belge”, “Odes à ma douche“…), chansons (“Comme en Belgique” …) et albums (“Belge Ik“…) sont autant de signes d’attachement à ce pays surréaliste.
Danse contemporaine
Les années 1930 {Menet (B), 20 ans de danse en Communauté française de Belgique, Contredanse, Bruxelles, 1995. Cité in Mallaret (M), Les décloisonnements disciplinaires, cœur des prospections chorégraphiques en Belgique, Université Lyon 2, année 2004-2005, p. 23-25}
Au début des années 1930, la Belgique baigne dans le courant de l’art moderne. Pourtant, en danse, elle accuse un important retard. Le ballet se trouve réduit à des divertissements d’opéras. A cette époque, la danse est largement classique. La danse moderne, qui éclate au Etats-Unis et dans certains pays d’Europe, est quasi inexistante en Belgique.
Trois figures de la danse moderne en Belgique vont cependant émerger à l’époque.
La danseuse et chorégraphe Akarova (de son vrai nom Margueritte Acarin (1904-1999)) est considérée comme une figure pionnière de la danse en Belgique. Baignant dans l’avant-garde qui secouait alors la peinture, les arts plastiques, la musique, la littérature…, Akarova va appliquer à la danse les principes du constructivisme russe et du futurisme italien. L’influence de théoriciens du mouvement, comme son professeur de danse, le danseur américain Raymond Duncan, sera tout aussi déterminante.
En Flandre, deux autres femmes proches de cette même avant-garde vont participer également au mouvement de renouvellement: Elsa Darciel (1904-1998) qui va créer des ballets où danse, théâtre et musique forment un tout et Léa Daan (1906-1995), dont l’un des disciples, Alfons Goris sera l’un des piliers de l’Ecole de Mudra (voir ci-dessous).
Toutefois, jusqu’au tournant des années 1960, la danse en Belgique va connaître encore une période de stagnation.
Les années 1960-1970
Le “Ballet du 20e siècle”
En 1960, le chorégraphe français Maurice Béjart fonde à Bruxelles le “Ballet du 20e siècle” dont le rayonnement sera international. Jusqu’à son départ de Belgique (en 1987), les créations de Béjart vont rythmer la vie artistique de Bruxelles et de la Belgique, en général. Parallèlement, il va créer “l’Ecole Mudra” (1970-1988), dans laquelle vont être formées plusieurs générations d’interprètes et de chorégraphes de qualité parmi lesquels Anne Teresa De Keersmaeker, Michèle Noiret et Michèle Anne De Mey.
Frédéric Flamand (1946)
En 1973, Frédéric Flamand (1946) fonde le groupe “Plan K”: il y interroge le statut et la représentation du corps humain en intégrant au spectacle vivant les arts plastiques et les techniques de l’audiovisuel, jetant ainsi les bases de la démarche interdisciplinaire qui alimente son travail jusqu’à ce jour.
Les années 1990-2000
A partir des années 1990, la danse contemporaine va connaître une incroyable effervescence. La Belgique va devenir, en quelques années, un des pôles de la danse en Europe {contredanse.org – Nouvelles de danse n°65}.
Anne Teresa De Keersmaeker (1960)
Anne Teresa De Keersmaeker (1960) est une des plus grandes chorégraphes belges. Elle a acquis une renommée internationale à partir de la fin des années 1980. Elle a progressivement imposé un style, symbiose intelligente de plusieurs courants artistiques.
Pour créer des chorégraphies en osmose avec la composition musicale, elle invente des processus savamment complexes et très rapides qui génèrent une sorte d’ivresse du mouvement.
La grande constante de son œuvre reste la relation très étroite qu’elle tisse entre la danse et la musique comme en témoignent ses œuvres créées sur des partitions de Steve Reich, Belà Bartok, Wolfgang Amadeus Mozart, Jean-Sébastien Bach, Arnold Schoenberg, Eugène Ysäye, ou encore sa longue collaboration avec le compositeur belge contemporain Thierry de Mey {universalis.fr – DE KEERSMAEKER ANNE TERESA}.
Michèle Anne De Mey (1959)
Michèle Anne De Mey {Michèle Anne De Mey} a donné une nouvelle orientation à la danse contemporaine en signant ses premières chorégraphies dans les années 1980. Bien qu’une attention particulière soit toujours portée au lien entre la danse et la musique, la structure chorégraphique des créations de Michèle Anne De Mey nourrit un contenu dramaturgique fort et place le danseur dans un rapport scène/public spécifique et novateur.
Michèle Noiret (1960)
Michèle Noiret {Michèle Noiret – bio courte} est l’auteur de près de 30 chorégraphies qui, chacune, ouvrent sur un univers singulier à la fois poétique et troublant. Depuis 1997, elle introduit les technologies interactives du son et de l’image dans ses recherches chorégraphiques, en questionnant nos perceptions du temps et de l’espace.
Wim Vandekeybus (1963)
Sur scène, Wim Vandekeybus {larousse.fr – Wim Vandekeybus} libère une énergie brutale et instinctive, toute en élans brusques, roulades et chutes dans l’espace. Ses créations accordent une place privilégiée à la musique et la vidéo.
Alain Platel (1956)
Les chorégraphies d’Alain Platel {universalis.fr – Alain Platel} explorent de nouveaux champs, notamment ceux de la conscience sociale ou d’une danse en prise avec le réel – au point que l’on parlera à son sujet de “danse documentaire”.
Thierry Smits (1963)
Les spectacles de Thierry Smits {thor.be – Thierry Smits} oscillent entre danse pure et dramaturgie. les relations entre le sexe et le sacré occupent souvent une place prépondérante. Le corps, objet de désir, de plaisir et de finitude (le corps malade, atteint intimement et voué à la disparition), est souvent le sujet même de sa recherche chorégraphique.
En parallèle, Thierry Smits s’interroge sur la danse en tant que telle, la danse qui ne se réfère à rien d’autre qu’elle-même. Il donne priorité à une étude de la forme, de la composition chorégraphique et la recherche du mouvement.
Sidi Larbi Cherkaoui (1976)
Sidi Larbi Cherkaoui, né d’un père marocain et d’une mère belge, fait partie de la nouvelle génération émergente des chorégraphes. Sa première pièce en tant que chorégraphe est intitulée “Anonymous Society” et s’apparente à une comédie musicale où il danse sur des chansons de Jacques Brel. Mais il va se révéler réellement au grand public en 2000, avec un pièce d’envergure, “Rien de rien“, qui l’imposera immédiatement sur la scène de la danse contemporaine.
Son travail va s’attacher aux notions de multi culturalité et de différence. Ses créations sont, en effet, presque toujours en relation avec l’exploration de l’identité qu’elle soit culturelle, religieuse, ethnique, ou sexuelle. De même, pour certaines chorégraphies, dont “Ook“, il travaille avec des danseurs et des comédiens handicapés issus du Theater Stap.
Une autre constante de Cherkaoui est l’humour, utilisé dans les mots, les gestes, et la musique {wikipedia.org – Sidi Larbi Cherkaoui}.